CR de la MilKil 2020
- ynwa
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Comment raconter une MilKil alors qu’on est habitué à raconter des courses à étapes ?
D’abord, il faut une bonne mémoire car point de CR quotidien n’est possible sous peine de réduire son temps de récupération. Ensuite, retrouver la chronologie des événements afin de conserver une certaine cohérence dans le propos. Enfin, ne pas inonder le lecteur de chiffres, de moyennes, de temps de passage, même si quelques uns viendront nécessairement éclairer le discours.
C'est quoi au fait la MilKil ? Une course en ligne de 1000km de Saint-Malo à Sète. Départ commun à 6h30 arrivées échelonnées jusqu'au 14ème jour 6h30. 39 partants.
Peut être courue en solo ou avec assistance ou un peu des deux.
Premier jour
Bon, nous voilà au départ, sur la plage du Sillon à Saint-Malo, nous sommes le dimanche 14 juin, il est 6h15 et l’incertitude de pouvoir prendre le départ ainsi que la « minimisation forcée de l’entraînement » font que l’appréhension n’est pas si grande que celle crainte. Pour cause de mesures sanitaires, nous n’avons pas pu nous retrouver longtemps avant le départ et la veille nous n’avons pas pu voir tout le monde et rester plusieurs heures à bavarder chaleureusement. D’un certain côté, ça m’a ôté toute sorte de pression, moi le débutant sur cette course mythique. Entouré de grands noms, de ceux qui ont écrit l’histoire de cette épopée, je n’ai qu’un souhait à ce moment-là, c’est de les rejoindre dans le gotha des MilKillers.
Les jours qui ont précédé ce grand départ j’ai appris que l’accompagnateur de Ludo, un coureur belge, se retrouvait libre car son coureur ne pouvait pas entrer sur le territoire français avant lundi et il ne souhaitait pas débuter la MilKil avec 48h de retard sachant toutefois que le chronométrage aurait tenu compte de ce décalage de deux jours. Je fus mis en liaison avec Jean-Paul avec qui je m’entendis aussitôt et nous décidâmes alors que je ne courrais pas en solo. Ce fut une libération car je m’étais entraîné à porter un sac assez lourd afin de ne manquer de rien et j’avais pointé plusieurs lieux d’arrivée où je devais dormir dans des hôtels. Mais aurais-je tenu la distance afin de les atteindre à temps ?
Je louai donc un petit utilitaire de 6 mètres cubes dans lequel j’installais mon lit de camp, et tout le matériel pour courir et me changer ainsi que toute l’intendance pour que mon suiveur puisse me ravitailler et me préparer à manger. Quand nous nous sommes retrouvés, nous nous sommes organisés, je lui ai dit mes attentes, il me suggéra d’autres petites choses et au bout du compte nous étions sur la même longueur d’onde.
Retour sur la plage, il est maintenant près de 6h30, heure H, le ciel est dégagé malgré quelques nuages et la température est assez agréable mais on nous a annoncé la possibilité d’avoir des averses. Pas le temps de bavarder et c’est le compte à rebours et le départ. On quitte le sable pour monter sur le quai et suivre la direction de Cancale. Je me sens bien dès les premières foulées et me retrouve déjà distancé par quelques fusées tout en étant quand même dans les 10-15 premiers. J’ai organisé ma journée de la façon suivante : un ravitaillement en liquide tous les 10 kilomètres, un en solide tous les 20 kilomètres, un arrêt repas léger au 40ème, un autre plus conséquent au 60ème, une petite collation au 80ème puis un vrai repas au 100ème. Selon l’avancée à cet endroit, je déciderais si je poursuis ou pas la journée. Je misais sur 120km le premier jour c’est à dire jusqu’à un peu avant Vitré.
