l' ULTRA bonheur du vercors
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L'ultra trail du vercors UTV 2013
A l'heure où il est à la mode de monter sur un ultra de 160 après avoir fait un petit 10km dans les chemins derrière chez soi et un marathon ou deux (Je plaisante et exagère un peu mais c'est parfois pas loin d'être cela...Le pire c'est que des fois ça passe!), c'est avec un peu de crainte que j'abordai ce « petit » ultra de 86km.
J'avoue, j'ai un peu joué le cachottier sur cet objectif. Désolé.
Je ne voulais pas avoir de pression en amont. Je voulais monter en gamme doucement et réussir le TGV d'abord (65 km) , durer sur le Jura ensuite ( 320 km en 6 jours ) pour enfin terminer sereinement par cette distance inconnue de mes guiboles.
J'avais donc cette idée dans mes tablettes en septembre dernier avec comme première envie de faire un tour de ce vercors que j'affectionne pour y avoir passé du temps en ski, en escalade et en rando.Et puis l'ultra, c'est possible que ce soit mon truc. Je voulais vérifier ça en 2013.
Sauf que voilà, lors de mes 2 trails précédents, je n'ai eu en course que le plaisir de la compétition et j'ai manqué de temps et d’énergie pour voir et apprécier la montagne. La course d'aujourd'hui est un test grandeur nature : que je n'y trouve aucun plaisir et j'arrête le trail et je me contenterai de courir pour moi en montagne.
Et le parcours a de la gueule, c'est indéniable ! . La petite video que j'avais bien en tête avant ce départ en témoigne...
Je résume l'avant course : pas de pression, l'envie de me faire plaisir, mon ami Jean-jacques présent sur la course pour me faire l'assistance avec Béné et un temps frais mais correct. Tout pour réussir.
Les orages sont prévus pour 19h. J'ai prévu entre 12h et 12h30 de course avec une arrivée vers 17h-17h30. Quant à Jean-jacques, c'est un ami guide de longue date. Il m'a aidé dans mon entrainement depuis l'après TGV. Préparateur d'équipes jeunes de ski de fond, il m'avait programmé un creux de forme vers mi aôut pour surcompenser sur l'UTV. Marchera ? Marchera pas ?
Villard- Corrençon : 23 km -1200 D+
Il est 4h40. Départ dans 20 min. L'automne et sa fraîcheur arrivent doucement. Je suis bien. Je suis là où j'ai envie d'être.
Mes ambitions du jour sont 1) de finir et 2) de faire dans les 25 premiers. Au vu de mes résultats de l'été, c'est pas déraisonnable mais à l'attaque des 86km, rien n'est fait.
Je suis calé en 4 ou 5ème ligne. Je pars en trottinant. Et très vite je marche. Prudence.
Je vois des dizaines de gars laisser de l'énergie dès les premiers lacets en gesticulant, doublant.
Ma stratégie est établie, je dois monter ce premier col très en dedans et patienter, patienter encore.
Je ne suis pas familier du balisage de nuit mais ça va rudement bien ces petites pastilles réfléchissantes sur les rubalises.
Déjà on sort de la forêt.
Dans les alpages, le noir est dense. Un petit vent frais annonce le col dans quelques centaines de mètres.
On entend sans les voir les vaches dans la nuit; concerto des montagnes.
J'ai reconnu tout le parcours sur carte, j'ai tout en tête. Je sais que bientôt arriveront les derniers petits lacets raides.
Le col. déjà.
Je bascule sur les balcons est avec Grenoble à mes pieds, vaste étendue de béton orange, plate et coincée entre vercors et chartreuse : la civilisation moderne vue du ciel...
Je dois pointer à la 60ème place à vue de nez.
Bâtons rangés sur le sac.
M'attendent une courte descente et plus de 10 km un peu techniques mais plats , en balcon, face au sud, face aux alpes sur lesquelles le petit jour se lèvera bientôt.
Je dois patienter, rester tranquille. Mais sur la première descente, je trouve les 3 devant moi un peu gauches et quand même lents. Je double et déroule doucement avec paradoxalement une belle sensation de vitesse due à la frontale.
Déjà de bon matin, le plaisir est là. Et je sourie.
Je rattrape un groupe d'une trentaine qui fait la file indienne. Quasi impossible de doubler sur ces 10km. Tant mieux. Je me cale tout à l'arrière. J'essaye de conseiller gentiment mon prédécesseur qui est déjà tombé deux fois devant moi car il place ses pieds trop à gauche du sentier donc des fois, ça part dans la pente et il tombe face contre pierre ! Impressionnant. Il ne se fait pas trop mal à chaque fois mais à quoi va-t-il ressembler dans 70 bornes ? Il me décompte tous les km « 9km ». « on a passé le 10ème km »... Pourquoi pas mais la litanie risque d'être encore longue.
Je m'écoute.
Je suis entre 153-155 de bpm.
Montagnes en ombres chinoises, brouillards dans les vallées. Le petit jour est là et c'est magnifique.
Je m'amuse à chercher au loin la silhouette de la Meije en oisans.
De jour, ça ressemble à ça :
Je sens mon pied sûr aujourd'hui. Et mon cœur est redescendu à 150. Alors je demande un par un à doubler. C'est fastidieux mais chaque coureur me laisse passer avec sympathie. L'ambiance est bonne. Je veux avoir repris tout le groupe avant la remontée sur le pas de la Balme. Je mets un bon quart d'heure à me retrouver devant et fais un peu éclater le groupe puisque certains me suivent. On a 400m raide à prendre sous les barres rocheuses.
