Leçon de vie au marthon d'Annecy
- robin
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Un an que je n'avais pas couru de marathon. Je crois bien que j'avais oublié combien c'était dur. Ce 21 avril me l'aura cruellement rappelé. Ne jamais prendre cette distance à la légère quand bien même à l'entrainement on peut enchainer des journées de 30 km en trottinant sans fatigue.
C'était mon 5ème marathon.
Un an que j'y pense. En franchissant l'an dernier la ligne de ce même marathon en 2h58'40", j'atteignais certes le rêve des moins de 3h mais je me projetai déjà sur l'après, sur le comment faire mieux, sur à quel nouveau rêve se raccrocher.
La préparation : de l'extrême confiance au petit doute qui s'insinue :
A partir de l'été, tout a tourné sur l'amélioration de ma vitesse de base et j'ai consacré l'automne à des 10 km et des semis où j'ai fait tomber mes marques très régulièrement. J'ai fait une pause hivernale très courte de 12 jours (mais complète) pour ne pas trop perdre cette vitesse et j'ai continué à la faire progresser avec un deuxième cycle de vma en janvier et des séances régulières de PPG, me permettant ainsi de mettre plus de 1'30" à mon précédent record sur 10km. Le premier étage de la fusée avait bien décollé ce 17 février
La partie spécifique de 8-9 semaines en tout m'a permis de retrouver des allures plus cool mais qui évidemment et très plaisamment avaient augmenté elles aussi. Aux mêmes pulsations que l'an dernier, aux mêmes endroits, j'étais à 10 à 15" plus rapide au km. La confiance était alors au top et je larguais le deuxième étage de la fusée au semi de Feurs le 21 mars en 1h22'30". A 4' au km, j'avais eu du mal à me retenir et en lâchant sur la fin les chevaux, j'avais eu la bonne surprise de voir que j'avais encore beaucoup de jus.
Enorme confiance...
D'un rêve de courir en 4' au km, je commençais à faire une réalité.
De cette réalité naissante je décidais de faire mon allure marathon ! Me sachant capable de résister 5,8,10km si il le fallait à un effondrement énergétique, je pensais ainsi pulvériser mon record sur marathon en 2h52 ou moins .
Excès de confiance diront certains, prétentions diront d'autres, bêtise d'autres encore.
Rien de tout cela, juste l'envie de rêver les yeux ouverts, de me sentir en vie.
La fin de ma préparation fut plutôt malchanceuse : début de tendinite au bas du mollet, fatigue consécutive à une bonne allergie aux pollens et coupure forcée de cap 10 jours avant l'objectif. Le moral en a pris alors un coup, même si j'ai voulu rester positif et combattif (séances de vélo, massages, étirements, pensées positives). Et puis je ne récuperai pas aussi bien que d'habitude de ma dernière grosse SL qui pourtant était très très bien passée. Nous étions déjà deux en cette fin de préparation "celui qui croyait au ciel, celui qui n'y croyait pas" pour ceux qui connaissent le très beau poème d'Aragon qui parlait, lui, d'un combat autrement plus engagé et courageux que mon petit combat sportif.
Pas d'excuses ... :
En cette fin de prépa, j'ai cessé de penser pour m'éviter les pensées négatives du genre "4 mois d'entrainement et tu vas rater ton objectif". J'attends le jour J avec la classique recharge glucidique que je tente d'améliorer sur les conseils d'un entraineur de team (JC Banfi).
La tendinite va mieux. la pluie a fait tomber les pollens. J'ai pas trop mal dormi cette semaine avec une sieste chaque jour notamment.
Je me sens un peu las quand même Mon petit ressort de diablotin est un peu mou
"Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas"
Les conditions sont idéales : temps légèrement couvert, pas de pluie, pas de vent, 9°C.
Du monde sur tout le parcours pour m'encourager : ma femme, des amis, un ancien camarade d'école recroisé 2 jours avant, le torréfacteur-trailer de Villefranche, Jérôme (Amenhi) qui sera sur marathon aussi. Tous vont me pousser sur le parcours.