Dans les faits, ce scénario est à peu près respecté jusqu’au sortir des polders, où je fais une pause repas juste après Beauvoir. La route menant de Saint-Malo à Cancale est agréable à suivre, il y a très peu de circulation, on rencontre quelques jeunes en fin de nuit dans un état alcoolisé certain – et dire qu’à Sète on risque de retrouver le même genre de fêtards selon l’heure à laquelle on passera - les paysages se laissent admirer, la côte et la mer sur la gauche, la campagne, ses champs et ses zones boisées sur la droite. La route se bosselle peu à peu et il faut se concentrer un peu plus pour ne pas passer dans la zone rouge, celle qui fait que la fatigue survient plus rapidement et sans prévenir. Je discute avec quelques concurrents que je connais pour la plupart, mais j’en découvre d’autres aussi. Au fil des bornes, une certaine hiérarchie s’installe, certes précaire car on ne sait pas de manière certaine si on va tenir ou craquer – mais il n’y a pas de surprise particulière. Stéphane me dépasse avant la sortie de Saint-Malo et c’est un plaisir d’échanger quelques mots avec lui car je sais que sauf gros pépin nous ne nous reverrons pas avant Sète. Avec d’autres coureurs nous allons faire de l’accordéon pendant plusieurs heures voire plusieurs jours selon la fréquence et la durée de nos arrêts respectifs. Sur les hauteurs, je réussis à apercevoir le Mont Saint-Michel où je devrais arriver quelques 5 heures plus tard. La descente après Cancale amène sur une route toute plate et je suis surpris d’apercevoir des kangourous dans un enclos et encore plus étonné de voir des lamas quelques kilomètres plus tard. On traverse la France, l’Australie ou le Pérou ? Peut-être les Pays-Bas aussi aurait-on pu se demander quand des moulins apparaissent sur notre parcours. Je me souviens m’être fait dépasser par des sioux lors de mon unique marathon du Mont-Saint-Michel, en 2000, est-ce l’effet des polders qui transforme la perception des choses ? Tout cela me divertis néanmoins et aide à faire passer le temps. Je retrouve comme prévu Jean-Paul pour des ravitaillements express et parfois un peu plus long quand il me propose une soupe de pâtes chinoises ou autre chose qui donne envie.
Jusqu’alors, le temps se tient au sec et il y a quand même une petite pluie rafraîchissante à un moment où la chaleur des zones non ombragées commence à se faire sentir. Un brumisateur géant, ça fait du bien. J’ai une hâte, celle d’en finir avec cette partie pour arriver à Beauvoir et quitter le parcours connu pour découvrir les 160 kilomètres en « terra incognita » cette portion de la MilKil que je n’ai jamais empruntée en courant jusqu’à Saint-Augustin des Bois où je dois retrouver mon terrain de jeu préféré, le parcours de la Transe Gaule.
Une photo sur le pont de Beauvoir avec le Mont en arrière plan et je rejoins mon assistant qui m’a préparé une collation un peu plus consistante tant la faim me titille. Je suis sur le même parking que Popol (Philippe Pollesel) avec qui j’échange quelques mots très cordiaux et je sens que nous sommes déjà chacun rentrés dans notre bulle. Auparavant, j’avais couru quelques hectomètres avec Annie Paringaux et Louis Fouquet, deux habitués déjà milkillers et ils étaient partis au train devant. Laurent Saint-Martin en solo me dépasse pendant que je mange tout comme Jean-Louis Vidal.
Après cet intermède régénérateur, je repars et me fais pointer au niveau de la biscuiterie Saint-Michel où après un dernier coup d’œil au Mont va commencer la vraie descente vers le sud et la Méditerranée. C’est un beau roman, c’est une belle histoire qui commence pour moi, mais pas sur la Nationale 7, juste sur la D275.
