Marathon de New-York: entres pleurs et bananes
- jhs
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Marathon de New-York: entres pleurs et bananes a été créé par jhs
Posted il y a 11 ans 2 semaines #278249
Me voilà de retour en France, il est donc temps de faire mon petit compte-rendu.
Quand j'écris "petit", c'est juste une façon de parler, car j'ai envie d'écrire énormément de choses.
Car un marathon, c'est toute une histoire.
Alors un premier marathon, je ne vous raconte même pas.
Bon d'accord, en fait je vais vous raconter quand même
Ce marathon, c'est plus qu'une course pour moi.
C'est un peu comme une étape de vie.
Au début de l'histoire, une envie forte, faire mon premier marathon à 40 ans.
Parce que j'ai toujours plus ou moins couru, parce que je m'y suis remis un peu plus sérieusement vers 2010, pour accompagner une (première ?) perte de poids.
Mais j'avais arrêté à nouveau, avant de m'y remettre, par la force des choses: un marathon cela ne se fait pas comme cela au pied levé.
N'empêche que c'est (un peu) ce que j'ai fait en attaquant une préparation au mois d’août 2012.
Sandy en décidera autrement avec un coup de fil destructeur à 1h du départ de la maison après bien des changements et énormément d'efforts pour y être quand même.
Finalement, je ne vais plus m'arrêter de courir dès lors.
Un an plus tard je suis enfin sur cette ligne de départ, Sandy et ses copines ne viendront pas gâcher cette deuxième tentative.
C'est décider que de toute façon la fête sera belle, quoi qu'il arrive.
Etre au départ est déjà une première victoire.
Il parait que je n'ai pas choisi le plus facile comme premier marathon, mais de toute façon je n’aime pas la facilité.
Alors tant qu'à faire, je cumule les difficultés:
- il faut "faire du jus" dans la dernière semaine? J'ai passé ma semaine à me créer plein de souvenirs en arpentant cette magnifique ville de long en large. Mais, je me suis juste octroyé le samedi après-midi comme repos total.
- il ne faut pas courir blesser? Je traîne une vielle blessure au genou gauche qui s'est réveillée qui aura entaché ma préparation salement. Mais j'ai pris soin de mes jambes et de mon genou tout au long de la semaine (douches froides, massages, crèmes, ...)
- il faut se fixer un plan de marche précis et s'y tenir? J'ai tourné le problème dans tous les sens et j'ai fini par me dire d'y aller aux sensations, naturellement, et juste de surveiller le cardio, car il est hors de question d'exploser. On verra bien l'allure qui en sors, "naturellement" ...
Je suis tout près de cette ligne de départ.
Il y a 5h, je me levais, tranquille.
Petit déjeuner standard, après avoir prévu un Gatosport que ne peut pas me cuisiner l'hôtel. Ce n'est pas grave, je gère bien le changement. Bon petit dèj, ni trop, ni pas assez.
Je prévois alors une banane à H-3, une barre de céréales énergétique à H-2, puis une autre à H-1.
Je n'oublie pas de bien m'hydrater.
De toute façon, c'est un peu le seul moyen de me réchauffer, il fait froid à Fort Wadsworth, dans le village de départ "Green". Très très froid. Et tout seul pour occuper les 2h30 ce n'est pas toujours évident.
Ici le spectacle est malgré tout permanent, avec une organisation incroyable. Et le thé chaud est le bienvenu. Pourtant j'avais prévu une couche supplémentaire de vieux habits épais pour ne pas avoir froid, mais ce n’était pas encore assez. Et le bonnet distribué par un partenaire est le bienvenu, même si j'ai un sacré tête de c.. avec Certains sont venus avec matelas gonflable et sac de couchage plus couvertures!! Il ne leur manquait que la tente et le réchaud pour faire du camping:
Je suis sous ce pont, et je n'attends qu'une chose, pouvoir aller y poser mes baskets.
Je suis tout près de cette ligne de départ. Je la vois.
Le départ des élites et de la première vague vient d'être donné dans une ambiance de folie, et Frank Sinatra enchante mes oreilles.
C'est notre tour, la vague 2, on s'approche de cette ligne tant attendue, je la touche presque.
Bang.
Un vrai coup de canon, et c'est parti.
On est nombreux, et çà part dans tous les sens.
Mais c'est que ça monte sur ce pont dis donc.
J'étais cool, avec un cardio à 42% quand je l'ai allumé. Il était monté à 52% lorsque l'on s'est rapproché de la ligne.
