Pourquoi je cours. Sélestat 2014.
- krampus
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Il m'est assurément difficile de me lever ce matin. Le mois d'Octobre commence à affirmer ses nouvelles règles, et c'est dans l'obscurité de la pièce que je cherche maladroitement du bout des doigts ce maudit réveil qui me rappelle à l'ordre. A mon propre ordre, celui intimé la veille. Durant presque 2 mois devrais-je dire...
Régulièrement, sur les réseaux sociaux, mes amis -les trentenaires souvent - partagent avec bonheur leur plaisir de courir. Je lis fréquemment, à la suite d'une course, leur chrono fièrement exposé (comme je les comprends, je rêve de tels records!). Et puis, je commente souvent d'un "quel chrono, tu peux être fier!" ou d'un "bravo, c'est mérité!", ce à quoi ils m'ont souvent répondu "Peu importe le temps, seul compte le plaisir!" Je ne comprends pas cette affirmation, mais la respecte. Je cours aussi pour le plaisir, souvent même, notamment après une journée au taf: enfiler les chaussures, mettre mon bandeau, allumer mon MP3 et mon GPS sont autant de rituels qui parfois annoncent le "nectar" de ma journée.
Mais ce matin, prendre la voiture m'est difficile, rester sous la couette serait si aisé, si bon. Je ne me suis pas inscrit au semi-marathon de Sélestat pour le plaisir, mais pour me mettre minable, pour souffrir en connaissance de cause, pour me sentir aux limites de mes capacités actuelles et oublier enfin pleinement des derniers mois difficiles, une séparation subie, des enfants que je ne vois pas autant que je voudrais, et un esprit qui pourrait faire glisser ma personne dans des zones d'abandon où je refuse de me rendre. Alors, je dois me lever. Oublier mon esprit chagrin. D'habitude, l'esprit guide le corps. En ce moment, c'est l'exact inverse, et la course à pieds, ainsi que l'escalade que je pratique avec autant d'acharnement me montrent la voie.
Une heure et demie de route, il est 9h, Sélestat, départ dans une heure, le dossard est retiré, de nombreuses familles encouragent leur gamin fonçant à toute vitesse pour "les foulées de la jeunesse" dans la grande avenue du centre-ville. Je suis heureux pour eux, mais leur présence alentour me rappelle ma situation, je chasse les pensées négatives, rejoins ma voiture, ferme les yeux, un peu de musique rock éthérée histoire de planer avant que la course ne me rappelle les dures lois de la gravité. 9h30, Jeff, mon ami, m'envoie un SMS, il est ce matin au départ des 10km de Paris "chaud bouillant, déjà dans le sas, je vais tout exploser". Je lui réponds "Dans la voiture, comateux, faudrait que je pense à m'échauffer"
Je sors de la voiture. M'habille. M'étire. Puis pars m'échauffer. Une nouvelle fois, dans mon cheminement à l'envers, mon corps guide ma tête. Je dois battre mon précédent record de l'an dernier. Je me suis entraîné, 6 semaines seulement, dont 2 semaines uniquement d'AS en 4'55/km pour descendre sous les 1h45. Aux premières accélérations, 15 minutes avant le coup de feu, je veux courir et courir longtemps. Pas pour le plaisir. Pour un chrono modeste certes, mais aussi pour me sentir vivre, pour me sentir présent ici et maintenant, pour battre systématiquement le record précédent et faire la nique au temps qui passe, comme une course vers la jeunesse derrière soi. "Je vieillis mais mes temps s'améliorent".
Hier, donc, j'ai couru. Sans me soucier d'autre chose que de mon allure. Tous les kilomètres, même les plus faciles du départ, sont assurés entre 4'54 et 4'56/km, un modèle de régularité. Les 6 derniers kilomètres sont difficiles, je les attendais avec crainte, mais également enthousiasme, histoire de tenir un tête-à-tête avec les difficultés, je suis venu pour ce moment intime avec elles. "Vous ne m'aurez pas. je ne plierai pas". J'ai quelque peu plié, certes, en assurant mes kilomètres en 5' - 5'10 avant de repartir, d'accélérer au 20e. Après 1h44 de course, je m'effondre littéralement par terre, vidé. De longues minutes sereines s'écoulent. Personne ne m'attend à l'arrivée aujourd'hui, c'est pas plus mal, il me fallait cette solitude.