La météo annoncée au maussade va se vérifier, pour une fois qu’ils ne se trompent pas je vais y avoir droit. De longues heures durant je vais jouer à mettre puis ôter puis remettre mon vêtement en Gore-Tex qui certes arrête bien la pluie mais qui a aussi l’avantage de proposer une douche intérieure si bien que je me retrouve trempé par ma propre transpiration. Le principal est de ne pas avoir les chaussures gorgées d’eau ce qui entraînerait l’apparition trop précoces d’ampoules. Ce régime de douche écossaise va me faire arriver néanmoins à Saint-James puis Fougères où je franchis le dixième de la course. Kilomètre 100 ! Avec Jean-Paul, on se donne rendez-vous à la sortie dans trois ou quatre bornes pour un nouveau vrai repas et pour faire un point de la journée et opter pour une stratégie de course en soirée et de nuit. Gérard Habasque est là, avec ses filles comme accompagnatrices, juste de l’autre côté de la route où nous avons stoppé. Arrivé vers 20h15, je repars repu et en tenue de nuit avec l’objectif d’arriver à Vitré avant minuit pour y passer la nuit si j’en ressens le besoin. Le parcours est vallonné depuis Saint-James, kilomètre 80, où j’ai changé de chaussures car la première paire était trempée ; dans le crépuscule les pentes ne semblent pas aussi effrayantes qu’en plein jour. J’essuie une nouvelle douche froide et suis contraint de m’abriter dans l’entrée d’une maison abandonnée, l’eau ruisselle sur la route et ne permet pas de courir à moins d’un mètre du bas-côté. Comme la circulation en ce dimanche soir est peu intense, ça ne pose pas de soucis mais il faut anticiper et se « cacher » dans une entrée de chemin ou autre pour ne pas se faire éclabousser. La fatigue nerveuse et l’inconfort d’être tantôt trempé, tantôt sec, ne m’invitent pas à poursuivre trop longtemps mon avancée pour cette première journée et comme Jean-Paul commence sans doute aussi à avoir envie de dormir, nous trouvons un lieu à la sortie de Vitré sur un parking éclairé pour nous arrêter et passer la nuit. Il est minuit quinze. Premier test des installations : la douche solaire accrochée aux portes arrières du camion, de l’eau presque tiède, je me lave pendant que Jean-Paul prépare le couchage. Je dors sur mon lit de camp dans le camion avec mes valises glissées au-dessous et Jean-Paul dort à côté de mon lit sur son matelas. Il est minuit 15, nous sommes au kilomètre 132 environ et nous décidons de mettre le réveil à sonner pour 5h15. J’ai déjà préparé ma tenue pour le second volet de notre aventure.
Bilan du premier jour : 132km.
Deuxième jour
Je n’ai pas très bien dormi, j’ai eu froid alors quand je me réveille, c’est dur. Je me prépare, m’habille et ingurgite un petit déjeuner composé de café au lait et de pains au lait avec de la confiture. L’appétit n’est pas grand, alors je me force. Je finis de me mettre en tenue et quitte le camion à 6h05. Le temps est frais mais il est sec et mes premières foulées sont satisfaisantes. Pendant mon arrêt, je me suis fait dépasser par nombre de coureurs, mais je le savais alors je me mets en quête d’en remonter le plus possible. Je dois faire un arrêt technique de plusieurs minutes à la sortie d’Argentré-du-Plessis et je reprends le cours de mon aventure. A Gennes-sur-Seiche je décide de pousser jusqu’à Cuillé pour pouvoir me ravitailler en liquide et grignoter quelques aliments secs. Jean-Paul a trouvé un café d’ouvert où nous prenons un grand crème et des gâteaux et je mets ensuite le cap sur Craon qui constituera le premier vrai arrêt pour me restaurer plus convenablement. Les longues lignes droites sont fastidieuses et pour ne pas trop regarder à l’horizon je baisse ma casquette pour ne voir que les 50 mètres de devant tout en jetant de temps à autres un coup d’œil au paysage. Parfois je me fais surprendre en découvrant un copain de course arrêté pour se changer ou se ravitailler au détour d’un chemin. Il y a peu de circulation en ce lundi matin mais les quelques camions croisés brassent beaucoup d’air et me poussent