Je double et me fais doubler mais j'essaye de ne pas m'enflammer et de bien rester à 155-157 max en montée.
Le jour se lève. Le Pas de la Balme est franchi. Déjà
C'est pas moi sur la photo, mais c'est beau quand même, non ?
Traversée en terrain caillouteux un peu technique. On a défini avec JJ que c'était là où j’étais le plus à l'aise donc j'en mets une petite couche, redoublant du monde.
Je manque là peut être un peu de vigilance. Je suis si bien que je me laisse avoir à la descente. Je fais une très belle descente, à bon rythme et derrière ça souffre bien.
Pas moi. Pas encore.
Mais je payerai sans doute tout à l'heure cet emballement initial.
Premier ravito, 23km, je me sens comme en sortie d'échauffement. Purement et simplement BIEN.
J'ai des sensations cardio-pulmonaires de feu. Je sais que c'est un grand jour. Je ne m'occupe pas du tout du classement (je suis alors 20ème mais ne le sais pas), je sais juste que je peux boucler cet ultra aujourd'hui. Je me fais plaisir à courir.
Corrençon-Méaudre : 20 km 1000m D+
Je ne traine pas au ravito. Direction les lapiaz de bois Barbu, petit parcours « nordique » en forêt, ça monte, ça descend, ça tourne, ça contourne. C'est super ludique et je m'étonne de la richesse de ce coin en si petits chemins que seuls des coureurs peuvent emprunter. C'est parfois même hors sentier. Plutôt facile, plutôt à la descente.
Les gorges de la bourne juste en dessous, le brouillard vient à notre rencontre.
Le soleil perce en même temps.
Les toiles d'araignées gorgées de rosée scintillent dans les prés attenants.
Quelle journée ! Tout ça est furieusement bien parti.
JJ et Béné sont là de nouveau. Les voir régulièrement me force à boire pour changer mes bouteilles mais déjà je ne bois pas ni ne mange les quantités prévues. Ça aussi je le payerai tout à l'heure.
La troisième ascension du jour nous attend, 600m en grande partie raide et hors sentier le long d'une crête boisée. Quand je repars de la route des gorges, j'entends en dessous JJ discuter avec les bénévoles. Un « top 15 » me tombe dans les oreilles. Je suis 15ème.
C'est inespéré et le pire c'est que je suis hyper bien, étonné d'être déjà à quelques encablures de Méaudre, la mi parcours.
Profitons...
Cette montée est sans doute l'un de mes plus beaux moments de cet ultra.
Je serai souvent seul, je vais doubler encore du monde et je dois me freiner pour ne pas aller trop vite. Les sensations sont hallucinantes (je suis dopé ou quoi? ). Je monte à une FC de 157.
Sur le bas, avant d'aborder la forêt je pense à Jean Michel (YMCA) et Fifi car je mets tout mon savoir faire de marche avec bâtons en œuvre et je vais à un rythme que les 3 avec lesquels je passe un bout de temps ne peuvent suivre en marchant. Ils courent pour me rattraper voire prendre de l'avance mais peine perdue, je les reprends en marchant. Cela me donne une confiance très forte sur mes capacités du jour.
Le parcours tracé est extraordinaire. Le long d'une mince crête, il faut parfois se baisser pour éviter les branches, escalader quelques mètres pour contourner une petite barre rocheuse et , comme par miracle, surgit parfois une mince bande de pelouse au milieu de cet environnement forestier. On y imagine bien volontiers chamois et chevreuil d'autres jours.
Tiens !? Un forestier facétieux à sculpté au milieu de rien une souche en forme de marmotte !
Dernier raidillon avant le sommet, j'ai failli louper la bifurcation à droite. Mais les rubalises sont là.
Tiens ? Derrière, j'entends un gars passer très vite sur le morceau de route forestière qu'on vient de croiser. Il s'est planté. Je suis trop loin pour le ré-aiguiller. Je vais comprendre plus tard qu'il s'agit du premier relayeur du format duo parti 1h après. Il a shunté le sommet du martel et ainsi gagné sans doute 10 min. Aucun contrôle au sommet ; pas vu, pas pris.
Je pense que ce relayeur n'a pas vu la bifurque. N'empêche il a gagné 10 minutes ! Et selon les règlement, devrait être disqualfié. Dommage pour les seconds du jour
Je vais le recroiser plus tard, étonné de voir devant moi à Méaudre un relayeur qui ne m'a jamais doublé ! C'est Pommeret... Le gagnant du TGV. Ça ne me concerne pas mais sur le principe je suis un peu agacé. Je passe le voir vite fait en lui demandant comment c'est possible que je ne l'ai pas vu me doubler et si il est passé à la croix du Martel (entre nous, j'ai la réponse ). Je le sens un peu emmerdé et il me répond d'un vague « si, si, ... » . Ouais, chuis pas gateux gamin. Un mec qui me double je le repère. Et Pommeret dont je connais la tête et la foulée, je vois pas comment j'aurai pu le rater.
Bref, c'est pas ma course...
Moi, j'arrive à Méaudre, 43ème km, talonné dans la descente par l'un de mes suiveurs tout à l'heure dans les gorges de la Bourne. C'est un très bon descendeur.
Mi course. Les km commencent à se faire gentiment sentir mais je suis frais. Et je suis 12 ou 13 ème. Le 13 ou 14 ème étant le gars en blanc bon descendeur mais qui a déjà des crampes au mollet. « bon pour moi" me dis-je...
Méaudre-St Nizier : 20km - 1200m D+
Je repars vite du ravito avec JJ qui me dit de temporiser un peu plus . Je me suis fait plaisir dans le Martel mais mes fc étaient un poil hautes par rapport aux prévisions... mais va te freiner quand t'as les cannes !