Si je ne perfe pas, je ne le devrais qu'à moi même.
Je ne veux rien regretter, je partirai à 4' au km et c'est tout. On analysera après.
Sur la ligne, je découvre même un autre ccapiste qui me connaît (il diablo ). pas moi. C'est un sous-marin comme on dit... Il nous lit, ne dit rien et vous met une claque de 5' (enfin je crois... Bravo à lui). Jean-Yves donc. 1h18 sur semi et il va partir plus lentement que moi . Bon, moi je suis trop joueur mais toi mon petit jean-Yves, t'es trop prudent
16 km pour y croire :
Go!
Très vite je suis à l'allure : 4' au km, sans effort particulier. Impecc. JY me rattrape pour me souhaiter bonne chance puis rétrograde comme prévu à 4'05 ou 4'10 je crois.
J'ai été en manque de sensations ces 10 derniers jours. Retrouver mon rythme de course me fait plaisir. Je repense à toutes ces belles et difficiles sorties cet hiver sous la pluie, la neige, à zigzaguer entre les plaques de glace. Yesssss, je suis bien !
km1 3:59
km2 3:58
km3 3:57
km4 3:57
un petit groupe se forme. Clairement, c'est le groupe des 4' au km. Génial, inutile de regarder la montre, l'allure est faite par d'autres. Subjectivement, j'ai un gros moral, je suis gonflé à bloc, les sensations sont bonnes, je cours plus facilement qu'à l'entrainement à cette même allure.
Objectivement, c'est moins clair : à l'entrainement, j'étais alors à une FC de 164-165; sur marathon, je suis d'habitude le jour de la compèt à 171. Là, je suis à 174. ça sent pas bon.
"Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas"
Pour l'heure, je me fie à l'instinct : "à l'attaque"
km5 3:58
km6 4:00
km7 3:55
Il m'arrive de faire le rythme en tête du groupe. Je suis globalement à ma place dans ce groupe en terme d'aisance. Je mesure là mes progrès. Je vois bien aussi que d'autres ont plus d'expérience. Cette partie du parcours est plaisante. Je suis dans la course et je sais que 3h, ça passe vite.
km8 4:00
km9 4:02
km10 4:01 premier 10km en 39'50"
km11 4:01
km12 3:58
J'avais rendez vous là avec Béné, ma femme. Elle me donne une bouteille de boisson énergétique que je bois à moitié. La deuxième moitié étant pour le retour (29ème km). Elle me suit pour récupérer la bouteille, ah ah, ça va vite poulette !!!
km13 3:58
km14 3:58
km15 4:12 faux plat montant; je l'ai bien (trop) senti celui là
km16 4:01
La lutte contre l'abandon :
A ce stade là au semi de Feurs, j'étais frais comme un gardon.
Là, j'accuse le coup. Et je laisse filer doucement le groupe devant à la faveur d'un ravito. les mecs sont très réguliers, pas moi.
Basta les 2h52. Je réalise très concrètement ça à cet instant.
Pas question d'abandonner évidemment mais je revois ma stratégie à la prudence. Je gère mon rythme à la sensation
km17 4:06
km18 3:59
km19 4:05
Mais tout ça est encore trop élevé.
Deuxième leçon d’humilité : je croise juste les premiers qui sont à une allure déraisonnable. l'an dernier à ce stade, je me souviens très bien avoir encouragé de la voix les 10 premiers au moins. là, je ne peux pas le faire. Je suis cramé
Fin des espoirs de perf.
Le calvaire commence.
Je me fais doubler sans cesse.
km20 4:17
km21 4:16
On vient de finir la ligne droite le long du lac et on attaque la boucle qui nous amène au semi.
Je le franchis en 1h25. J'aurai volontiers arrêté là.
Je pense à abandonner car je vois bien ce qu'il va se passer. Il est beaucoup trop tôt, je vais m'effondrer et perdre des minutes et des minutes. je vais finir en 3h10-15 ou 30 en souffrant un max.
Quel intérêt ?
Quel plaisir ?
"Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas"
Là c'est ma tête qui n'y croit plus.
Mon corps avance encore :
km22 4:18
km23 4:15
km24 4:13
Je rejoins la ligne droite de retour après la boucle. Cyril m'encourage tout ce qu'il peut.
Je réfléchis que si je maintenais ce 4'15", avec l'avance prise au semi, ça ferait un temps pas dégueulasse du tout.
J'y crois...
Mais j'entrevois (je ressens déjà) les douleurs qu'imposeraient de finir ce si long retour.
J'y crois pas...
Alors je m'accroche à ce que je peux.
1er dérivatif : "je ne peux pas abandonner avant d'avoir croiser Jérôme".
km25 4:16
Il m'encourage, ça m'aide quelques mètres mais je suis dans un long faux plat et je peine en me faisant doubler de toute part.
km26 4:31
je crois que c'est par là mais je ne suis sûr de rien. Jean-Yves me dépasse (frais comme tout) en disant un petit mot, par politesse, par gentillesse mais je ne le reçois pas comme particulièrement encourageant "c'est pas bien, c'est pas bien" me dit-il . Non, non, je te corrige JY : "JE suis pas bien" mais alors pas bien du tout. Je m'arrêterai bien là.
En plus, je prends déjà mal aux cuisses sur le côté extérieur. cela était arrivé bien plus tard l'an dernier.
km27 4:21
Nouveauté de cette année, un détour dans le village de Duingt où il devait y avoir du public et une animation.
Rues désertes, rues en zig-zag, petites côtes casse pattes, un ravito mal placé sur la gauche, l'horreur. le lieu idéal pour abandonner.
km28 4:26
Le corps ne veut plus, j'ai plus d'énergie et il reste encore 14 bornes à faire.
On remonte encore pour récupérer la voie verte qu'on avait quitté. Putain, je vous jure cette année, j'ai eu le sentiment qu ce parcours plat montait du début à la fin.
Ma tête me dit que je n'abandonnerai pas avant d'avoir recroisé Béné.
km29 4:19
C'est 2 km de gagné. Mais là, il en reste encore 12. C'est énorme. Je n'ai pas la force de m'alimenter et de boire la fin de la bouteille que Béné me tend. Je vois à son regard qu'elle a compris. je fais moins le fier à bras qu'à l'aller. Je lui récupère juste une petite fiole souple avec de la boisson énergétique que je sers dans ma main.
km30 4:24
km31 4:31
Je cours sans regarder devant, je regarde juste le goudron défiler sous mes pieds. C'est presque grisant. Je m'oublie, je pense le moins possible. Mon corps tient encore, quoique sans ressource autres que les lipides. Ma tête revoit ses objectifs à la baisse : pas de perf aujourd'hui mais une chose est encore tentable, les 3h. ça aurait presque de la gueule un jour d'agonie.
km32 4:20
km33 4:28
Il reste 9km. Trop long.
Il faut que ça s'arrête.
Un ravito, je m'asperge d'eau.
Un speaker égrène les prénoms marqués sur les dossards. "Allez Robin"
Putain, Robin, il est mort, vous le voyiez pas ? Il est claqué il diablo et il voit marqué sur le côté "poste de secours à 1000m" avec en dessous un bonhomme rigolo et la mention "la défaillance est humaine".
C'est ça, je me dis, ils veulent que j'abandonne.
km34 4:32
km35 4:39
km36 4:39
Je fais défiler dans ma tête les km : plus que 8 ("allez, c'est comme une série de 2*4000), plus que 7, plus que 6 (c'est qu'une seule série de la séance 2*6000).
La tête bataille encore. le corps ne veut plus.
"Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas"
Je m'écroule encore, si tenté que ce soit possible
km37 4:46
je me fais reprendre par la deuxième féminine (la première est une ethiopienne bien loin devant)
km38 4:53
Ce sont mes allures d'EF mais je suis à 169 bpm. Même mon coeur ne veut plus monter.
A la poursuite de la flamme :
Cela dit, une chose est sûre maintenant. Je n'abandonnerai plus.