Mais là dans la montée du pont Verrazano, il explose direct: 83%
Et dire que d'habitude je mets presque 20' à monter à ce ratio, aïe pas bon.
Ah, çà redescend, dans tous les sens du terme: le pont et le cardio avec.
A la sortie du pont, il faut déjà que je m'arrête: mon lacet gauche est à refaire. Grrr, cela ne m'arrive jamais à l'entrainement, et là il faut que cela m'arrive!
A peine le temps de me relancer, qu'un dilemme me tenace: je m'arrête ou je m'arrête pas? Bon j'en vois au loin qui ont trouvé un petit bloc genre cabane de réseau électrique. Je n’hésite pas plus longtemps et ... pause pipi obligatoire. Là je me dis que ça fait du bien d'être un mec, car avec tout le thé bu, ... mais ... ah bein non les filles aussi s'arrêtent et se posent à coté de moi, ... ... on se retrouve à une dizaine alignés le long du muret à se soulager. Moment surréaliste dans une ville ou on trouve si peu de toilettes
Bon ce n'est pas tout cela, mais j'ai à peine fait 2,5km que je me suis déjà arrêté 2 fois!
Alors je relance, et je trouve mon rythme.
km 5: 00:28:27 soit 5'41"/km
On arrive sur la 4ème avenue, où l'on retrouve le parcours des autres couleurs, qui sont encore séparées, les "orange" à gauche de la route, les "blue" sur la droite.
C'est rigolo, on dirait qu'on rejoint une manifestation.
Je me fais accueillir par un "blue" qui m'accueille par "welcome on race".
Là les images sont impressionnantes: il y a du monde partout! Sur la route avec des coureurs visibles sur des km, sur les bas cotés avec des milliers de gens qui te tendent la main et qui t'encouragent: "you look good", "let's go", ... Pfff, c'est vraiment, vraiment impressionnant.
La 4ème s'enfile tranquillement, çà monte, çà descend. Rien de bien méchant, mais rien de plat non plus. Moi j’essaye d'être régulier. J'ai l'impression que je n'arrête pas de me faire doubler. Pas évident comme sensation. Il faut rester concentrer sur soit, sur ses sensations.
Et c'est comme cela que je cours: aux sensations. Je laisse faire les jambes. J'ai fait sauter un paquet de séance durant ma préparation, mais aucune AS42. Et là çà ressort tout seul.
Je jette un œil au chrono à qq passage de miles pour me rendre compte que je suis en avance sur le temps de 4h. Cà donne la banane. L'allure est "naturelle", et en plus l'allure est bonne.
Je suis bien, heureux, je profite de toutes ces images.
Le cardio lui est aussi dans les clous: il oscille entre 80% et 86% en fonction du fait que je suis sur la partie descendante ou montante de l'avenue.
km 10: 00:56:08 soit 5'32"/km sur les 5 derniers km et 5'37"/km en cumulé.
On termine la 4ème avenue, où il y a toujours de plus en plus de monde.
Et la musique toujours plus présente.
Je suis toujours dans mon rythme, la banane accrochée à mon visage.
J'essaie de repérer des coureurs qui pourraient être des points de repères, qui courent à la même allure que moi. Mais ce n'est pas chose évidente, tellement il y a de coureurs. En plus on vient de passer le miles 8, moment où les 3 parcours sont définitivement identiques.
On quitte la 4ème et on rentre sur Lafayette avenue, et là surprise, un mini mur à monter. Pas cool.
Je lève le pied, et je monte à mon rythme. Le début de la montée est dur. Ah mais c'est pas la montée en soi qui est dure, non c'est juste le monde sur la route. Certains s'arrêtent de courir et d'autres ralentissent très méchamment. Je fais du slalom, c'est un peu pénible. Mais mon esprit se déride très vite, j'arrête de râler après certains et je profite de l'ambiance.
Car quelle ambiance dans cette montée! On pourrait se croire dans la montée de l'Alpe d'Huez tellement il y a de spectateurs! Non, en fait, c'est mieux. Il y a la musique, les gens qui chantent. Même les coureurs on chante!! On lève les bras lorsque le speaker le demande, c'est dingue. Euh ... on est bien sur un marathon, là, non?
C'est le quartier que je vais préférer de toute la course.
km 15:01:23:59 soit 5'34"/km sur les 5 derniers km et 5'36"/km en cumulé.
C'est maintenant Bedford avenue qui s'annonce. Tout le début en descente.
Là après une petite hésitation, je décide surtout de laisser couler, et de ne pas accélérer. A ce moment-là je me dis que c'est ce qui m'aidera plus tard quand je serais sur le retour dans le faux plat de la 5ème et qu'il faudra aller puiser un peu d'énergie dans les réserves.