à rester prudent. La traversée de Segré, kilomètres 188 à 190, n’est pas facile, il faut jongler entre les trottoirs, les giratoires, la sinuosité de la route principale et rester concentré sur le fléchage d’autant plus qu’au sortir de ce gros bourg, une déviation a été mise en place et nous rallonge de deux kilomètres environ. A Marans, je veux pousser jusqu’à Vern où je franchirai le 200ème kilomètre. Encore une grosse averse et je dois éviter les flaques sur la route, je cherche quelque abri sous des arbres, mais persévère pour m’arrêter à la sortie du village où m’attend Jean-Paul. Je me change, change aussi mes chaussures pour la suite que j’espère sans pluie. Je prends le temps de manger quelque chose, boire une soupe et avaler quelques morceaux de banane. Mon objectif du jour est au moins d’arriver jusqu’à Chalonnes où un dernier repas me préparera à passer le début de nuit sur la route. Il reste 30 kilomètres et ça doit pouvoir se faire en 4 heures. Comme il est 17h passées, j’ai bon espoir de voir la ville où j’ai résidé il y a 30 ans encore en plein jour avec un coucher de soleil en prime sur la Loire. Mais avant, il faut se coltiner cette interminable route droite vers La Pouëze puis Bécon-les-Granits et Saint-Augustin-des-Bois où je vais pouvoir courir dans mon jardin, c’est à dire sur le parcours de la TranseGaule. Ce sera la 10ème fois que j’emprunterai ce parcours. Quelques micro-ravitaillements sont nécessaires dans chacun des villages traversés pour continuer à avancer. Je n’ai pas de douleurs, juste des frottements du sac à dos qui piquent avec la sueur, mais je poursuis en me régalant des paysages et des souvenirs qu’ils suscitent. Combien de footings ai-je fait sur cette route et sur les îles de part et d’autre. Je franchis les ponts sur la Loire et rencontre Charles Payen juste avant de tourner à droite à l’entrée de Chalonnes. Il est Milkiller et sa visite me fait très plaisir car on se connaît depuis de nombreuses années et avons couru des TranseGaule, Loire Intégrale et Via Iberica ensemble. Un petit selfie et je repars vers mon camion qui m’attend pour le repas vers la sortie de la ville. Il est 21h30 quand je fais ma dernière pause repas de la journée. La météo semble s’être calmée, il n’y a plus de risque de pluie d’ici la nuit. Après une vingtaine de minutes d’arrêt, je repars en me donnant comme objectif d’aller le plus loin possible avant la nuit, pourquoi pas jusqu’à Beaulieu-sur-Layon. En fait, comme j’ai marché dans la montée vers la Haie Longue pour téléphoner à Pascale, j’ai perdu un peu de ma vivacité et le sommeil commence à se faire sentir. A 23h30, avec Jean-Paul, nous décidons de faire une halte pour la nuit sur une aire de pique-nique à Rochefort, au lieu-dit le Grand Beauvais. Nous avons fait 240 kilomètres environ depuis Saint-Malo, presque le quart de la MilKil !
Bilan du deuxième jour : 108km.
Troisième jour
La nuit fut telle à la précédente, j’ai eu froid, du mal à trouver une posture où je ne ressentais pas des douleurs aux jambes si bien qu’au petit matin, à 5h quand le réveil sonne, je suis encore dans les vapes. Petit déjeuner, mise en tenue et nouveau changement de chaussures, faut faire tourner les paires pour ne pas faire de jalouse. Je mets un coupe-vent dans la fraîcheur matinale et je commence ma journée de course vers 5h50. L’objectif du jour est d’atteindre Châtellerault mais rien n’est moins sûr car il va falloir se payer la route très dangereuse entre Doué et Loudun. Jean-Paul me tient au courant des positions des uns et des autres, je me suis fait dépasser mais comme la veille je vais remonter du monde. Certains sont déjà mal en point, d’autres ont abandonné, surtout des coureurs en solo pour qui ça doit vraiment être la galère. Je mesure ma chance d’avoir pu bénéficier de l’assistance de Jean-Paul. Je dépasse Alexandre Forestiéri plusieurs fois vainqueur de la MilKil mais qui semble en souffrance. J’ai aperçu Jean-Louis Vidal, Pierre-Henri Jouneaux et d’autres. Je fais un arrêt