Trail des Aiguilles Rouges (50 km, 4000 m+)
- Xav
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Cela fait tout juste dix heures que je suis parti de Chamonix quand j’atteins le sommet du Prarion et bascule dans la descente finale. Ces derniers 1200 m+ depuis Servoz ont été très longs ; les derniers lacets, interminables. Mais ça y est, sauf catastrophe, je franchirai bientôt la ligne d’arrivée, située quelque 1100 m- plus bas…
Douze heures plus tôt
2h30 du matin, le réveil sonne enfin. Couché vers 22h30, je n’ai presque pas fermé l’œil de la nuit, comme toujours les veilles de courses. Dans ma chambre d’hôtel des Houches, j’avale ma crème déjeuner maison, plie rapidement mes affaires, et pars pour Chamonix. Quinze minutes plus tard, je suis sur la place du Triangle de l’Amitié, d’où part entre-autres l’UTMB, pour récupérer mon dossard. Il me reste 45 minutes à patienter. Dans le sas de départ, vêtu d’un short et d’un t-shirt, je fais figure d’extraterrestre. Beaucoup ont déjà sorti le collant (le mien est dans le sac, matériel obligatoire), et la grosse majorité vont partir avec leur veste sur le dos. Pas grave, il ne fait pas si froid que ça malgré l’heure matinale, et je sais que je me réchauffe vite en courant.
4h30, après le traditionnel briefing, presque 700 coureurs partent à l’assaut du premier sommet de la journée, perché à 2400 m. Je pars très prudemment pour ce premier kilomètre dans les rues de Chamonix, avant d’attaquer le premier chemin en montée. Frontale allumée, je suis satisfait de voir que les sensations en nocturne sont bien différentes de la semaine dernière. Je me sens bien, le temps passe vite et le rythme du long serpentin lumineux qui progresse sur le monotrace menant à la Flégère me convient parfaitement. Une barre énergétique (encore un produit maison), et il faut continuer à monter vers le lac Blanc, en empruntant des chemins que je connais très bien. Malgré la nuit, on commence à deviner les contours des montagnes qui nous accueillent. Je me retourne régulièrement pour apprécier le spectacle : une longue file de points jaunes, avec en trame de fond l’ombre du massif du Mont-Blanc. Vers le lac Blanc et le franchissement de plusieurs échelles, le vent se lève. Je m’arrête pour enfiler ma seconde couche, une veste achetée pour le TMB, que je n’avais pas utilisée vues les conditions caniculaires. Au passage, je veux manger un gel mais m’en renverse dessus ; c’est malin, j’ai les mains poisseuses et je m’en suis même mis sur la cuisse, c’est pas très agréable… Alors que le jour se lève, je gagne le premier ravitaillement, à l’Index, trois heures après avoir débuté. C’est pile ce que je voulais, je suis dans les temps, et ces 180 premières minutes sont passées comme une lettre à la poste.
Un verre de Coca, quelques gâteaux salés et une vidange plus tard, je me lance dans une courte descente, avec d’entamer une montée bien raide jusqu’au col de la Glière. Au col, la vue est assez inhabituelle : le massif du Mont-Blanc est pris en étau entre une couche de nuages qui recouvre Chamonix, et une autre qui masque les sommets les plus hauts. Entre les deux, les sommets intermédiaires, lacérés par les glaciers, dont la Mer de Glace. C’est beau… Les 500 m- de descente vers Planpraz sont ensuite assez galères : le sentier est très pierreux, comme partout dans les Aiguilles Rouges, et la pluie des jours précédents a rendu ce terrain très glissant. On ne peut quasiment pas courir, et il est presque impossible de doubler. Je prends mon mal en patience, pour atteindre le ravitaillement avec 15 minutes de retard. Ce n’est pas catastrophique, le route est encore très longue et je préfère profiter de ce ravitaillement solide. Une soupe de pâtes chaude, accompagnée d’un petit sandwich viande de grison – comté que je m’étais préparé, ça passe à merveille ! Quelques étirements, qui me permettront de faire disparaître une pointe aux adducteurs, et je commence la montée sur le col du Brévent.