Je suis lucide, et cela me donne la banane. J'ai pris mes gels tous les 5km, comme prévu. Je bois qq gorgées d'eau à chaque ravitaillement placés à tous les miles depuis le miles 3.
Je décide de prendre un gobelet de "Gatorade" plutôt qu'un gobelet de "Poland Spring". Beurk! Le gout archi sucré me surprend, je trouve cela acide. C'est décidé, je continuerais à l'eau.
Arrive Manhattan Avenue. Je ne le sais pas encore, mais c'est là que va se jouer mon marathon.
Un coureur fait un écart devant moi au dernier moment, trop tard, j'ai posé ma cheville sur une horrible bosse de goudron, et là ... aïe!
Je peste contre ces américains qui ne sont pas capables de nous faire une route correcte!
J'ai mal.
On est au 20ème km.
km 20: 01:52:30 soit 5'42"/km sur les 5 derniers km et 5'38"/km en cumulé.
Cela tombe vraiment mal, car c'est parmi les 5km les plus importants du marathon qui se profilent.
Tout d'abord, la courte descente de Greenpoint avenue me fait très mal à la cheville.
Et on file droit vers le passage du semi (en 01:59:02) juste avant le Pulaski Bridge.
Il me fait mal celui-là. Dans tous les sens du terme. La cheville est douloureuse. Connaissant mes chevilles "chewing-gums" je sais que, parce que je suis chaud, que cela ne va pas durer, mais là il faut monter et marquer les appuis, et c'est pas vraiment le bon moment (comme si il y en avait des bons) pour se blesser.
J’essaye de lever le pied, de toute façon, ça monte et il faut contrôler le cardio pour durer.
Le problème, c'est qu'après la montée, il y a la descente, et finalement, la montée c'était cool!
J'essaie de changer ma foulée pour soulager ma cheville.
Et çà c'est la plus mauvaise décision que j'ai pris sur ce marathon.
Avec le recul, j'aurais du ne rien changer, et laisser la cheville "en prendre plein la tronche" de toute façon cela serait passé, tant qu'elle était chaude.
Quelques blocs plus loin arrive la difficulté du parcours (avec la 5ème avenue): le Queensboro Bridge.
Je monte tranquille, en essayant de relâcher au maximum.
C'est un moment pas évident ce pont. Il y a déjà bcq de monde à la dérive, et c'est très calme sur ce pont: il n'y a pas de spectateurs.
Le seul bruit, c'est un side-car de la télévision qui essaye de se frayer un chemin à travers la foule, aidée par un motard de la police. Comme si nous les coureurs on avait pas assez de mal sur ce pont, il faut en plus s'occuper des motards et se mettre de coté!
km 25: 02:23:31 soit 6'12"/km sur les 5 derniers km et 5'44"/km en cumulé.
Fin du Queensboro et descente dans Manhattan.
Là c'est énorme: après le silence, c'est un bruit fou, sourd avec un monde de partout.
Mais j'avoue que je n'ai plus la banane: dans la descente du pont je sais maintenant que c'est mon genou qui est en train de prendre. Pas cool, on n'est qu'à mi-chemin.
Mais je m'accroche à des petites choses: la 1ère avenue arrive avec surement une rencontre avec mon "fan club".
Alors je lève le pied, le temps ne m'importe plus, maintenant je profite juste de la fête.
Je prends chaque parole en français pour moi. Le nombre de personne sur le coté est toujours aussi impressionnant. C'est surement là, sur les premiers miles de la 1ère avenue que je verrais le plus de monde. C'est presque dommage que l'avenue soit aussi large. L'ambiance serait encore plus folle en rétrécissant la place laissée aux coureurs.
Je cherche un peu du regard si je vois des têtes connues, mais je les ai ratés, ils sont arrivés après mon passage.
Moi j'ai en vue le passage de 30km.
Je m'en souviendrai de celui-là.
A 20m de la ligne une douleur intense: le genou gauche cède les tendons et les muscles autour de la rotule rendent l'âme. C'est net, c'est instantané, c'est ... douloureux. Un vrai coup de poignard dans le genou.
Je m'arrête net.
Je passe les 30km sur une jambe, à cloche pied, en tentant de poser ma jambe gauche par terre.
Je pleure.
km 30: 02:55:19 soit 6'22"/km sur les 5 derniers km et 5'51"/km en cumulé.
Pleurer. Marcher.
Pleurer. Tenter de reprendre la course.
Pleurer. Marcher.
