les 10 km du 13 à Marseille (01/05/13)

Les calculs sont clairs... Le départ est à 9h. Il faut manger au plus tard 3h avant. Et il me faut un bon quart d'heure d'éveil pour pouvoir avaler quelque chose. Ca nous dit: debout 5h30 du mat' pour un petit déjeuner à 5h45. Un jour férié, ça fait mal! Mais bon, ma première compète vaut bien ça! Pain complet + miel, banane, boisson iso, tout y passe. Ah, et pas de café, dur, dur...

Une douche et un petit trajet en voiture plus tard, me voilà à Marseille vers 8h pour être sûr de trouver une place: il n'y a pas de transports en commun le 1er mai, il faut donc se garer pas trop loin. J'ai bien visé, je trouve du premier coup, à 500m de la ligne de départ. Coup d'oeil au cardio: 50% de FC Max. N'importe quoi, c'est quoi ça???

Retrouvailles avec le copain qui m'entraîne depuis les 8 mois que je cours: on papote, on retrouve des visages connus, le temps passe vite. Cardio 48%. Normal, me dit mon pote: le stress. Stressé, moi? Pfeuh! Bon, OK, c'est vrai. Bah mes cocos, ça promet... Un gars me demande: "objectif?" J'hésite. Je lui dis? Allez... "50 min". Alea jacta est. Et mon poto-entraîneur qui module: "oui, bon, quel que soit le résultat, ce sera bien". Je me rebiffe. "Si c'est dans l'obj, ce sera encore mieux. Eh, Coach, tu m'as collé un plan pour 50 min, alors t'assumes!". Non mais ça y est, oui? Y connaissent pas Raoul! Je rebois un ch'tit canon d'Isomachin.

H-25 min. Echauffement. Certains s'échauffent super vite... Maman, j'ai peur! Moi, je trottine comme un escargot pétri d'arthrose, échauffant méticuleusement le fragile système musculo-tendineux que ma maman a mis neuf mois à me faire. 65% de FC Max. Tout baigne. H-15 min. J'allonge un peu la foulée. Ca monte gentiment, 75%. Ca roule. Quelques lignes droites et à H-8 min, direction le départ. 1300 personnes dans un assez petit périmètre, c'est dense...

Mon pote me place. Vers le milieu de la file, à l'extérieur droit. Il fait bon,16°. Il pleut un peu, à peine. Nickel. FC 50%, beurk... Quelqu'un tire. Pan! Et la chenille s'élance. Je franchis la ligne, top chrono. P'tain, ça traîne. Vraiment. Un bolide me dépasse par la droite. Deux, trois... Coup d'oeil furtif, je déboîte et j'envoie les watts. Pas trop. Mais pas trop peu. Pfff, je me cherche! Vite, un lièvre! Lui! Nan, trop lent. Elle! Oups, nan, trop rapide. Lui! Super, pile mon AS, qui est gravée dans mes jambes. Pas de scrupules, quelqu'un fait pareil avec moi... Je me fais un peu dépasser par des torpilles qui se détachent de la masse, mais le peloton reste compact. On croise la tête de course, car l'itinéraire décrit un demi-tour direction la ligne de départ, puis un nouveau demi-tour à la ligne afin d'obtenir les 10 km réglementaires entre Castellane et Mazargues, où il n'y en a que 8. Ca court très fort devant... On tourne à notre tour et après avoir croisé ceux qui nous précédaient, on croise ceux qui nous suivent. Compliqué, hein? Chouette: y'a quand même du monde derrière!

Km 3. Un abandon juste devant moi. Blessure? Départ trop fort? Je ne le saurai jamais. Ne pas regarder le chrono. La sensation avant tout pour l'instant. Mon lièvre accélère. J'hésite. J'ai les watts. Je le suis. Km4. Le peloton n'en est plus un. C'est clairsemé, étiré. On ne me dépasse plus. Instant magique où l'on n'entend plus que des pas et des respirations... Mais? Mon lièvre explose en plein vol, ralentissant de moitié. Abandon? Je ne le saurai jamais. Vite, un autre lièvre... C'est quoi cet attroupement de runners? Ah oui! Km5, ravito...

Des gobelets et des quarts d'oranges... Je ralentis, prends un bout d'orange d'une main, un godet de l'autre et repars. Boire au verre en courant, oups... 60% de bu, que 40% renversés entre mon menton et mon dossard, joli score... Je mets le bout d'orange entre les dents comme un pirate met son couteau et j'aspire le jus en ré-accélérant. Je mange la chair, me débarrasse de la peau et... zut, j'ai oublié le chrono! 24:00 une vingtaine de secondes après la mi-course. J'ai une avance sensible sur mon objectif!