Depuis 1km, je commence à reprendre du monde. On s'arrête devant moi pour cause de crampes, de lassitude. ceux qui le font ne repartent pas et me dissuadent de le faire.
Très sérieusement, à ce stade, je ne vois pas comment je vais rallier l'arrivée mais il faut en finir vite car je bataille depuis 20 bornes déjà.
km39 4:42
Béné est là de nouveau. Je ne l'avais pas vu. Elle m'encourage mais là j'ai besoin d'être seul avec moi même. J'essaye de ne refaire qu'un, la tête et les jambes pour suivre ce putain de drapeau des 3h qui vient de me passer devant comme une balle.
km40 4:42
Le drapeau file devant en exhortant ses suivants à ne pas lâcher.
Ah, si près du but. j'aurai pu finir en 3h15 et non, je vais finir en 3h01. C'est trop con.
J'ai encore un peu de lucidité, je regarde ma montre et je vois qu'en effet à 4'42" sur les deux derniers km, ça le fait pas tout à fait . Allez mon coco, fais remonter le coeur bordel et mets ce que tu peux.
km41 4:27
Je récupère la deuxième féminine. Je lui glisse un mot, dans un souffle, pour l'aider à tenir. elle finit en 3h00'02" officiel mais à sa montre, elle doit être sub3h je pense (moi j'avais 5" d'écart avec le chrono,officiel)
km42 4:23
il reste 100m, j'aperçois le chrono en 2h59'25".
Ouf, c'est bon, ça va le faire, je termine à 15km/h, content que ça s'arrête et avec deux petits combats remportés contre moi même : ne pas abandonner et rester sous 3h pour le moral, pour le prochain coup où j'irai chercher mieux.
"Quand les blés sont sous la grêle
Fou qui fait le délicat"
Aragon encore, "La rose et le réséda" toujours.
Un bilan ? :
2h59'40"
Déçu par rapport à l'objectif mais des souvenirs plein la tête : ceux de mes entrainements hivernaux au mental, ceux du très beau semi de Feurs (à faire !!), ceux du modeste combat remporté contre moi même, ceux d'une journée de course à pied où l'on voit des gens pacifiques et très divers donner le meilleur d'eux mêmes quelques instants. Avec beaucoup d'imagination, ça rendrait presque optimiste
Pour être plus prosaïque, y'en a qui vont me demander une analyse des causes de ma "contre-performance" (relative, je mesure bien que 3h, c'est pas si mal ). Je dirai :
- une prépa trop longue et donc un émoussement de la motivation pourtant grande chez moi.
- Une mauvaise gestion du pic de forme qui est arrivé 3 semaines trop tôt, que j'ai à peu près maintenu mais à peu près seulement.
- Et un peu de malchance sur la fin (rhume des foins, début de tendinite que je n'ai pas su anticiper) me contraignant à arrêter totalement de courir 10j avant l'objectif.
C'était mon 5ème marathon.
Un an que j'y pense. En franchissant l'an dernier la ligne de ce même marathon en 2h58'40", j'atteignais certes le rêve des moins de 3h mais je me projetai déjà sur l'après, sur le comment faire mieux, sur à quel nouveau rêve se raccrocher.
La préparation : de l'extrême confiance au petit doute qui s'insinue :
A partir de l'été, tout a tourné sur l'amélioration de ma vitesse de base et j'ai consacré l'automne à des 10 km et des semis où j'ai fait tomber mes marques très régulièrement. J'ai fait une pause hivernale très courte de 12 jours (mais complète) pour ne pas trop perdre cette vitesse et j'ai continué à la faire progresser avec un deuxième cycle de vma en janvier et des séances régulières de PPG, me permettant ainsi de mettre plus de 1'30" à mon précédent record sur 10km. Le premier étage de la fusée avait bien décollé ce 17 février
La partie spécifique de 8-9 semaines en tout m'a permis de retrouver des allures plus cool mais qui évidemment et très plaisamment avaient augmenté elles aussi. Aux mêmes pulsations que l'an dernier, aux mêmes endroits, j'étais à 10 à 15" plus rapide au km. La confiance était alors au top et je larguais le deuxième étage de la fusée au semi de Feurs le 21 mars en 1h22'30". A 4' au km, j'avais eu du mal à me retenir et en lâchant sur la fin les chevaux, j'avais eu la bonne surprise de voir que j'avais encore beaucoup de jus.