Pleurer. Tenter de marcher plus vite.
Pleurer. Compter les km qui reste.
Voilà a quoi s'est résumé les 12 derniers km de ce marathon.
Bien sur j'ai aussi profité du spectacle autour, des nombreux encouragements des spectateurs, mais aussi des coureurs. J'en ai encouragé aussi un certain nombre, lorsqu'ils s'arrêtaient à mes côtés.
J'ai donc beaucoup pleuré, de douleur, de déception aussi.
Et j'ai encore pleuré lorsque mon fan club m'a retrouvé dans Central Park. Ils ont hurler comme des fous. Mais vraiment comme des fous furieux.
Moi je pleurais et eux ils étaient heureux. Ils se moquaient de mon temps, de mon allure, de mon cardio, ... eux ce qu'ils voulaient c'était me voir. En galère ou pas, peu importe.
La banane c'est eux qui l'avaient à ce moment-là. Et quelle banane!! Leurs encouragements, c'était un rayon de soleil qui m'a bien réchauffé le cœur.
Ça tombait bien, car ne courant plus j'étais maintenant transi par le froid, et il faudra attendre d'avoir un poncho a la sortie "No bagage" pour avoir enfin chaud. Les derniers km furent longs, dans Central Park, car c'est quand même tortueux pour mon genou avec des petites montées et descentes dans tous les sens, mais les encouragements étaient très très nombreux, chez les spectateurs, et encore et toujours chez les coureurs qui me dépassaient et qui franchement n'étaient pas au mieux.
Je n'avais jamais vu autant de détresse et de souffrance dans les derniers km d'une course. J'ai encouragé Marie-Josée Perec lorsqu'elle m'a doublé a 800m de la ligne: elle était pas belle à voir, mais elle courait encore, elle.
L'arrivée fut une délivrance, j'étais au bout. Au bout et à bout.
New-York restera mon premier marathon. A jamais
Une victoire d'une certaine manière, mais une grosse déception quand même. Même si j'ai la médaille du finisher.
J'avais dans l'idée d'aller "faire les courses" au Javits Center le lundi matin pour faire une razzia sur les produits "Finisher", mais si je me considère comme marathonien, je ne me considère pas comme Finisher, alors ce sera pour une autre fois. C'est bizarre comme sensation, mais c'est comme cela : marathonien mais pas finisher. Allez comprendre.
Le soir même, match de NBA au Madison Square Garden au programme, pour atténuer la déception. Car pour le moment c'est la déception qui prime sur tout le reste, cela même si j'ai rarement pris autant de plaisir à courir. Jamais autant en fait. Mais j'aurais aimé que le plaisir dure 42,195 km, et non pas seulement 20.
Un grand merci aux organisateurs, même si la gestion de l'après Finish-Line n'est pas au niveau du reste (carrément pas), aux bénévoles, aux coureurs qui m'ont encouragé, aux spectateurs, et ... à mes enfants.
Merci à vous aussi pour vos messages, et votre courage si vous êtes venu au bout de ce récit.
Jamais je n'oublierai que la course à pied, le marathon, c'est de la souffrance, mais aussi tellement de plaisir, tellement la banane.
Vivement le prochain.
Quand j'écris "petit", c'est juste une façon de parler, car j'ai envie d'écrire énormément de choses.
Car un marathon, c'est toute une histoire.
Alors un premier marathon, je ne vous raconte même pas.
Bon d'accord, en fait je vais vous raconter quand même
Ce marathon, c'est plus qu'une course pour moi.
C'est un peu comme une étape de vie.
Au début de l'histoire, une envie forte, faire mon premier marathon à 40 ans.
Parce que j'ai toujours plus ou moins couru, parce que je m'y suis remis un peu plus sérieusement vers 2010, pour accompagner une (première ?) perte de poids.
Mais j'avais arrêté à nouveau, avant de m'y remettre, par la force des choses: un marathon cela ne se fait pas comme cela au pied levé.
N'empêche que c'est (un peu) ce que j'ai fait en attaquant une préparation au mois d’août 2012.
Sandy en décidera autrement avec un coup de fil destructeur à 1h du départ de la maison après bien des changements et énormément d'efforts pour y être quand même.
Finalement, je ne vais plus m'arrêter de courir dès lors.
Un an plus tard je suis enfin sur cette ligne de départ, Sandy et ses copines ne viendront pas gâcher cette deuxième tentative.
C'est décider que de toute façon la fête sera belle, quoi qu'il arrive.
Etre au départ est déjà une première victoire.