Km 6, 28:40. Des gens accélèrent et me dépassent tandis que je me mets à dépasser des gens. Je réduis mon allure à cause du faux plat montant pour rester à 90% de FC Max. Ne pas se brûler en cours de route... Demi-tour pour remonter l'avenue. Se placer à l'intérieur... Sortie de virage, ré-accélération. Mes ischio-jambiers picotent dans la descente. Cardio 90%. OK. Je ne trouve pas de lièvre. Km 7. J'en ai marre. Je ralentis? Ca monte un peu en faux plat. Cardio 91%. Je ralentis un peu. Cardio 90%. J'ai encore oublié le chrono. J'ai les jambes lourdes.

Bon, on va le finir, on verra bien. Les ischios piquent. Si je fais une crampe, ça va me saoûler grave! Tiens? Une famille sous un abri bus regarde passer les coureurs et les encourage. Le môme a environ 8 ans. Ses yeux plongent dans les miens. Il sourit et tend la main. Je lui souris et serre à droite, tendant la main vers la sienne... et clac! "Bravo! Allez!", qu'il crie. J'en pleure d'émotion. Je crie: "Merci minot!" en levant la main. Je suis regonflé à bloc. Km 8, 39:10. J'ai perdu du temps. FC 90%. Là, ça m'énerve. On ne lâche rien. J'allonge. FC 95%. Les ischios tirent. Merde aux ischios. Extinction du cerveau. Je compte lentement. 1, 2, 3... Je visualise chaque nombre dans ma tête, j'entends une voix le dire posément. 99, 100. A rebours. 99, 97, 98.

Km 9. Ne pas regarder le chrono. Regarder le chrono, c'est s'obliger à penser. Très mauvais pour ce que j'ai. FC 95%. La ligne d'arrivée est là, à 400m. Banzaï! Mes jambes s'allègent. J'allonge. FC 100% Je vole. Un paquet de coureurs disparait de ma vue, dépassé. Je ne vois plus rien, que la ligne. Je découvre soudain le grand chrono à ma gauche. J'ai la bouche béante, aspirant l'air comme elle peut et je lis: 48:50. C'est la photo de mon profil... Encore un souffle et je franchis la ligne. Mon poto-coach est dans le coin, je l'entends gueuler: "bravo, t'as torché ton obj, bravo!" Les larmes me viennent avant même que je puisse ralentir pour me faire scanner le dossard... Officiel 49:02, réel 48:35. J'ai halluciné en voyant les photos de l'arrivée le surlendemain: il y avait un gars à 1 seconde devant moi. Je ne l'ai jamais vu...

Accollade avec mon pote, avec quelques collègues de travail, runners endurcis rencontrés par hasard et qui ont torché ça entre 35 et 38 min... Je vis une émotion que rien d'autre ne procure. J'en goûte chaque seconde. J'ai bavé à 7,5 km/h pendant des mois pour acquérir le foncier. J'ai eu des courbatures infâmes après les premières séances VMA. J'ai cru que j'allais devoir vendre mes genoux. J'ai sué sang et eau sur ce plan d'entraînement, mon premier. J'ai fixé un objectif, j'ai acquis les moyens de l'atteindre et je l'ai fait. Est-ce égoïste, cette fierté émue? ? Sans doute. Mais on ne peut donner en partage que ce que l'on a. Et ça, maintenant, je l'ai.

En rentrant à la maison, j'ai trouvé un comité d'accueil. Mon épouse et mes enfants m'ont serré dans leurs bras. Dimanche dernier, mon épouse a pour la première fois couru 45 min sans interruption après de longues semaines à guetter son cardio qui montait en flèche. Et ce soir une nouvelle fois. J'étais avec elle. Elle n'a pas décollé des 75% de FC Max. Une runneuse est née!

Belle course, beau temps, superbe ton de CR, j'adore, merci du partage, ayant ma 1ère dans 10 jours c'est très "inspirant"...

Cdt

bravo pour ta 1ere perf et beau CR. Tu sembles avoir les qualités pour aller chercher un beau chrono sur une prochaine course.

Superbe compte-rendu, bravo.
Et tu peux en effet être fier de toi : c'est un beau chrono après seulement quelques mois de pratique.
Bravo à Madame aussi.

En tout cas bravo pour ton record , je comprends tout a fait que tu en sois fier ce qui est normal. Interessant la description de ton petit dej avec banane bcp de temps avant le depart.

Merci à vous.

Oui, le résultat m'a fait plaisir. En même temps, mon caractère me pousse peut-être un peu trop à aller chercher la perf. Car aujourd'hui, j'ai à peine récupéré de cette course. Pour un quadra ex-sédentaire qui n'a que 8 mois de CAP, il est peut-être plus judicieux de se tenir à l'objectif que de le dépasser. En gérant ma course pour 50 minutes et pas moins, j'aurais récupéré beaucoup plus vite par la suite. Mais bon, je suis ravi de ma couennerie, on peut en conclure ce qu'on veut...