Enorme confiance...
D'un rêve de courir en 4' au km, je commençais à faire une réalité.
De cette réalité naissante je décidais de faire mon allure marathon ! Me sachant capable de résister 5,8,10km si il le fallait à un effondrement énergétique, je pensais ainsi pulvériser mon record sur marathon en 2h52 ou moins .
Excès de confiance diront certains, prétentions diront d'autres, bêtise d'autres encore.
Rien de tout cela, juste l'envie de rêver les yeux ouverts, de me sentir en vie.
La fin de ma préparation fut plutôt malchanceuse : début de tendinite au bas du mollet, fatigue consécutive à une bonne allergie aux pollens et coupure forcée de cap 10 jours avant l'objectif. Le moral en a pris alors un coup, même si j'ai voulu rester positif et combattif (séances de vélo, massages, étirements, pensées positives). Et puis je ne récuperai pas aussi bien que d'habitude de ma dernière grosse SL qui pourtant était très très bien passée. Nous étions déjà deux en cette fin de préparation "celui qui croyait au ciel, celui qui n'y croyait pas" pour ceux qui connaissent le très beau poème d'Aragon qui parlait, lui, d'un combat autrement plus engagé et courageux que mon petit combat sportif.
Pas d'excuses ... :
En cette fin de prépa, j'ai cessé de penser pour m'éviter les pensées négatives du genre "4 mois d'entrainement et tu vas rater ton objectif". J'attends le jour J avec la classique recharge glucidique que je tente d'améliorer sur les conseils d'un entraineur de team (JC Banfi).
La tendinite va mieux. la pluie a fait tomber les pollens. J'ai pas trop mal dormi cette semaine avec une sieste chaque jour notamment.
Je me sens un peu las quand même Mon petit ressort de diablotin est un peu mou
"Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas"
Les conditions sont idéales : temps légèrement couvert, pas de pluie, pas de vent, 9°C.
Du monde sur tout le parcours pour m'encourager : ma femme, des amis, un ancien camarade d'école recroisé 2 jours avant, le torréfacteur-trailer de Villefranche, Jérôme (Amenhi) qui sera sur marathon aussi. Tous vont me pousser sur le parcours.
Si je ne perfe pas, je ne le devrais qu'à moi même.
Je ne veux rien regretter, je partirai à 4' au km et c'est tout. On analysera après.
Sur la ligne, je découvre même un autre ccapiste qui me connaît (il diablo ). pas moi. C'est un sous-marin comme on dit... Il nous lit, ne dit rien et vous met une claque de 5' (enfin je crois... Bravo à lui). Jean-Yves donc. 1h18 sur semi et il va partir plus lentement que moi . Bon, moi je suis trop joueur mais toi mon petit jean-Yves, t'es trop prudent
16 km pour y croire :
Go!
Très vite je suis à l'allure : 4' au km, sans effort particulier. Impecc. JY me rattrape pour me souhaiter bonne chance puis rétrograde comme prévu à 4'05 ou 4'10 je crois.
J'ai été en manque de sensations ces 10 derniers jours. Retrouver mon rythme de course me fait plaisir. Je repense à toutes ces belles et difficiles sorties cet hiver sous la pluie, la neige, à zigzaguer entre les plaques de glace. Yesssss, je suis bien !
km1 3:59
km2 3:58
km3 3:57
km4 3:57
un petit groupe se forme. Clairement, c'est le groupe des 4' au km. Génial, inutile de regarder la montre, l'allure est faite par d'autres. Subjectivement, j'ai un gros moral, je suis gonflé à bloc, les sensations sont bonnes, je cours plus facilement qu'à l'entrainement à cette même allure.