Il parait que je n'ai pas choisi le plus facile comme premier marathon, mais de toute façon je n’aime pas la facilité.
Alors tant qu'à faire, je cumule les difficultés:
- il faut "faire du jus" dans la dernière semaine? J'ai passé ma semaine à me créer plein de souvenirs en arpentant cette magnifique ville de long en large. Mais, je me suis juste octroyé le samedi après-midi comme repos total.
- il ne faut pas courir blesser? Je traîne une vielle blessure au genou gauche qui s'est réveillée qui aura entaché ma préparation salement. Mais j'ai pris soin de mes jambes et de mon genou tout au long de la semaine (douches froides, massages, crèmes, ...)
- il faut se fixer un plan de marche précis et s'y tenir? J'ai tourné le problème dans tous les sens et j'ai fini par me dire d'y aller aux sensations, naturellement, et juste de surveiller le cardio, car il est hors de question d'exploser. On verra bien l'allure qui en sors, "naturellement" ...
Je suis tout près de cette ligne de départ.
Il y a 5h, je me levais, tranquille.
Petit déjeuner standard, après avoir prévu un Gatosport que ne peut pas me cuisiner l'hôtel. Ce n'est pas grave, je gère bien le changement. Bon petit dèj, ni trop, ni pas assez.
Je prévois alors une banane à H-3, une barre de céréales énergétique à H-2, puis une autre à H-1.
Je n'oublie pas de bien m'hydrater.
De toute façon, c'est un peu le seul moyen de me réchauffer, il fait froid à Fort Wadsworth, dans le village de départ "Green". Très très froid. Et tout seul pour occuper les 2h30 ce n'est pas toujours évident.
Ici le spectacle est malgré tout permanent, avec une organisation incroyable. Et le thé chaud est le bienvenu. Pourtant j'avais prévu une couche supplémentaire de vieux habits épais pour ne pas avoir froid, mais ce n’était pas encore assez. Et le bonnet distribué par un partenaire est le bienvenu, même si j'ai un sacré tête de c.. avec Certains sont venus avec matelas gonflable et sac de couchage plus couvertures!! Il ne leur manquait que la tente et le réchaud pour faire du camping:
Je suis sous ce pont, et je n'attends qu'une chose, pouvoir aller y poser mes baskets.
Je suis tout près de cette ligne de départ. Je la vois.
Le départ des élites et de la première vague vient d'être donné dans une ambiance de folie, et Frank Sinatra enchante mes oreilles.
C'est notre tour, la vague 2, on s'approche de cette ligne tant attendue, je la touche presque.
Bang.
Un vrai coup de canon, et c'est parti.
On est nombreux, et çà part dans tous les sens.
Mais c'est que ça monte sur ce pont dis donc.
J'étais cool, avec un cardio à 42% quand je l'ai allumé. Il était monté à 52% lorsque l'on s'est rapproché de la ligne.
Mais là dans la montée du pont Verrazano, il explose direct: 83%
Et dire que d'habitude je mets presque 20' à monter à ce ratio, aïe pas bon.
Ah, çà redescend, dans tous les sens du terme: le pont et le cardio avec.
A la sortie du pont, il faut déjà que je m'arrête: mon lacet gauche est à refaire. Grrr, cela ne m'arrive jamais à l'entrainement, et là il faut que cela m'arrive!
A peine le temps de me relancer, qu'un dilemme me tenace: je m'arrête ou je m'arrête pas? Bon j'en vois au loin qui ont trouvé un petit bloc genre cabane de réseau électrique. Je n’hésite pas plus longtemps et ... pause pipi obligatoire. Là je me dis que ça fait du bien d'être un mec, car avec tout le thé bu, ... mais ... ah bein non les filles aussi s'arrêtent et se posent à coté de moi, ... ... on se retrouve à une dizaine alignés le long du muret à se soulager. Moment surréaliste dans une ville ou on trouve si peu de toilettes
Bon ce n'est pas tout cela, mais j'ai à peine fait 2,5km que je me suis déjà arrêté 2 fois!
Alors je relance, et je trouve mon rythme.
km 5: 00:28:27 soit 5'41"/km
On arrive sur la 4ème avenue, où l'on retrouve le parcours des autres couleurs, qui sont encore séparées, les "orange" à gauche de la route, les "blue" sur la droite.
C'est rigolo, on dirait qu'on rejoint une manifestation.
Je me fais accueillir par un "blue" qui m'accueille par "welcome on race".
Là les images sont impressionnantes: il y a du monde partout! Sur la route avec des coureurs visibles sur des km, sur les bas cotés avec des milliers de gens qui te tendent la main et qui t'encouragent: "you look good", "let's go", ... Pfff, c'est vraiment, vraiment impressionnant.