OK, j'y vais cool jusqu'à Autrans. Deux petites bosses à franchir 100 et 150m.
Mais bon, j'hallucine quand même de me retrouver là en 12ème position !!!
Et là bas, au loin, vers la mi bosse je vois un gars.
Et entre nous, deux autres.
Trois gars à portée de voix...
Honnêtement, je ne pense pas encore à un top 10. Je suis dans le bonheur de courir avec facilité, dans le plaisir de découvrir un parcours intelligemment tracé mais je me dis :
"Bin voilà, un top ten, c'est juste être là haut où je vois le gars et pas là."
C'est l'affaire de moins d'1 km.
« t'as pas trop mal progressé gamin... »
Pas plus de questions. Je vais déjà essayé de pas me faire reprendre par celui de derrière.
...
Bon bah voilà; j'aimerai bien arriver à le raconter aussi simplement que ça s'est passé : je suis en haut de la bosse et j'ai rejoins les 3 !
Et en plus y'en a 2 qui m'ont pas l'air tout frais.
Un rêve éveillé de compétiteur.
Alors après, entendons nous, c'est pas la colonie de vacances non plus. J'ai une grosse forme mais sur ce petit peloton, tout le monde a préparé la distance et endure très bien l'effort long et pénible. Personne ne lâche.
N'empêche j'arrive à Autrans, je suis dans le top 10 !
Là , j'avoue, j'ai commencé à me dire que les objectifs du jour changeaient.
Manger, ça donne faim !
Quatrième grosse ascension du jour. 600 m très raides que je fais en compagnie de l'un des 3 rattrapés entre Méaudre et Autrans. Marcel, V2, cador de l'ultra (1er V2 à l'utmb il y a quelques années, top ten sur une ccc je crois.) Mais alors un gars super sympa, super simple. Si il m'arrivait d'oublier d'être humble, c'est à Marcel qu'il me faudrait penser.
On bavarde sympathiquement à la montée, ça passe tout seul. On double un gars en semi perdition. Et hop, une sécu de plus pour le top ten !
On va rester quelques heures ensemble jusque sous le Moucherotte tout à l'heure. La montée passe toute seule. Pas mal de relayeurs (à deux et à quatre) nous double à des allures assez impressionnantes. On les encourage tous.
Déjà la descente et en face de nous, la dernière ascension de 1100 m placée au 62ème km (ouille...)
Je n'en reviens pas de faire une si belle course. Je n'en reviens tellement pas que dans la descente raide et caillouteuse, dans un virage, je me déconcentre, roule sur un caillou, me tords la cheville, butte du pied droit alors que je voulais me rattraper (explosant au passage les orteils), tape la hanche et le genou et finis de m'éclater la gueule dans la terre desséchée sous les cailloux.
Le choc !
En voulant me retenir, tout mon mollet gauche a crampé.
C'est fini.
...
...
Marcel fait demi tour, m'exhorte à repartir, me dit que ça ira mieux dans 10min, de pas trop y penser. « c'est rien, c'est rien ».
J'ai mal. Au genou surtout et le mollet est dur. Pas le moment de se plaindre. Je suis 8 ou 9ème, j'ai pas l'intention d'abandonner, je fais le dos rond et je repars. Ça claudique mais ça repart.
A partir de là, le mode combat a commencé. Je pense que j'aurai pu gagner 1 petite heure avant de l'enclencher mais les conditions de course en décident autrement.
C'est parti.
On est dans les gorges de nouveau (d'autres...) et une remontée hyper raide sur st nizier où m'attendent JJ et Béné se dresse devant nous. On passe sous et dans des barres rocheuses. Les pentes sont à 35-40 voire 50 % à des moments. Sans déconner !!!
Ça passe bien mais je dois gérer une première hypo. C'est difficile mais je suis lucide. Je mange , je bois. Je sais que je vois mes suiveurs d'ici peu ; cela coupera en deux cette terrible ascension de 1100 m que je redoutais.
Marcel est parti devant mais je le rejoins au ravito et repars en même temps que lui. Je cours encore sur les faux plats. je ne suis pas abbattu (ni battu) , loin de là.
JJ me suit quelques mètres et me donne du courage. Il sent bien que j'ai ramassé et que l'échauffement est terminé. Maintenant, il faut se rentrer dedans.
St Nizier-Villard : 23km - 1300m D+
« se faire mal » comme on dit, mais l'expression est mal choisie. Pousser son corps à faire ce qu'il peut faire, en le respectant, en l'écoutant, en l'emmenant par la main vers là où il ne sait pas qu'il peut aller.
Alors je marche et j'utilise mes bâtons au mieux. Je place mon bassin pour être efficace, façon ski de fond.
Des photographes sur le parcours. Je blague de loin avec eux. On vient de se faire doubler par un relayeur parti de st nizier. Je hausse les épaules en disant que nos allures sont plus très impressionnantes. Alors pour les faire marrer, je me mets à courir juste pour la photo (bon d'ailleurs, ça a l'air de descendre mais en fait ça monte !).
. Rire complice avec Marcel et les photographes.
Je fatigue mais n'empêche c'est ça que j'aurai dû faire. JJ me l'avait dit. Même fatigué, changer de rythme, courir de temps en temps même si tu peux plus. Je n'ai pas assez travaillé ce point là . Je me suis reposé sur le fait que je suis un bon marcheur .
Marcel part doucement devant. Il est plus frais ; je ne me faisais pas d'illusions.
Je fais deux hypo que je gère mollement.
C'est dur.