Objectivement, c'est moins clair : à l'entrainement, j'étais alors à une FC de 164-165; sur marathon, je suis d'habitude le jour de la compèt à 171. Là, je suis à 174. ça sent pas bon.
"Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas"
Pour l'heure, je me fie à l'instinct : "à l'attaque"
km5 3:58
km6 4:00
km7 3:55
Il m'arrive de faire le rythme en tête du groupe. Je suis globalement à ma place dans ce groupe en terme d'aisance. Je mesure là mes progrès. Je vois bien aussi que d'autres ont plus d'expérience. Cette partie du parcours est plaisante. Je suis dans la course et je sais que 3h, ça passe vite.
km8 4:00
km9 4:02
km10 4:01 premier 10km en 39'50"
km11 4:01
km12 3:58
J'avais rendez vous là avec Béné, ma femme. Elle me donne une bouteille de boisson énergétique que je bois à moitié. La deuxième moitié étant pour le retour (29ème km). Elle me suit pour récupérer la bouteille, ah ah, ça va vite poulette !!!
km13 3:58
km14 3:58
km15 4:12 faux plat montant; je l'ai bien (trop) senti celui là
km16 4:01
La lutte contre l'abandon :
A ce stade là au semi de Feurs, j'étais frais comme un gardon.
Là, j'accuse le coup. Et je laisse filer doucement le groupe devant à la faveur d'un ravito. les mecs sont très réguliers, pas moi.
Basta les 2h52. Je réalise très concrètement ça à cet instant.
Pas question d'abandonner évidemment mais je revois ma stratégie à la prudence. Je gère mon rythme à la sensation
km17 4:06
km18 3:59
km19 4:05
Mais tout ça est encore trop élevé.
Deuxième leçon d’humilité : je croise juste les premiers qui sont à une allure déraisonnable. l'an dernier à ce stade, je me souviens très bien avoir encouragé de la voix les 10 premiers au moins. là, je ne peux pas le faire. Je suis cramé
Fin des espoirs de perf.
Le calvaire commence.
Je me fais doubler sans cesse.
km20 4:17
km21 4:16
On vient de finir la ligne droite le long du lac et on attaque la boucle qui nous amène au semi.
Je le franchis en 1h25. J'aurai volontiers arrêté là.
Je pense à abandonner car je vois bien ce qu'il va se passer. Il est beaucoup trop tôt, je vais m'effondrer et perdre des minutes et des minutes. je vais finir en 3h10-15 ou 30 en souffrant un max.
Quel intérêt ?
Quel plaisir ?
"Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas"
Là c'est ma tête qui n'y croit plus.
Mon corps avance encore :
km22 4:18
km23 4:15
km24 4:13
Je rejoins la ligne droite de retour après la boucle. Cyril m'encourage tout ce qu'il peut.
Je réfléchis que si je maintenais ce 4'15", avec l'avance prise au semi, ça ferait un temps pas dégueulasse du tout.
J'y crois...
Mais j'entrevois (je ressens déjà) les douleurs qu'imposeraient de finir ce si long retour.
J'y crois pas...
Alors je m'accroche à ce que je peux.
1er dérivatif : "je ne peux pas abandonner avant d'avoir croiser Jérôme".
km25 4:16
Il m'encourage, ça m'aide quelques mètres mais je suis dans un long faux plat et je peine en me faisant doubler de toute part.
km26 4:31
je crois que c'est par là mais je ne suis sûr de rien. Jean-Yves me dépasse (frais comme tout) en disant un petit mot, par politesse, par gentillesse mais je ne le reçois pas comme particulièrement encourageant "c'est pas bien, c'est pas bien" me dit-il . Non, non, je te corrige JY : "JE suis pas bien" mais alors pas bien du tout. Je m'arrêterai bien là.
En plus, je prends déjà mal aux cuisses sur le côté extérieur. cela était arrivé bien plus tard l'an dernier.
km27 4:21
Nouveauté de cette année, un détour dans le village de Duingt où il devait y avoir du public et une animation.