technique à Martigné-Briand, puis me restaure avant de viser Doué où je rêve de pouvoir manger un croque-monsieur ou quelque chose de salé ou des viennoiseries. La fin du parcours dans le Layon se passe bien, quelques côtes viennent pimenter l’aventure et de grandes routes sans ombre prennent la suite. Peu de véhicules fréquentent cette région à cette heure, mais quand on en croise, il faut rester sur ses gardes. Je passe le panneau Doué-la-Fontaine mais je sais d’expérience qu’il y a plus de 1500m pour être dans le centre de la ville. Je m’attends plus ou moins à voir des gens connus comme Rudy mais je me dis qu’il doit être en plein boum au zoo. Je me ravitaille brièvement à Doué, pas avec ce dont j’avais rêvé mais je me contente de ce que Jean-Paul me propose et décide qu’un vrai repas sera mieux positionné à Montreuil-Bellay où il y a des commerces et des restaurants. Mais, ce n’est pas facile de tournicoter dans une ville médiévale avec un fourgon et Jean-Paul s’est un peu égaré si bien que je me retrouve à la sortie de la ville sur la route de Loudun avant lui. Il me rattrape avant le dernier giratoire où il me ravitaille. On a fait 50km et je veux au moins en faire autant voire dix de plus d’ici la nuit. Je repars un peu avant 14h pour affronter la route de la mort. Que de camions ! Et à chaque fois que j’en croise un je dois tenir ma casquette d’une main, souvent je me réfugie sur le bas-côté au risque de me faire une entorse, parfois comme il pleut un peu je reçois des gerbes d’eau. Mais j’avance… Après plus de 2h de galère et une pause ravitaillement d’une dizaine de minutes, je tourne enfin pour prendre une petite route sinueuse et vallonnée mais qui permet de digérer ce mauvais plat de poids lourds. J’arrive à Loudun par un côté que je ne connais pas ce qui donne l’impression que le temps ne passe pas vite. Je sais qu’ensuite je vais retrouver avec une joie mesurée ma D14 chérie qui conduit à Châtellerault. On traverse Mont-sur-Guesnes, ville-étape de la TranseGaule où je n’ai pas assez faim pour m’arrêter manger et je poursuis jusqu’à Berthegon où je me ravitaille et change de tenue. En mode nuit qui tombe, je choisis l’option prudence en enfilant la veste de pluie car ça menace au loin et je risque à tout moment de me prendre une bonne douche. D’ailleurs ça ne tarde pas, les pronostics étaient bons et je me retrouve sous une forte averse au niveau de Sossay (ça ne s’invente pas) où je retrouve sous une aubette de bus Pierre-Henri Jouneaux qui s’y est réfugié depuis peu. J’attends quelques minutes puis croyant que le temps allait s’améliorer je repars mais n’ai-je pas fait cent mètres que la pluie redouble de violence, alors tant pis, je fonce quand même et ferai plus tard l’état des lieux. Je cours encore une heure, sèche un peu et décide d’un commun accord avec Jean-Paul de stopper là la journée. Il est 23h15. Jean-Paul, à ma demande avait réservé un hôtel à Châtellerault, ainsi, nous marquons notre point d’arrêt à la bombe, à Thuré devant la mairie, et nous filons en camionnette vers l’hôtel où une bonne douche chaude me réchauffe. La nuit dans un vrai lit devrait me redonner des forces pour la suite. J’ai déjà parcouru environ 348km. La journée n’a pas été si mauvaise que ça en terme de kilométrage.
Bilan du troisième jour : 108km.
Quatrième jour
Après une bonne nuit, trop courte, je me lève et me mets en tenue. Nous prenons le petit-déjeuner à l’hôtel et reprenons la route vers Thuré pour repartir de la marque laissée à la bombe la veille. Nous ne croisons personne, aucun coureur, et quand Jean-Paul fait le point des avancées individuelles nocturnes, je vois que j’ai pris un bon retard, mais je lui rappelle que mon objectif est quand même d’aller jusqu’à Sète et que le classement m’importe moins. Mais il a raison de me secouer un peu et ça me rassure car parfois j’ai l’impression qu’il est fatigué et je n’ose pas lui demander de poursuivre la route un peu plus longtemps. Mais comme on s’entend bien il n’y a pas de soucis.