Cette montée, je l’ai faite il y a un mois lors de la dernière étape du TMB, et je l’avais trouvé vraiment dure. Aujourd’hui, en étant moins chargé et plus frais, ces 400 m+ me semblent faciles ! Les coureurs sont maintenant clairsemés le long du parcours, et il devient plus aisé de doubler. Ce sont alors 800 m- qu’il faut dévaler jusqu’au Pont d’Arlevé. Et là, la révélation : les grosses séances de casse de fibres réalisées lors du TMB portent leurs fruits. Je double à foison, je m’amuse avec le relief, j’ai presque l’impression de voler et je prends un plaisir énorme !! A partir de là, on quitte l’environnement très rocailleux des Aiguilles Rouges, pour trouver celui très boueux d’Anterne. Pour ne rien arranger, il se met à pleuvoir. Les 500 m+ pour remonter au refuge de Moëde Anterne sont un peu glissants, mais je me motive facilement en pensant à mon père qui doit me rejoindre là-bas. J’ai en fait une bonne surprise, en réalisant que non seulement mon père, mais aussi ma mère et ma copine sont montés jusque-là. En plus, preuve de ma bonne descente, j’ai maintenant 10 minutes d’avance sur mon objectif ! Au ravitaillement, j’abandonne ma polaire trempée au profit de la veste étanche, elle aussi achetée pour le TMB, elle aussi jamais utilisée. Je remplis ma poche à eau avec la boisson énergétique (encore et toujours maison) apportée par mon assistance, avale quelques biscuits, une barre, et en avant.
Ce que je pensais être 4 ou 5 kilomètres de plat sont en fait vallonnés et marécageux, jusqu’à enfin attaquer la grosse descente de 1200 m- sur Servoz, où se tient le dernier ravitaillement. Cette descente va laisser des traces : elle est longue, relativement technique, et surtout très dangereuse avec beaucoup de boue. Pour la première fois, mes jambes montrent des signes de lassitude, mes genoux et mes cuisses se mettent à gémir. En revanche, je semble toujours plus rapide que les participants qui m’entourent ; je grappille encore bon nombre de places, tout comme du temps sur mon plan de route, puisque j’ai maintenant plus de trente minutes d’avance. Heureusement, le ravitaillement est là. Psychologiquement, cela fait un bien fou, puisque je sais maintenant que même au mental, je pourrai gravir la dernière difficulté du jour. Même rituel qu’à Planpraz : soupe + sandwich + étirements.
Pour rejoindre la montée du Prarion, nous courons sur un petit kilomètre de bitume. Que c’est dur ! Heureusement, nous arrivons très vite au pied de cette dernière ascension. Malheureusement, c’est très raide ! Et oui, 1200 m+ en 6 km, ce n’est pas anodin. Certains coureurs que je dépasse semblent à l’agonie, alors que je résiste tant bien que mal. Cela fait tout juste dix heures que je suis parti de Chamonix quand j’atteins le sommet du Prarion et bascule dans la descente finale. Ces derniers 1200 m+ depuis Servoz ont été très longs ; les derniers lacets, interminables. Mais ça y est, sauf catastrophe, je franchirai bientôt la ligne d’arrivée, située quelque 1100 m- plus bas…
Quand je rencontre mon père, juste sous le sommet, une féminine me double ; je la prends alors en chasse. Pendant cette course-poursuite, elle me sème sur les parties roulantes et je me rapproche sur les sections techniques, tout en doublant moult traileurs au passage. Ma proie se retourne régulièrement, elle se bat. Mais après plus de trente minutes d’une traque acharnée, elle rend finalement les armes. Alors que je passe devant, je l’encourage à me suivre, à s’accrocher jusqu’aux Houches, mais rien n’y fait, elle est à bout. De mon côté, je suis dans un état d’euphorie incroyable. Pendant ce dernier quart d’heure de course, la fatigue et les douleurs ne sont que des lointains souvenirs, et je ne sais pas si j’ai déjà aussi bien descendu de toute ma vie ! J’ai l’impression d’avoir des ailes, d’être en état de grâce, que rien ne peut se mettre en travers de ma route. Je dévale les dernières pentes qui mènent au lac des Chavants, où m’encourage ma copine. J’ai les larmes aux yeux et le sourire jusqu’aux oreilles. Plus que 300 mètres pour faire le tour du lac, et c’en sera fini. Plus que 200 mètres et je réaliserai ce rêve qui m’obsède depuis mon inscription au mois de mai. Plus que 100 mètres et je serai récompensé de tous mes efforts, ceux d’aujourd’hui et des mois passés à s’entrainer.