La 4ème s'enfile tranquillement, çà monte, çà descend. Rien de bien méchant, mais rien de plat non plus. Moi j’essaye d'être régulier. J'ai l'impression que je n'arrête pas de me faire doubler. Pas évident comme sensation. Il faut rester concentrer sur soit, sur ses sensations.
Et c'est comme cela que je cours: aux sensations. Je laisse faire les jambes. J'ai fait sauter un paquet de séance durant ma préparation, mais aucune AS42. Et là çà ressort tout seul.
Je jette un œil au chrono à qq passage de miles pour me rendre compte que je suis en avance sur le temps de 4h. Cà donne la banane. L'allure est "naturelle", et en plus l'allure est bonne.
Je suis bien, heureux, je profite de toutes ces images.
Le cardio lui est aussi dans les clous: il oscille entre 80% et 86% en fonction du fait que je suis sur la partie descendante ou montante de l'avenue.
km 10: 00:56:08 soit 5'32"/km sur les 5 derniers km et 5'37"/km en cumulé.
On termine la 4ème avenue, où il y a toujours de plus en plus de monde.
Et la musique toujours plus présente.
Je suis toujours dans mon rythme, la banane accrochée à mon visage.
J'essaie de repérer des coureurs qui pourraient être des points de repères, qui courent à la même allure que moi. Mais ce n'est pas chose évidente, tellement il y a de coureurs. En plus on vient de passer le miles 8, moment où les 3 parcours sont définitivement identiques.
On quitte la 4ème et on rentre sur Lafayette avenue, et là surprise, un mini mur à monter. Pas cool.
Je lève le pied, et je monte à mon rythme. Le début de la montée est dur. Ah mais c'est pas la montée en soi qui est dure, non c'est juste le monde sur la route. Certains s'arrêtent de courir et d'autres ralentissent très méchamment. Je fais du slalom, c'est un peu pénible. Mais mon esprit se déride très vite, j'arrête de râler après certains et je profite de l'ambiance.
Car quelle ambiance dans cette montée! On pourrait se croire dans la montée de l'Alpe d'Huez tellement il y a de spectateurs! Non, en fait, c'est mieux. Il y a la musique, les gens qui chantent. Même les coureurs on chante!! On lève les bras lorsque le speaker le demande, c'est dingue. Euh ... on est bien sur un marathon, là, non?
C'est le quartier que je vais préférer de toute la course.
km 15:01:23:59 soit 5'34"/km sur les 5 derniers km et 5'36"/km en cumulé.
C'est maintenant Bedford avenue qui s'annonce. Tout le début en descente.
Là après une petite hésitation, je décide surtout de laisser couler, et de ne pas accélérer. A ce moment-là je me dis que c'est ce qui m'aidera plus tard quand je serais sur le retour dans le faux plat de la 5ème et qu'il faudra aller puiser un peu d'énergie dans les réserves.
Je suis lucide, et cela me donne la banane. J'ai pris mes gels tous les 5km, comme prévu. Je bois qq gorgées d'eau à chaque ravitaillement placés à tous les miles depuis le miles 3.
Je décide de prendre un gobelet de "Gatorade" plutôt qu'un gobelet de "Poland Spring". Beurk! Le gout archi sucré me surprend, je trouve cela acide. C'est décidé, je continuerais à l'eau.
Arrive Manhattan Avenue. Je ne le sais pas encore, mais c'est là que va se jouer mon marathon.
Un coureur fait un écart devant moi au dernier moment, trop tard, j'ai posé ma cheville sur une horrible bosse de goudron, et là ... aïe!
Je peste contre ces américains qui ne sont pas capables de nous faire une route correcte!
J'ai mal.
On est au 20ème km.
km 20: 01:52:30 soit 5'42"/km sur les 5 derniers km et 5'38"/km en cumulé.
Cela tombe vraiment mal, car c'est parmi les 5km les plus importants du marathon qui se profilent.
Tout d'abord, la courte descente de Greenpoint avenue me fait très mal à la cheville.
Et on file droit vers le passage du semi (en 01:59:02) juste avant le Pulaski Bridge.
Il me fait mal celui-là. Dans tous les sens du terme. La cheville est douloureuse. Connaissant mes chevilles "chewing-gums" je sais que, parce que je suis chaud, que cela ne va pas durer, mais là il faut monter et marquer les appuis, et c'est pas vraiment le bon moment (comme si il y en avait des bons) pour se blesser.