Alors bien sûr, le chrono est modeste, mais comme chaque année depuis 5 ans, je reviendrai et je battrai ce record, les 1h40 m'appellent, je m'entraînerai avec rigueur, car j'aime courir, pour le plaisir. Je n'ai pas cependant pas couru pour le plaisir hier, mais pour le plaisir d'être de nouveau heureux. Aujourd'hui.
Régulièrement, sur les réseaux sociaux, mes amis -les trentenaires souvent - partagent avec bonheur leur plaisir de courir. Je lis fréquemment, à la suite d'une course, leur chrono fièrement exposé (comme je les comprends, je rêve de tels records!). Et puis, je commente souvent d'un "quel chrono, tu peux être fier!" ou d'un "bravo, c'est mérité!", ce à quoi ils m'ont souvent répondu "Peu importe le temps, seul compte le plaisir!" Je ne comprends pas cette affirmation, mais la respecte. Je cours aussi pour le plaisir, souvent même, notamment après une journée au taf: enfiler les chaussures, mettre mon bandeau, allumer mon MP3 et mon GPS sont autant de rituels qui parfois annoncent le "nectar" de ma journée.
Mais ce matin, prendre la voiture m'est difficile, rester sous la couette serait si aisé, si bon. Je ne me suis pas inscrit au semi-marathon de Sélestat pour le plaisir, mais pour me mettre minable, pour souffrir en connaissance de cause, pour me sentir aux limites de mes capacités actuelles et oublier enfin pleinement des derniers mois difficiles, une séparation subie, des enfants que je ne vois pas autant que je voudrais, et un esprit qui pourrait faire glisser ma personne dans des zones d'abandon où je refuse de me rendre. Alors, je dois me lever. Oublier mon esprit chagrin. D'habitude, l'esprit guide le corps. En ce moment, c'est l'exact inverse, et la course à pieds, ainsi que l'escalade que je pratique avec autant d'acharnement me montrent la voie.
Une heure et demie de route, il est 9h, Sélestat, départ dans une heure, le dossard est retiré, de nombreuses familles encouragent leur gamin fonçant à toute vitesse pour "les foulées de la jeunesse" dans la grande avenue du centre-ville. Je suis heureux pour eux, mais leur présence alentour me rappelle ma situation, je chasse les pensées négatives, rejoins ma voiture, ferme les yeux, un peu de musique rock éthérée histoire de planer avant que la course ne me rappelle les dures lois de la gravité. 9h30, Jeff, mon ami, m'envoie un SMS, il est ce matin au départ des 10km de Paris "chaud bouillant, déjà dans le sas, je vais tout exploser". Je lui réponds "Dans la voiture, comateux, faudrait que je pense à m'échauffer"
Je sors de la voiture. M'habille. M'étire. Puis pars m'échauffer. Une nouvelle fois, dans mon cheminement à l'envers, mon corps guide ma tête. Je dois battre mon précédent record de l'an dernier. Je me suis entraîné, 6 semaines seulement, dont 2 semaines uniquement d'AS en 4'55/km pour descendre sous les 1h45. Aux premières accélérations, 15 minutes avant le coup de feu, je veux courir et courir longtemps. Pas pour le plaisir. Pour un chrono modeste certes, mais aussi pour me sentir vivre, pour me sentir présent ici et maintenant, pour battre systématiquement le record précédent et faire la nique au temps qui passe, comme une course vers la jeunesse derrière soi. "Je vieillis mais mes temps s'améliorent".