Je franchis la ligne et termine la course en 10h43’.
A l’inverse de l’Oxygen Challenge, où j’avais fondu en larme, je ne sais pas trop ce à quoi je pense. Je crois que je suis juste trop exténué pour pouvoir vraiment ressentir quoi que ce soit. Je vais voir ma mère et ma copine qui m’attendent près du sas d’arrivée, où je me bâfre de soupe, de biscuits et de cake au chocolat !! J’ai une faim de loup, je suis épuisé, trempé, mes jambes sont tartinées de boue, mais je suis juste heureux. Après quelques minutes, la pression redescend, et je réalise que je suis frigorifié et fourbu de crampes. Mes jambes me portent difficilement jusqu’à la voiture, nous rentrons à la maison…
Bilan : Mon objectif était de finir la course, si possible en 11h30 ; objectif rempli haut la main ! Surtout, je suis vraiment content du déroulement de la journée. Je tenais la forme de ma vie, c’est clair, mais j’ai aussi su gérer mon effort, sans partir trop vite et sans m’affoler quand j’ai pris du retard sur mon planning. A partir de Planpraz, où j’étais 383e, je n’ai fait que gagner des places (318e à Moëde Anterne, 282e à Servoz, 261e au Prarion et 241e au final). Cette année, j’ai réussi à transformer les descentes, qui étaient mon gros point faible, en avantage. Il est encore trop tôt pour faire un bilan de la saison, mais je peux d’ores et déjà dire que 2012 fut un excellent millésime trail en ce qui me concerne.
Trois jours après la course, je me sens déjà beaucoup mieux. Quelques courbatures, des douleurs çà et là, mais rien d’extraordinaire. Maintenant, c’est au moins deux semaines de repos, pour récupérer et trouver des petits objectifs pour la fin de l’année. Je pense notamment à un retour sur route pour améliorer mes chronos sur semi et 10k, mais je ne suis pas sûr de pouvoir trouver des courses qui collent autours de Lyon dans le calendrier. Surtout, il va falloir commencer à planifier l’année 2013. Une petite info en exclue : je vais participer à un trail « solidaire » pendant une semaine au mois de février, le Kimbia Kenya . Au programme, 5 étapes de 20 km au Kenya les matins, et travail humanitaire dans les villages que nous traversons l’après-midi. Une manière originale et utile de faire une course, découvrir un pays et aller au contact de la population locale. Ensuite, peut-être un trail de 60 km vers le mois de juin, et pourquoi pas un truc plus long, genre 80 ou 90 km à la fin de l’été. Je pense notamment au petit parcours de l’UT4M. Un autre projet : je réfléchis à me refaire un tour par étapes comme le TMB cette année ; un bout de la Grande Traversée des Alpes, la traversée du Jura, des Vosges ou du Massif Central, le tour d’un massif local (Vercors, Chartreuse, Beaufortain…). Bref, si vous avez des idées, voire même si vous voulez m’accompagner, vous savez où me trouver !!