Mais l'un dans l'autre je fais une assez bonne montée et trouve que tout cela est passé bien vite !
Déjà le sommet du Moucherotte. Plus que 20 bornes ! .
"Putain 20 bornes. Je suis rincé "
A ma gauche, un spectacle épatant : un mec sur une slakline tendue entre deux falaises avec en arrière fond Grenoble.
Quel parcours quand même cet UTV. On a toutes les surprises , tous les plaisirs.
C'est reparti l'ami...
La descente sur Lans (dernier ravito) est longue et il me faut forcer un peu mon envie qui s'émousse. Ma 9ème place m'y exhorte, je vous le promets.
Le plaisir pointe encore le bout de son nez au détour d'un beau plateau, d'une belle draye, de jolis petits murets mais ça devient limite. 9h facile... les 2 dernières heures qui s'annoncent vont être plus rugueuses.
Pas de JJ ni Béné à Lans. Il me reste 14 km. C'est peu et c'est beaucoup. Je ne sais pas où sont le 10-11 et 12ème.
Peu importe, je remplis mes bouteilles, je gère seul ma course. Ça va bien aussi.
Du goudron, des relances, des minis bosses. Dur mais ça va. Ça ira.
Au bas d'une petite bosse, JJ et Béné sont là, ils vont courir avec moi. C'est bien, ça m'évite de songer que 12 km à parcourir c'est encore beaucoup trop.
En très peu de temps je perds de ma forme et de ma superbe. L'épuisement me guette. Je ne peux plus avaler que de l'eau . Depuis St Nizier, la boisson de l'effort me donne envie de gerber et mes puls à 155 sont subitement tombés à 140-145 sans moyen de faire remonter le bazar. Je commence à connaître assez le long pour savoir que ça ne reviendra pas.
Et il reste une grosse bosse de 300m D+ à négocier au 75ème km avec des pentes à 30 % dans des drayes toutes droites en forêt.Ce sera mon chemin de croix .
JJ m'accompagne encore. Il me dit de relancer mais que dalle, je suis vanné, j'ai maintenant un voile gris devant moi, je flotte et je suis à la limite du vertige. Mes puls plafonnent à 125. Une cata intégrale, une misère de coureur. Je suis une loque.
Je marche en me plaçant le mieux possible. Personne derrière mais ça revient surement.
Mon dieu que c'est long. Ça n'en finit pas.
Impossible de manger ou de boire. Juste l'idée me donne envie de m'enfuir.
Je ne sais pas à quoi je pense à ce moment là, à quoi je me raccroche.
Peut être au fait que je sais que ça va passer.
Haut de la bosse. Je me souviens du TGV et de la dernière descente. Même vanné, ça va toujours correctement à la descente si on a les cuisses.
Et musculairement, je suis impecc.
Tout ça est ma foi fort inconfortable mais je fais ce que j'ai appris à faire à l'entrainement depuis un an : je me concentre sur ce qui va bien. J'ai pas mal aux cuisses, je pense aux cuisses. Mais l'inconfort reprend le dessus. Alors je pense à l'air frais sur le visage dont je me délecte depuis ce matin.
Ça va mieux. Il me reste 4 km et j'ai repris ma lucidité. J'accélère un peu à la descente.
Je n'ai plus peur d'être rattrapé. C'est fou, je vais faire un top 10 sur un ultra.
Certes un "petit" ultra et de « province » mais je savoure quand même. Je ne me trompe pas sur ma place réelle, celle d'un troisième couteau. Un bon troisième couteau peut être mais loin des meilleurs.
Pas de fierté de faire un top 10 mais une grande satisfaction pour l'ensemble de la course. L'essentiel, c'est qu'aujourd'hui je me suis fais plaisir comme jamais en course et ça me donne des idées et des envies .
La ligne d'arrivée est là.
Mes envies pour la suite sont déjà trop nombreuses. Je n'aurai pas le temps de tout faire en une vie.
On en gardera pour la prochaine
Bilan : 86km, 4650m D+, 11h39'55 , 9ème au scratch.
A l'heure où il est à la mode de monter sur un ultra de 160 après avoir fait un petit 10km dans les chemins derrière chez soi et un marathon ou deux (Je plaisante et exagère un peu mais c'est parfois pas loin d'être cela...Le pire c'est que des fois ça passe!), c'est avec un peu de crainte que j'abordai ce « petit » ultra de 86km.
J'avoue, j'ai un peu joué le cachottier sur cet objectif. Désolé.
Je ne voulais pas avoir de pression en amont. Je voulais monter en gamme doucement et réussir le TGV d'abord (65 km) , durer sur le Jura ensuite ( 320 km en 6 jours ) pour enfin terminer sereinement par cette distance inconnue de mes guiboles.
J'avais donc cette idée dans mes tablettes en septembre dernier avec comme première envie de faire un tour de ce vercors que j'affectionne pour y avoir passé du temps en ski, en escalade et en rando.Et puis l'ultra, c'est possible que ce soit mon truc. Je voulais vérifier ça en 2013.
Sauf que voilà, lors de mes 2 trails précédents, je n'ai eu en course que le plaisir de la compétition et j'ai manqué de temps et d’énergie pour voir et apprécier la montagne. La course d'aujourd'hui est un test grandeur nature : que je n'y trouve aucun plaisir et j'arrête le trail et je me contenterai de courir pour moi en montagne.
Et le parcours a de la gueule, c'est indéniable ! . La petite video que j'avais bien en tête avant ce départ en témoigne...
Je résume l'avant course : pas de pression, l'envie de me faire plaisir, mon ami Jean-jacques présent sur la course pour me faire l'assistance avec Béné et un temps frais mais correct. Tout pour réussir.