Hier, donc, j'ai couru. Sans me soucier d'autre chose que de mon allure. Tous les kilomètres, même les plus faciles du départ, sont assurés entre 4'54 et 4'56/km, un modèle de régularité. Les 6 derniers kilomètres sont difficiles, je les attendais avec crainte, mais également enthousiasme, histoire de tenir un tête-à-tête avec les difficultés, je suis venu pour ce moment intime avec elles. "Vous ne m'aurez pas. je ne plierai pas". J'ai quelque peu plié, certes, en assurant mes kilomètres en 5' - 5'10 avant de repartir, d'accélérer au 20e. Après 1h44 de course, je m'effondre littéralement par terre, vidé. De longues minutes sereines s'écoulent. Personne ne m'attend à l'arrivée aujourd'hui, c'est pas plus mal, il me fallait cette solitude.
Alors bien sûr, le chrono est modeste, mais comme chaque année depuis 5 ans, je reviendrai et je battrai ce record, les 1h40 m'appellent, je m'entraînerai avec rigueur, car j'aime courir, pour le plaisir. Je n'ai pas cependant pas couru pour le plaisir hier, mais pour le plaisir d'être de nouveau heureux. Aujourd'hui.
Last Edit:il y a 10 ans 1 mois
par krampus
Dernière édition: il y a 10 ans 1 mois par krampus.
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- Rhum
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Réponse de Rhum sur le sujet Re: Pourquoi je cours. Sélestat 2014.
Posted il y a 10 ans 1 mois #333994
Merci pour ce récit plein d émotion
Et félicitation
Et félicitation
par Rhum
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- secalex
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Réponse de secalex sur le sujet Re: Pourquoi je cours. Sélestat 2014.
Posted il y a 10 ans 1 mois #333997
Merci.
par secalex
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- olivierl
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Réponse de olivierl sur le sujet Re: Pourquoi je cours. Sélestat 2014.
Posted il y a 10 ans 1 mois #334022
Très joli récit. Je m'en sens assez proche, j'ai commencé la course à pied cet été un peu dans les mêmes conditions et "pour me faire mal".
Courage, continue !
Courage, continue !
par olivierl
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- steph69
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Réponse de steph69 sur le sujet Re: Pourquoi je cours. Sélestat 2014.
Posted il y a 10 ans 1 mois #334028
ton récit est émouvant, et m'a touché
je suis marié et père de 2 filles qui m'ont soutenu pour mon premier marathon ce dimanche (cf récit)
j'ai beaucoup souffert, mais leur présence m'a réconforté
tu as couru sans ta famille, et je pense comprendre un peu ta solitude
plutôt qu'un remerciement pour ce chrono plus qu'honorable, je te souhaite vivement de retrouver le plaisir de courir, de vivre, et d'être heureux
je suis marié et père de 2 filles qui m'ont soutenu pour mon premier marathon ce dimanche (cf récit)
j'ai beaucoup souffert, mais leur présence m'a réconforté
tu as couru sans ta famille, et je pense comprendre un peu ta solitude
plutôt qu'un remerciement pour ce chrono plus qu'honorable, je te souhaite vivement de retrouver le plaisir de courir, de vivre, et d'être heureux
par steph69
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- steph69
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Réponse de steph69 sur le sujet Re: Pourquoi je cours. Sélestat 2014.
Posted il y a 10 ans 1 mois #334029
ton récit est émouvant, et m'a touché
je suis marié et père de 2 filles qui m'ont soutenu pour mon premier marathon ce dimanche (cf récit)
j'ai beaucoup souffert, mais leur présence m'a réconforté
tu as couru sans ta famille, et je pense comprendre un peu ta solitude
plutôt qu'un remerciement pour ce chrono plus qu'honorable, je te souhaite vivement de retrouver le plaisir de courir, de vivre, et d'être heureux
je suis marié et père de 2 filles qui m'ont soutenu pour mon premier marathon ce dimanche (cf récit)
j'ai beaucoup souffert, mais leur présence m'a réconforté
tu as couru sans ta famille, et je pense comprendre un peu ta solitude
plutôt qu'un remerciement pour ce chrono plus qu'honorable, je te souhaite vivement de retrouver le plaisir de courir, de vivre, et d'être heureux
par steph69
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