Rues désertes, rues en zig-zag, petites côtes casse pattes, un ravito mal placé sur la gauche, l'horreur. le lieu idéal pour abandonner.
km28 4:26
Le corps ne veut plus, j'ai plus d'énergie et il reste encore 14 bornes à faire.
On remonte encore pour récupérer la voie verte qu'on avait quitté. Putain, je vous jure cette année, j'ai eu le sentiment qu ce parcours plat montait du début à la fin.
Ma tête me dit que je n'abandonnerai pas avant d'avoir recroisé Béné.
km29 4:19
C'est 2 km de gagné. Mais là, il en reste encore 12. C'est énorme. Je n'ai pas la force de m'alimenter et de boire la fin de la bouteille que Béné me tend. Je vois à son regard qu'elle a compris. je fais moins le fier à bras qu'à l'aller. Je lui récupère juste une petite fiole souple avec de la boisson énergétique que je sers dans ma main.
km30 4:24
km31 4:31
Je cours sans regarder devant, je regarde juste le goudron défiler sous mes pieds. C'est presque grisant. Je m'oublie, je pense le moins possible. Mon corps tient encore, quoique sans ressource autres que les lipides. Ma tête revoit ses objectifs à la baisse : pas de perf aujourd'hui mais une chose est encore tentable, les 3h. ça aurait presque de la gueule un jour d'agonie.
km32 4:20
km33 4:28
Il reste 9km. Trop long.
Il faut que ça s'arrête.
Un ravito, je m'asperge d'eau.
Un speaker égrène les prénoms marqués sur les dossards. "Allez Robin"
Putain, Robin, il est mort, vous le voyiez pas ? Il est claqué il diablo et il voit marqué sur le côté "poste de secours à 1000m" avec en dessous un bonhomme rigolo et la mention "la défaillance est humaine".
C'est ça, je me dis, ils veulent que j'abandonne.
km34 4:32
km35 4:39
km36 4:39
Je fais défiler dans ma tête les km : plus que 8 ("allez, c'est comme une série de 2*4000), plus que 7, plus que 6 (c'est qu'une seule série de la séance 2*6000).
La tête bataille encore. le corps ne veut plus.
"Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas"
Je m'écroule encore, si tenté que ce soit possible
km37 4:46
je me fais reprendre par la deuxième féminine (la première est une ethiopienne bien loin devant)
km38 4:53
Ce sont mes allures d'EF mais je suis à 169 bpm. Même mon coeur ne veut plus monter.
A la poursuite de la flamme :
Cela dit, une chose est sûre maintenant. Je n'abandonnerai plus.
Depuis 1km, je commence à reprendre du monde. On s'arrête devant moi pour cause de crampes, de lassitude. ceux qui le font ne repartent pas et me dissuadent de le faire.
Très sérieusement, à ce stade, je ne vois pas comment je vais rallier l'arrivée mais il faut en finir vite car je bataille depuis 20 bornes déjà.
km39 4:42
Béné est là de nouveau. Je ne l'avais pas vu. Elle m'encourage mais là j'ai besoin d'être seul avec moi même. J'essaye de ne refaire qu'un, la tête et les jambes pour suivre ce putain de drapeau des 3h qui vient de me passer devant comme une balle.
km40 4:42
Le drapeau file devant en exhortant ses suivants à ne pas lâcher.
Ah, si près du but. j'aurai pu finir en 3h15 et non, je vais finir en 3h01. C'est trop con.
J'ai encore un peu de lucidité, je regarde ma montre et je vois qu'en effet à 4'42" sur les deux derniers km, ça le fait pas tout à fait . Allez mon coco, fais remonter le coeur bordel et mets ce que tu peux.
km41 4:27
Je récupère la deuxième féminine. Je lui glisse un mot, dans un souffle, pour l'aider à tenir. elle finit en 3h00'02" officiel mais à sa montre, elle doit être sub3h je pense (moi j'avais 5" d'écart avec le chrono,officiel)
km42 4:23
il reste 100m, j'aperçois le chrono en 2h59'25".