Last Edit:il y a 12 ans 1 mois
par Xav
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Dernière édition: il y a 12 ans 1 mois par Xav.
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Réponse de deru84 sur le sujet Re: Trail des Aiguilles Rouges (50 km, 4000 m+)
Posted il y a 12 ans 1 mois #190780
J'étais impatient de lire ton récit et bien je n'ai pas été déçu !
Bravo pour cette super course, t'avais une sacrée pêche dis donc
Comme quoi ton TMB et les semaines de relâche après t'auront été bénéfiques.
Super ton projet au Kenya ! Ca doit être marrant de courir au milieu des girafes et des gnous. C'est effectivement une manière originale de découvrir un pays et sa population. En quoi va consister le travail humanitaire ?
Et je note ton invitation pour un tour par étapes (genre la Haute-Route à mi-coteau )
Bonne récup' !
Bravo pour cette super course, t'avais une sacrée pêche dis donc
Comme quoi ton TMB et les semaines de relâche après t'auront été bénéfiques.
Super ton projet au Kenya ! Ca doit être marrant de courir au milieu des girafes et des gnous. C'est effectivement une manière originale de découvrir un pays et sa population. En quoi va consister le travail humanitaire ?
Et je note ton invitation pour un tour par étapes (genre la Haute-Route à mi-coteau )
Bonne récup' !
par deru84
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Réponse de YMCA sur le sujet Re: Trail des Aiguilles Rouges (50 km, 4000 m+)
Posted il y a 12 ans 1 mois #190816
Je suis heureux d'avoir partagé ta joie à travers ce récit. Quel grand et beau moment.
Félicitations. Tu as su maîtriser ta course (autant que possible) et prendre ton pied. Bravo.
Peux tu me parler de ces séances de "casse de fibres" qui t'ont permis d'être solide en descente stp.
Ca m'intéresse
Félicitations. Tu as su maîtriser ta course (autant que possible) et prendre ton pied. Bravo.
Peux tu me parler de ces séances de "casse de fibres" qui t'ont permis d'être solide en descente stp.
Ca m'intéresse
par YMCA
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Réponse de vlad78 sur le sujet Re: Trail des Aiguilles Rouges (50 km, 4000 m+)
Posted il y a 12 ans 1 mois #190822
félicitations!!!
super CR , je crois que c'est pour vivre ce genre de sensations qu'on s'entraine ,quel que soit notre niveau , atteindre son objectif avec aisance et plaisir, c'est juste énorme.
bonne récup!
super CR , je crois que c'est pour vivre ce genre de sensations qu'on s'entraine ,quel que soit notre niveau , atteindre son objectif avec aisance et plaisir, c'est juste énorme.
bonne récup!
par vlad78
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Réponse de fifi17 sur le sujet Re: Trail des Aiguilles Rouges (50 km, 4000 m+)
Posted il y a 12 ans 1 mois #190867
Superbe course ! toutes mes félicitations ! RESPECT !
De bien beaux objectifs en vue...
Autour de Lyon, il y a le semi du beaujolais le 17/11
Bonne récup et encore bravo !!!!!!!!!!!!
De bien beaux objectifs en vue...
Autour de Lyon, il y a le semi du beaujolais le 17/11
Bonne récup et encore bravo !!!!!!!!!!!!
par fifi17
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- Alassea
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Réponse de Alassea sur le sujet Re: Trail des Aiguilles Rouges (50 km, 4000 m+)
Posted il y a 12 ans 1 mois #190909
Merci pour ton CR, j'ai eu beaucoup de plaisir à le lire! encore bravo ! belle gestion de course et bonne prépa en amont.
merci de nous avoir fait partager ce moment!
je pense que j'en serai en 2013...
merci de nous avoir fait partager ce moment!
je pense que j'en serai en 2013...
par Alassea
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