Il est 6h50 quand je redémarre. Une heure de « perdue » dans les transferts, mais une nuit relativement régénératrice, quand on fera la balance en fin de journée on verra si ce fut une bonne chose. En tout cas, j’ai des jambes et reconnais immédiatement les lieux de mes passages antérieurs. Reste à bien traverser Châtellerault et à se retrouver sur la route de Targé. Ce n’est pas une mince affaire. Pour moi, ça va, je connais les lieux, mais en véhicule c’est plus délicat. Je suis rendu à la sortie de la ville et je n’ai toujours pas revu Jean-Paul, je ne m’inquiète pas. Je suis contraint à un arrêt technique en urgence et quand je repars, la pluie se met à tomber violemment. Je suis de nouveau trempé et la journée ne vient que de commencer. Je retrouve Jean-Paul un peu plus loin et on se donne rendez-vous à la sortie de la route de Senillé quand on rejoint notre chère D14, à 10 kilomètres de Pleumartin. J’effectue là un long arrêt pour bien m’alimenter et commence à préciser l’objectif du jour : l’idéal serait d’arriver à Saint-Sulpice-les-Feuilles, autre ville-étape de la TranseGaule. Je vais tout mettre en œuvre pour y parvenir. J’ai rattrapé Patrice Loquet qui était reparti de Pleumartin avant moi et comme mon allure de course était plus rapide que la sienne je le laissais, mais de toute façon, je n’aime pas courir avec d’autres personnes sauf de temps en temps pour bavarder quelques minutes. On a prévu de faire un ravitaillement à Angles-sur-l’Anglins, dans un restaurant si possible, mais Jean-Paul qui y est allé faire un tour en est revenu en disant qu’il n’y avait rien d’ouvert. Bon, je me contenterai des pâtes aux œufs brouillés dont je commence à me lasser et j’aspirerais plus à ce moment à dévorer un croque-monsieur ou quelque chose dans le genre. Je repars en ayant pour cible Le Blanc qui est au kilomètre 404. Les noms des villages chantent de bons souvenirs quand je les traverse, Fournioux, Asnières, Sauzelles, St-Aigny et j’arrive enfin à Le Blanc sachant que je ne traverserai pas la ville et que je ne verrai aucun commerce sur mon passage où j’aurais pu m’acheter une pâtisserie ou autre gourmandise. La pluie est revenue, pas franchement si bien que je joue un long moment à enfiler puis à retirer ma verte protectrice. Je passe devant le Centre Administratif de la Gendarmerie Nationale où je vois des militaires revenir de leur footing. La suite sera plus humide ce qui me contraindra à effectuer un nouvel arrêt à Mauvières afin de me changer. Je conserve néanmoins mes chaussures après avoir changé de chaussettes et essoré la semelle. Encore un gros marathon pour atteindre l’objectif du jour. Je repars, direction Belâbre puis le joli pont sur la Gartempe où je me souviens avoir été filmé par France 3 avec Ulrich Zach un coureur allemand lors d’une TranseGaule. Il y aura bientôt le ravitaillement de Chaillac où j’espère arriver avant la nuit pour pouvoir en repartir et dormir à Saint-Sulpice-les Feuilles. La route monte, je m’en rends compte car la succession de bosses est forte et j’ai l’impression que les montées sont plus longues que les descentes. Il est 20h, le soleil donne encore quand je passe Lignac et Jean-Paul m’informe que Pierre Henri a une demie-heure d’avance. Peu m’importe, peut-être le verrai-je à Chaillac où je me doute qu’en tant que coureur solo il ne va pas manquer de bien s’y restaurer, voire d’y prendre une douche et peut-être – j’en doute – d’y dormir. Je ne m’arrête qu’un quart d’heure à Chaillac, le temps de manger une salade et un steak avec des pommes de terre. Je n’ai pas envie de traîner là même si plein d’amis sont présents avec qui j’aurais pris trop de plaisir et de temps à parler. Mais je ne veux pas casser ma dynamique qui me pousse vers Beaulieu puis Saint-Sulpice. Je vois néanmoins Bob qui a abandonné blessé à une cuisse, et Pierre-Henri qui finit de se restaurer. La reprise de la course en mode nuit est sympa, la frontale éclaire la route et les arbres, des petits yeux brillants me regardent, ce sont des vaches, parfois des chats, d’autres « je ne sais pas » et il m’arrive de me faire peur quand dans un fourré j’entends un animal qui est aussi surpris que moi détaler en faisant bruisser le feuillage. Après Beaulieu, un bon coup de barre sape mon objectif et avec Jean-Paul, on décide de s’arrêter à Lareux où je sais qu’il y a un petit étang au bord duquel nous devrions être tranquilles. Il est 23h30, j’ai presque atteint les 450km. Le contrat du jour est presque respecté. On le finira demain.
Douche fraîche au cul du camion, il y a du vent et la bâche protectrice me permet simplement d’être caché à la vue des éventuels passants qui à minuit ne sont pas nombreux.
Bilan du quatrième jour : 101km.