J’essaye de lever le pied, de toute façon, ça monte et il faut contrôler le cardio pour durer.
Le problème, c'est qu'après la montée, il y a la descente, et finalement, la montée c'était cool!
J'essaie de changer ma foulée pour soulager ma cheville.
Et çà c'est la plus mauvaise décision que j'ai pris sur ce marathon.
Avec le recul, j'aurais du ne rien changer, et laisser la cheville "en prendre plein la tronche" de toute façon cela serait passé, tant qu'elle était chaude.
Quelques blocs plus loin arrive la difficulté du parcours (avec la 5ème avenue): le Queensboro Bridge.
Je monte tranquille, en essayant de relâcher au maximum.
C'est un moment pas évident ce pont. Il y a déjà bcq de monde à la dérive, et c'est très calme sur ce pont: il n'y a pas de spectateurs.
Le seul bruit, c'est un side-car de la télévision qui essaye de se frayer un chemin à travers la foule, aidée par un motard de la police. Comme si nous les coureurs on avait pas assez de mal sur ce pont, il faut en plus s'occuper des motards et se mettre de coté!
km 25: 02:23:31 soit 6'12"/km sur les 5 derniers km et 5'44"/km en cumulé.
Fin du Queensboro et descente dans Manhattan.
Là c'est énorme: après le silence, c'est un bruit fou, sourd avec un monde de partout.
Mais j'avoue que je n'ai plus la banane: dans la descente du pont je sais maintenant que c'est mon genou qui est en train de prendre. Pas cool, on n'est qu'à mi-chemin.
Mais je m'accroche à des petites choses: la 1ère avenue arrive avec surement une rencontre avec mon "fan club".
Alors je lève le pied, le temps ne m'importe plus, maintenant je profite juste de la fête.
Je prends chaque parole en français pour moi. Le nombre de personne sur le coté est toujours aussi impressionnant. C'est surement là, sur les premiers miles de la 1ère avenue que je verrais le plus de monde. C'est presque dommage que l'avenue soit aussi large. L'ambiance serait encore plus folle en rétrécissant la place laissée aux coureurs.
Je cherche un peu du regard si je vois des têtes connues, mais je les ai ratés, ils sont arrivés après mon passage.
Moi j'ai en vue le passage de 30km.
Je m'en souviendrai de celui-là.
A 20m de la ligne une douleur intense: le genou gauche cède les tendons et les muscles autour de la rotule rendent l'âme. C'est net, c'est instantané, c'est ... douloureux. Un vrai coup de poignard dans le genou.
Je m'arrête net.
Je passe les 30km sur une jambe, à cloche pied, en tentant de poser ma jambe gauche par terre.
Je pleure.
km 30: 02:55:19 soit 6'22"/km sur les 5 derniers km et 5'51"/km en cumulé.
Pleurer. Marcher.
Pleurer. Tenter de reprendre la course.
Pleurer. Marcher.
Pleurer. Tenter de marcher plus vite.
Pleurer. Compter les km qui reste.
Voilà a quoi s'est résumé les 12 derniers km de ce marathon.
Bien sur j'ai aussi profité du spectacle autour, des nombreux encouragements des spectateurs, mais aussi des coureurs. J'en ai encouragé aussi un certain nombre, lorsqu'ils s'arrêtaient à mes côtés.
J'ai donc beaucoup pleuré, de douleur, de déception aussi.
Et j'ai encore pleuré lorsque mon fan club m'a retrouvé dans Central Park. Ils ont hurler comme des fous. Mais vraiment comme des fous furieux.
Moi je pleurais et eux ils étaient heureux. Ils se moquaient de mon temps, de mon allure, de mon cardio, ... eux ce qu'ils voulaient c'était me voir. En galère ou pas, peu importe.
La banane c'est eux qui l'avaient à ce moment-là. Et quelle banane!! Leurs encouragements, c'était un rayon de soleil qui m'a bien réchauffé le cœur.
Ça tombait bien, car ne courant plus j'étais maintenant transi par le froid, et il faudra attendre d'avoir un poncho a la sortie "No bagage" pour avoir enfin chaud. Les derniers km furent longs, dans Central Park, car c'est quand même tortueux pour mon genou avec des petites montées et descentes dans tous les sens, mais les encouragements étaient très très nombreux, chez les spectateurs, et encore et toujours chez les coureurs qui me dépassaient et qui franchement n'étaient pas au mieux.
Je n'avais jamais vu autant de détresse et de souffrance dans les derniers km d'une course. J'ai encouragé Marie-Josée Perec lorsqu'elle m'a doublé a 800m de la ligne: elle était pas belle à voir, mais elle courait encore, elle.