Ouf, c'est bon, ça va le faire, je termine à 15km/h, content que ça s'arrête et avec deux petits combats remportés contre moi même : ne pas abandonner et rester sous 3h pour le moral, pour le prochain coup où j'irai chercher mieux.
"Quand les blés sont sous la grêle
Fou qui fait le délicat"
Aragon encore, "La rose et le réséda" toujours.
Un bilan ? :
2h59'40"
Déçu par rapport à l'objectif mais des souvenirs plein la tête : ceux de mes entrainements hivernaux au mental, ceux du très beau semi de Feurs (à faire !!), ceux du modeste combat remporté contre moi même, ceux d'une journée de course à pied où l'on voit des gens pacifiques et très divers donner le meilleur d'eux mêmes quelques instants. Avec beaucoup d'imagination, ça rendrait presque optimiste
Pour être plus prosaïque, y'en a qui vont me demander une analyse des causes de ma "contre-performance" (relative, je mesure bien que 3h, c'est pas si mal ). Je dirai :
- une prépa trop longue et donc un émoussement de la motivation pourtant grande chez moi.
- Une mauvaise gestion du pic de forme qui est arrivé 3 semaines trop tôt, que j'ai à peu près maintenu mais à peu près seulement.
- Et un peu de malchance sur la fin (rhume des foins, début de tendinite que je n'ai pas su anticiper) me contraignant à arrêter totalement de courir 10j avant l'objectif.
Last Edit:il y a 11 ans 7 mois
par robin
Dernière édition: il y a 11 ans 7 mois par robin.
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Réponse de bambiRun sur le sujet Re: Leçon de vie au marthon d'Annecy
Posted il y a 11 ans 7 mois #233001
Tin j'ai souffert la
Tres beau CR Robin.
Tres beau CR Robin.
par bambiRun
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Réponse de olivier73 sur le sujet Re: Leçon de vie au marthon d'Annecy
Posted il y a 11 ans 7 mois #233003
Bravo pour cette belle performance
ET puis un CR sympa aussi. On sent bien la difficulté de gérer sa course malgré le fait que ça n'a pas été comme tu avais prévu...
Evidemment moins de 3h00 sur un marathon... c'est tout à fait impressionnant, ça laisse sur le cul... Bravo
Malgré ça, je comprends ta semi déception après tous ces mois de préparation, ce n'est pas facile de sentir qu'on ne va pas réussir ce qu'on s'est mis en tête...
Comme quoi, courir c'est souvent une belle leçon d'humilité.
Merci
ET puis un CR sympa aussi. On sent bien la difficulté de gérer sa course malgré le fait que ça n'a pas été comme tu avais prévu...
Evidemment moins de 3h00 sur un marathon... c'est tout à fait impressionnant, ça laisse sur le cul... Bravo
Malgré ça, je comprends ta semi déception après tous ces mois de préparation, ce n'est pas facile de sentir qu'on ne va pas réussir ce qu'on s'est mis en tête...
Comme quoi, courir c'est souvent une belle leçon d'humilité.
Merci
par olivier73
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Réponse de finopat sur le sujet Re: Leçon de vie au marthon d'Annecy
Posted il y a 11 ans 7 mois #233004
Merci pour ce CR Robin,
encore bravo pour ce moins de 3h00 arraché au mental .
encore bravo pour ce moins de 3h00 arraché au mental .
par finopat
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- tarif
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Réponse de tarif sur le sujet Re: Leçon de vie au marthon d'Annecy
Posted il y a 11 ans 7 mois #233012
Bravo. Allez au bout quand t'es cramé au 16ème ... c'est beau, beau , beau et con à la fois ...
par tarif
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Réponse de rémilens sur le sujet Re: Leçon de vie au marthon d'Annecy
Posted il y a 11 ans 7 mois #233013
Hé bé... le mot qui doit revenir le plus souvent dans ton CR c'est abandon mais finalement en conclusion d'abandon il n'y en a pas eu. Ce n'était peut être pas un diable conquérant mais c'était un diable sacrément résistant (même sans Aragon) et pour ça bravo.
par rémilens
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