Les orages sont prévus pour 19h. J'ai prévu entre 12h et 12h30 de course avec une arrivée vers 17h-17h30. Quant à Jean-jacques, c'est un ami guide de longue date. Il m'a aidé dans mon entrainement depuis l'après TGV. Préparateur d'équipes jeunes de ski de fond, il m'avait programmé un creux de forme vers mi aôut pour surcompenser sur l'UTV. Marchera ? Marchera pas ?
Villard- Corrençon : 23 km -1200 D+
Il est 4h40. Départ dans 20 min. L'automne et sa fraîcheur arrivent doucement. Je suis bien. Je suis là où j'ai envie d'être.
Mes ambitions du jour sont 1) de finir et 2) de faire dans les 25 premiers. Au vu de mes résultats de l'été, c'est pas déraisonnable mais à l'attaque des 86km, rien n'est fait.
Je suis calé en 4 ou 5ème ligne. Je pars en trottinant. Et très vite je marche. Prudence.
Je vois des dizaines de gars laisser de l'énergie dès les premiers lacets en gesticulant, doublant.
Ma stratégie est établie, je dois monter ce premier col très en dedans et patienter, patienter encore.
Je ne suis pas familier du balisage de nuit mais ça va rudement bien ces petites pastilles réfléchissantes sur les rubalises.
Déjà on sort de la forêt.
Dans les alpages, le noir est dense. Un petit vent frais annonce le col dans quelques centaines de mètres.
On entend sans les voir les vaches dans la nuit; concerto des montagnes.
J'ai reconnu tout le parcours sur carte, j'ai tout en tête. Je sais que bientôt arriveront les derniers petits lacets raides.
Le col. déjà.
Je bascule sur les balcons est avec Grenoble à mes pieds, vaste étendue de béton orange, plate et coincée entre vercors et chartreuse : la civilisation moderne vue du ciel...
Je dois pointer à la 60ème place à vue de nez.
Bâtons rangés sur le sac.
M'attendent une courte descente et plus de 10 km un peu techniques mais plats , en balcon, face au sud, face aux alpes sur lesquelles le petit jour se lèvera bientôt.
Je dois patienter, rester tranquille. Mais sur la première descente, je trouve les 3 devant moi un peu gauches et quand même lents. Je double et déroule doucement avec paradoxalement une belle sensation de vitesse due à la frontale.
Déjà de bon matin, le plaisir est là. Et je sourie.
Je rattrape un groupe d'une trentaine qui fait la file indienne. Quasi impossible de doubler sur ces 10km. Tant mieux. Je me cale tout à l'arrière. J'essaye de conseiller gentiment mon prédécesseur qui est déjà tombé deux fois devant moi car il place ses pieds trop à gauche du sentier donc des fois, ça part dans la pente et il tombe face contre pierre ! Impressionnant. Il ne se fait pas trop mal à chaque fois mais à quoi va-t-il ressembler dans 70 bornes ? Il me décompte tous les km « 9km ». « on a passé le 10ème km »... Pourquoi pas mais la litanie risque d'être encore longue.
Je m'écoute.
Je suis entre 153-155 de bpm.
Montagnes en ombres chinoises, brouillards dans les vallées. Le petit jour est là et c'est magnifique.
Je m'amuse à chercher au loin la silhouette de la Meije en oisans.
De jour, ça ressemble à ça :
Je sens mon pied sûr aujourd'hui. Et mon cœur est redescendu à 150. Alors je demande un par un à doubler. C'est fastidieux mais chaque coureur me laisse passer avec sympathie. L'ambiance est bonne. Je veux avoir repris tout le groupe avant la remontée sur le pas de la Balme. Je mets un bon quart d'heure à me retrouver devant et fais un peu éclater le groupe puisque certains me suivent. On a 400m raide à prendre sous les barres rocheuses.
Je double et me fais doubler mais j'essaye de ne pas m'enflammer et de bien rester à 155-157 max en montée.
Le jour se lève. Le Pas de la Balme est franchi. Déjà
C'est pas moi sur la photo, mais c'est beau quand même, non ?
Traversée en terrain caillouteux un peu technique. On a défini avec JJ que c'était là où j’étais le plus à l'aise donc j'en mets une petite couche, redoublant du monde.
Je manque là peut être un peu de vigilance. Je suis si bien que je me laisse avoir à la descente. Je fais une très belle descente, à bon rythme et derrière ça souffre bien.
Pas moi. Pas encore.
Mais je payerai sans doute tout à l'heure cet emballement initial.
Premier ravito, 23km, je me sens comme en sortie d'échauffement. Purement et simplement BIEN.
J'ai des sensations cardio-pulmonaires de feu. Je sais que c'est un grand jour. Je ne m'occupe pas du tout du classement (je suis alors 20ème mais ne le sais pas), je sais juste que je peux boucler cet ultra aujourd'hui. Je me fais plaisir à courir.
Corrençon-Méaudre : 20 km 1000m D+
Je ne traine pas au ravito. Direction les lapiaz de bois Barbu, petit parcours « nordique » en forêt, ça monte, ça descend, ça tourne, ça contourne. C'est super ludique et je m'étonne de la richesse de ce coin en si petits chemins que seuls des coureurs peuvent emprunter. C'est parfois même hors sentier. Plutôt facile, plutôt à la descente.
Les gorges de la bourne juste en dessous, le brouillard vient à notre rencontre.
Le soleil perce en même temps.
Les toiles d'araignées gorgées de rosée scintillent dans les prés attenants.