L'arrivée fut une délivrance, j'étais au bout. Au bout et à bout.
New-York restera mon premier marathon. A jamais
Une victoire d'une certaine manière, mais une grosse déception quand même. Même si j'ai la médaille du finisher.
J'avais dans l'idée d'aller "faire les courses" au Javits Center le lundi matin pour faire une razzia sur les produits "Finisher", mais si je me considère comme marathonien, je ne me considère pas comme Finisher, alors ce sera pour une autre fois. C'est bizarre comme sensation, mais c'est comme cela : marathonien mais pas finisher. Allez comprendre.
Le soir même, match de NBA au Madison Square Garden au programme, pour atténuer la déception. Car pour le moment c'est la déception qui prime sur tout le reste, cela même si j'ai rarement pris autant de plaisir à courir. Jamais autant en fait. Mais j'aurais aimé que le plaisir dure 42,195 km, et non pas seulement 20.
Un grand merci aux organisateurs, même si la gestion de l'après Finish-Line n'est pas au niveau du reste (carrément pas), aux bénévoles, aux coureurs qui m'ont encouragé, aux spectateurs, et ... à mes enfants.
Merci à vous aussi pour vos messages, et votre courage si vous êtes venu au bout de ce récit.
Jamais je n'oublierai que la course à pied, le marathon, c'est de la souffrance, mais aussi tellement de plaisir, tellement la banane.
Vivement le prochain.
par jhs
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Réponse de bender sur le sujet Re: Marathon de New-York: entres pleurs et bananes
Posted il y a 11 ans 2 semaines #278277
Whaouhou ! Ca c'est du compte-rendu !
Tu en as manifestement bavé, mais il est clair que ça fera un sacré souvenir. Et félicitations pour avoir tenu jusqu'au bout.
Tu seras bien rôdé pour le prochain
P.S. : sympa la photo avec le bonnet
Tu en as manifestement bavé, mais il est clair que ça fera un sacré souvenir. Et félicitations pour avoir tenu jusqu'au bout.
Tu seras bien rôdé pour le prochain
P.S. : sympa la photo avec le bonnet
Last Edit:il y a 11 ans 2 semaines
par bender
Dernière édition: il y a 11 ans 2 semaines par bender.
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Réponse de Seb35 sur le sujet Re: Marathon de New-York: entres pleurs et bananes
Posted il y a 11 ans 2 semaines #278279
La course d'une vie !
Bravo pour ton courage ! Aller au bout dans de telles conditions de souffrance, c'est énorme !
Et merci pour ce récit très émouvant !
Bravo pour ton courage ! Aller au bout dans de telles conditions de souffrance, c'est énorme !
Et merci pour ce récit très émouvant !
par Seb35
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Réponse de Aquila sur le sujet Re: Marathon de New-York: entres pleurs et bananes
Posted il y a 11 ans 2 semaines #278290
Bravo, Marathonien! Et merci pour ce beau CR!
Ah au fait, juste un truc... C'est bien d'être exigeant avec soi-même. Mais il faut faire gaffe à ne pas être trop peau de vache non plus. C'est un connaisseur qui t'en parle!
Ah au fait, juste un truc... C'est bien d'être exigeant avec soi-même. Mais il faut faire gaffe à ne pas être trop peau de vache non plus. C'est un connaisseur qui t'en parle!
par Aquila
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Réponse de Prowler sur le sujet Re: Marathon de New-York: entres pleurs et bananes
Posted il y a 11 ans 2 semaines #278294
Bravo et merci pour ce récit. Je suis vraiment épaté que tu aies pu puiser en toi les forces nécessaires pour finir ce marathon mythique.
J'ai pas compris ce qu'étaient les parcours avec les différentes couleurs : " blue, " " orange "...
J'ai pas compris ce qu'étaient les parcours avec les différentes couleurs : " blue, " " orange "...
par Prowler
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Réponse de taek78run sur le sujet Re: Marathon de New-York: entres pleurs et bananes
Posted il y a 11 ans 2 semaines #278295
C'est la méga fête aux US lors des marathons! merci pour le CR et bravo d'avoir fini ce marathon dans la douleur .
Tu as bien profité de NY , la big apple , j'espère que les Knicks ont gagné ce soir là!
Bonne récup, et soigne bien tous ces bobos
Tu as bien profité de NY , la big apple , j'espère que les Knicks ont gagné ce soir là!
Bonne récup, et soigne bien tous ces bobos
par taek78run
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