Quelle journée ! Tout ça est furieusement bien parti.
JJ et Béné sont là de nouveau. Les voir régulièrement me force à boire pour changer mes bouteilles mais déjà je ne bois pas ni ne mange les quantités prévues. Ça aussi je le payerai tout à l'heure.
La troisième ascension du jour nous attend, 600m en grande partie raide et hors sentier le long d'une crête boisée. Quand je repars de la route des gorges, j'entends en dessous JJ discuter avec les bénévoles. Un « top 15 » me tombe dans les oreilles. Je suis 15ème.
C'est inespéré et le pire c'est que je suis hyper bien, étonné d'être déjà à quelques encablures de Méaudre, la mi parcours.
Profitons...
Cette montée est sans doute l'un de mes plus beaux moments de cet ultra.
Je serai souvent seul, je vais doubler encore du monde et je dois me freiner pour ne pas aller trop vite. Les sensations sont hallucinantes (je suis dopé ou quoi? ). Je monte à une FC de 157.
Sur le bas, avant d'aborder la forêt je pense à Jean Michel (YMCA) et Fifi car je mets tout mon savoir faire de marche avec bâtons en œuvre et je vais à un rythme que les 3 avec lesquels je passe un bout de temps ne peuvent suivre en marchant. Ils courent pour me rattraper voire prendre de l'avance mais peine perdue, je les reprends en marchant. Cela me donne une confiance très forte sur mes capacités du jour.
Le parcours tracé est extraordinaire. Le long d'une mince crête, il faut parfois se baisser pour éviter les branches, escalader quelques mètres pour contourner une petite barre rocheuse et , comme par miracle, surgit parfois une mince bande de pelouse au milieu de cet environnement forestier. On y imagine bien volontiers chamois et chevreuil d'autres jours.
Tiens !? Un forestier facétieux à sculpté au milieu de rien une souche en forme de marmotte !
Dernier raidillon avant le sommet, j'ai failli louper la bifurcation à droite. Mais les rubalises sont là.
Tiens ? Derrière, j'entends un gars passer très vite sur le morceau de route forestière qu'on vient de croiser. Il s'est planté. Je suis trop loin pour le ré-aiguiller. Je vais comprendre plus tard qu'il s'agit du premier relayeur du format duo parti 1h après. Il a shunté le sommet du martel et ainsi gagné sans doute 10 min. Aucun contrôle au sommet ; pas vu, pas pris.
Je pense que ce relayeur n'a pas vu la bifurque. N'empêche il a gagné 10 minutes ! Et selon les règlement, devrait être disqualfié. Dommage pour les seconds du jour
Je vais le recroiser plus tard, étonné de voir devant moi à Méaudre un relayeur qui ne m'a jamais doublé ! C'est Pommeret... Le gagnant du TGV. Ça ne me concerne pas mais sur le principe je suis un peu agacé. Je passe le voir vite fait en lui demandant comment c'est possible que je ne l'ai pas vu me doubler et si il est passé à la croix du Martel (entre nous, j'ai la réponse ). Je le sens un peu emmerdé et il me répond d'un vague « si, si, ... » . Ouais, chuis pas gateux gamin. Un mec qui me double je le repère. Et Pommeret dont je connais la tête et la foulée, je vois pas comment j'aurai pu le rater.
Bref, c'est pas ma course...
Moi, j'arrive à Méaudre, 43ème km, talonné dans la descente par l'un de mes suiveurs tout à l'heure dans les gorges de la Bourne. C'est un très bon descendeur.
Mi course. Les km commencent à se faire gentiment sentir mais je suis frais. Et je suis 12 ou 13 ème. Le 13 ou 14 ème étant le gars en blanc bon descendeur mais qui a déjà des crampes au mollet. « bon pour moi" me dis-je...
Méaudre-St Nizier : 20km - 1200m D+
Je repars vite du ravito avec JJ qui me dit de temporiser un peu plus . Je me suis fait plaisir dans le Martel mais mes fc étaient un poil hautes par rapport aux prévisions... mais va te freiner quand t'as les cannes !
OK, j'y vais cool jusqu'à Autrans. Deux petites bosses à franchir 100 et 150m.
Mais bon, j'hallucine quand même de me retrouver là en 12ème position !!!
Et là bas, au loin, vers la mi bosse je vois un gars.
Et entre nous, deux autres.
Trois gars à portée de voix...
Honnêtement, je ne pense pas encore à un top 10. Je suis dans le bonheur de courir avec facilité, dans le plaisir de découvrir un parcours intelligemment tracé mais je me dis :
"Bin voilà, un top ten, c'est juste être là haut où je vois le gars et pas là."
C'est l'affaire de moins d'1 km.
« t'as pas trop mal progressé gamin... »
Pas plus de questions. Je vais déjà essayé de pas me faire reprendre par celui de derrière.
...
Bon bah voilà; j'aimerai bien arriver à le raconter aussi simplement que ça s'est passé : je suis en haut de la bosse et j'ai rejoins les 3 !
Et en plus y'en a 2 qui m'ont pas l'air tout frais.
Un rêve éveillé de compétiteur.
Alors après, entendons nous, c'est pas la colonie de vacances non plus. J'ai une grosse forme mais sur ce petit peloton, tout le monde a préparé la distance et endure très bien l'effort long et pénible. Personne ne lâche.
N'empêche j'arrive à Autrans, je suis dans le top 10 !
Là , j'avoue, j'ai commencé à me dire que les objectifs du jour changeaient.
Manger, ça donne faim !
Quatrième grosse ascension du jour. 600 m très raides que je fais en compagnie de l'un des 3 rattrapés entre Méaudre et Autrans. Marcel, V2, cador de l'ultra (1er V2 à l'utmb il y a quelques années, top ten sur une ccc je crois.) Mais alors un gars super sympa, super simple. Si il m'arrivait d'oublier d'être humble, c'est à Marcel qu'il me faudrait penser.
On bavarde sympathiquement à la montée, ça passe tout seul. On double un gars en semi perdition. Et hop, une sécu de plus pour le top ten !
On va rester quelques heures ensemble jusque sous le Moucherotte tout à l'heure. La montée passe toute seule. Pas mal de relayeurs (à deux et à quatre) nous double à des allures assez impressionnantes. On les encourage tous.
Déjà la descente et en face de nous, la dernière ascension de 1100 m placée au 62ème km (ouille...)
Je n'en reviens pas de faire une si belle course. Je n'en reviens tellement pas que dans la descente raide et caillouteuse, dans un virage, je me déconcentre, roule sur un caillou, me tords la cheville, butte du pied droit alors que je voulais me rattraper (explosant au passage les orteils), tape la hanche et le genou et finis de m'éclater la gueule dans la terre desséchée sous les cailloux.
Le choc !
En voulant me retenir, tout mon mollet gauche a crampé.
C'est fini.
...
...
Marcel fait demi tour, m'exhorte à repartir, me dit que ça ira mieux dans 10min, de pas trop y penser. « c'est rien, c'est rien ».
J'ai mal. Au genou surtout et le mollet est dur. Pas le moment de se plaindre. Je suis 8 ou 9ème, j'ai pas l'intention d'abandonner, je fais le dos rond et je repars. Ça claudique mais ça repart.
A partir de là, le mode combat a commencé. Je pense que j'aurai pu gagner 1 petite heure avant de l'enclencher mais les conditions de course en décident autrement.
C'est parti.
On est dans les gorges de nouveau (d'autres...) et une remontée hyper raide sur st nizier où m'attendent JJ et Béné se dresse devant nous. On passe sous et dans des barres rocheuses. Les pentes sont à 35-40 voire 50 % à des moments. Sans déconner !!!
Ça passe bien mais je dois gérer une première hypo. C'est difficile mais je suis lucide. Je mange , je bois. Je sais que je vois mes suiveurs d'ici peu ; cela coupera en deux cette terrible ascension de 1100 m que je redoutais.
Marcel est parti devant mais je le rejoins au ravito et repars en même temps que lui. Je cours encore sur les faux plats. je ne suis pas abbattu (ni battu) , loin de là.
JJ me suit quelques mètres et me donne du courage. Il sent bien que j'ai ramassé et que l'échauffement est terminé. Maintenant, il faut se rentrer dedans.
St Nizier-Villard : 23km - 1300m D+
« se faire mal » comme on dit, mais l'expression est mal choisie. Pousser son corps à faire ce qu'il peut faire, en le respectant, en l'écoutant, en l'emmenant par la main vers là où il ne sait pas qu'il peut aller.
Alors je marche et j'utilise mes bâtons au mieux. Je place mon bassin pour être efficace, façon ski de fond.
Des photographes sur le parcours. Je blague de loin avec eux. On vient de se faire doubler par un relayeur parti de st nizier. Je hausse les épaules en disant que nos allures sont plus très impressionnantes. Alors pour les faire marrer, je me mets à courir juste pour la photo (bon d'ailleurs, ça a l'air de descendre mais en fait ça monte !).
. Rire complice avec Marcel et les photographes.
Je fatigue mais n'empêche c'est ça que j'aurai dû faire. JJ me l'avait dit. Même fatigué, changer de rythme, courir de temps en temps même si tu peux plus. Je n'ai pas assez travaillé ce point là . Je me suis reposé sur le fait que je suis un bon marcheur .
Marcel part doucement devant. Il est plus frais ; je ne me faisais pas d'illusions.
Je fais deux hypo que je gère mollement.
C'est dur.
Mais l'un dans l'autre je fais une assez bonne montée et trouve que tout cela est passé bien vite !
Déjà le sommet du Moucherotte. Plus que 20 bornes ! .
"Putain 20 bornes. Je suis rincé "
A ma gauche, un spectacle épatant : un mec sur une slakline tendue entre deux falaises avec en arrière fond Grenoble.
Quel parcours quand même cet UTV. On a toutes les surprises , tous les plaisirs.
C'est reparti l'ami...
La descente sur Lans (dernier ravito) est longue et il me faut forcer un peu mon envie qui s'émousse. Ma 9ème place m'y exhorte, je vous le promets.
Le plaisir pointe encore le bout de son nez au détour d'un beau plateau, d'une belle draye, de jolis petits murets mais ça devient limite. 9h facile... les 2 dernières heures qui s'annoncent vont être plus rugueuses.
Pas de JJ ni Béné à Lans. Il me reste 14 km. C'est peu et c'est beaucoup. Je ne sais pas où sont le 10-11 et 12ème.
Peu importe, je remplis mes bouteilles, je gère seul ma course. Ça va bien aussi.
Du goudron, des relances, des minis bosses. Dur mais ça va. Ça ira.
Au bas d'une petite bosse, JJ et Béné sont là, ils vont courir avec moi. C'est bien, ça m'évite de songer que 12 km à parcourir c'est encore beaucoup trop.
En très peu de temps je perds de ma forme et de ma superbe. L'épuisement me guette. Je ne peux plus avaler que de l'eau . Depuis St Nizier, la boisson de l'effort me donne envie de gerber et mes puls à 155 sont subitement tombés à 140-145 sans moyen de faire remonter le bazar. Je commence à connaître assez le long pour savoir que ça ne reviendra pas.
Et il reste une grosse bosse de 300m D+ à négocier au 75ème km avec des pentes à 30 % dans des drayes toutes droites en forêt.Ce sera mon chemin de croix .
JJ m'accompagne encore. Il me dit de relancer mais que dalle, je suis vanné, j'ai maintenant un voile gris devant moi, je flotte et je suis à la limite du vertige. Mes puls plafonnent à 125. Une cata intégrale, une misère de coureur. Je suis une loque.
Je marche en me plaçant le mieux possible. Personne derrière mais ça revient surement.
Mon dieu que c'est long. Ça n'en finit pas.
Impossible de manger ou de boire. Juste l'idée me donne envie de m'enfuir.
Je ne sais pas à quoi je pense à ce moment là, à quoi je me raccroche.
Peut être au fait que je sais que ça va passer.
Haut de la bosse. Je me souviens du TGV et de la dernière descente. Même vanné, ça va toujours correctement à la descente si on a les cuisses.
Et musculairement, je suis impecc.
Tout ça est ma foi fort inconfortable mais je fais ce que j'ai appris à faire à l'entrainement depuis un an : je me concentre sur ce qui va bien. J'ai pas mal aux cuisses, je pense aux cuisses. Mais l'inconfort reprend le dessus. Alors je pense à l'air frais sur le visage dont je me délecte depuis ce matin.
Ça va mieux. Il me reste 4 km et j'ai repris ma lucidité. J'accélère un peu à la descente.
Je n'ai plus peur d'être rattrapé. C'est fou, je vais faire un top 10 sur un ultra.
Certes un "petit" ultra et de « province » mais je savoure quand même. Je ne me trompe pas sur ma place réelle, celle d'un troisième couteau. Un bon troisième couteau peut être mais loin des meilleurs.
Pas de fierté de faire un top 10 mais une grande satisfaction pour l'ensemble de la course. L'essentiel, c'est qu'aujourd'hui je me suis fais plaisir comme jamais en course et ça me donne des idées et des envies .
La ligne d'arrivée est là.
Mes envies pour la suite sont déjà trop nombreuses. Je n'aurai pas le temps de tout faire en une vie.
On en gardera pour la prochaine
Bilan : 86km, 4650m D+, 11h39'55 , 9ème au scratch.
Last Edit:il y a 11 ans 2 mois
par robin
Dernière édition: il y a 11 ans 2 mois par robin.
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Merci pour ce récit, Robin, et encore bravo pour ce que tu fais. Belle aventure, et beau voyage au bout de toi-même. L'état que tu décris à la fin est assez vertigineux. Quand envie et gros caractère se côtoient dans un corps correctement fait, c'est quelque chose!
robin écrit:
robin écrit:
robin écrit:
J'adore l'euphémisme!Tout ça est ma foi fort inconfortable
robin écrit:
Je note le truc dans un coin de carnet d'entrainement, ça servira un de ces jours. Encore merci pour a leçon de vie!mais je fais ce que j'ai appris à faire à l'entrainement depuis un an : je me concentre sur ce qui va bien. J'ai pas mal aux cuisses, je pense aux cuisses. Mais l'inconfort reprend le dessus. Alors je pense à l'air frais sur le visage dont je me délecte depuis ce matin.
par Aquila
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Réponse de jordan40 sur le sujet Re: l' ULTRA bonheur du vercors
Posted il y a 11 ans 2 mois #263930
Punaise quel course !
Bien gérer du début à la fin mal grès les hypos et la chute .
Un grand bravo pour tout et super CR avec les photos qui vont bien
Bien gérer du début à la fin mal grès les hypos et la chute .
Un grand bravo pour tout et super CR avec les photos qui vont bien
par jordan40
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Réponse de lili_java sur le sujet Re: l' ULTRA bonheur du vercors
Posted il y a 11 ans 2 mois #263931
Bravo ! Quelle aventure et merci pour ce CR !
par lili_java
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Réponse de Hisoka88 sur le sujet Re: l' ULTRA bonheur du vercors
Posted il y a 11 ans 2 mois #263934
Merci pour ce récit et encore félicitations pour cette superbe place !
Une course où tu as pris beaucoup de plaisir apparemment, dans des paysages superbes où il est fort agréable de courir ! (je connais assez bien ces chemins pour m'y entraîner régulièrement).
La fin de course a été dure mais tu es allé au bout de ce que tu pouvais faire. Ton récit montre aussi qu'une course tient parfois à pas grand chose, heureusement la chute n'a pas eu trop de conséquences. En tout cas belle gestion de course pour une première sur la distance.
Une course où tu as pris beaucoup de plaisir apparemment, dans des paysages superbes où il est fort agréable de courir ! (je connais assez bien ces chemins pour m'y entraîner régulièrement).
La fin de course a été dure mais tu es allé au bout de ce que tu pouvais faire. Ton récit montre aussi qu'une course tient parfois à pas grand chose, heureusement la chute n'a pas eu trop de conséquences. En tout cas belle gestion de course pour une première sur la distance.
par Hisoka88
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Réponse de bambiRun sur le sujet Re: l' ULTRA bonheur du vercors
Posted il y a 11 ans 2 mois #263941
Tu vends du rêve la Robin.
Tu te rend pas compte comment ce CR est une source de motivation.
J'ai passé un putin de moment a lire cette course.
Merci et encore Bravo
Tu te rend pas compte comment ce CR est une source de motivation.
J'ai passé un putin de moment a lire cette course.
Merci et encore Bravo
par bambiRun
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