Cinquième jour
Le rituel du lever fait de moi un automate : j’enfile ma tenue, je prends mon café au lait dans lequel je trempe des boudoirs, déguste un bol de lait froid avec des corn flakes et je pars, vers mon nouveau challenge. Pendant mon repos, des coureurs sont repassés devant. Qui ? Quand ? Je n’en tiens pas compte, je fais ma course pas la leur. On contrôlera plus tard s’il y a besoin. Aujourd’hui je souhaite au moins arriver jusqu’à Faux-la-Montagne, Peyrelevade étant un peu trop loin après. Donc si j’arrive à courir au-delà de Faux, je serai ravi. Les premiers kilomètres se déroulent bien, des flots de souvenirs me bercent dans une douce nostalgie, mes fantômes m’accompagnent, coureurs des 9 TranseGaule qui ont à un moment couru ici avec moi. Quand j’arrive à Saint-Sulpice, il est à peine 7h du matin, ça va faire une heure que j’ai repris. Là, le parcours habituel cède la place à la route plus directe et aussi, je le constate rapidement, beaucoup moins vallonnée. Il n’y a pas beaucoup de trafic et c’est assez plaisant. Je vais arriver à La Souterraine assez tôt. On s’arrête un peu avant pour me ravitailler. Je n’ai toujours aucune douleur, quelques gênes dans les chaussures dues aux frottements et auxquelles je reste vigilant pour ne pas avoir de mauvaise surprise. Les releveurs vont bien, les quadriceps ne sont plus douloureux, les mollets aussi. Tous les voyants sont au vert. Seul bémol, mon alimentation qui devient plus difficile car je n’ai plus de goût à certaines choses que j’ai fait acheter à Jean-Paul et ça m’ennuie car il se démène pour me faire à manger et je ne le fais que du bout des lèvres. Parfois il anticipe et prépare des petites douceurs que je prends beaucoup de plaisir à manger. Le fait de beaucoup boire et de beaucoup boire sucré doit avoir une incidence sur l’appétit, je l’ai déjà mesuré lors des 24 heures par exemple. A la Souterraine, ça fait vingt bornes que je suis reparti et il faut plusieurs kilomètres pour la traverser et se retrouver enfin sur les routes toutes calmes. Je ressens de plus en plus le besoin d’être ravitaillé plus fréquemment : un ravitaillement à Saint-Priest-la-Feuille, puis le profil se met peu à peu à s’élever, je monte « la Côte » puis passe Chamborand où je remange et recharge mes bouteilles puis Bénévent-L’Abbaye où à nouveau j’effectue un long arrêt. Encore dix bornes et j’aurai fait la moitié de la MilKil. Je me fais doubler par David Le Broc’h juste avant ce 500ème kilomètre au niveau de Leychameau où je m’arrête quelques minutes pour faire des photos, une petite vidéo et faire le point avec Jean-Paul qui est fatigué et à qui je propose de filer plusieurs kilomètres en avant afin de pouvoir dormir une ou deux heures. On se fixe un rendez-vous à Bourganeuf, vers la tour Zizim. Je serai en autonomie pendant tout ce temps, mais ça devrait pouvoir le faire sans problème. Me voilà reparti et il commence à faire chaud quand le soleil perce entre deux nuages. Jusque-là, la météo a été assez correcte, mais on reste toujours sous la menace d’un orage tant de gros nuages sombres nous entourent sur les hauteurs environnantes. Je mène ma barque comme il faut, gérant les divers reliefs, David me repasse devant, je l’avais dépassé lors d’un de ses nombreux temps de repos, et je ne le reverrai plus du tout une fois sur la route plus fréquentée qui conduit à Bourganeuf. J’allais atteindre le panneau d’entrée de cette ville quand soudain il se met à pleuvoir. Le temps de sortir ma veste de pluie et je suis déjà trempé et je trouve un abri sous un arbre, éphémère car les trombes d’eau balaient tout sur leur passage, je me faufile entre les flaques pour chercher un havre de paix en vain. Je décide d’avancer après avoir essayé de contacter Jean-Paul qui me dit qu’il est à l’entrée de la ville, donc pas loin. Je mets du temps à le rejoindre et la pluie a cessé quand j’arrive au camion. J’y pénètre et me change entièrement. Je vais aussi bien me ravitailler car je veux tenir jusqu’à Faux et il y a une longue montée vers Royère-de-Vassivière situé à un semi-marathon d’ici. Nouvelle tenue, nouvelles chaussures, le ventre plein, je repars. Cumulés, mes arrêts du jour dépassent déjà les 90 minutes et il ne faudrait pas que j’y prenne goût. Il est 17h20 quand je sors de la camionnette pour me diriger vers la suite de mon étape du jour. Je rencontre Patrick Kerzerho un coureur rencontré sur la Via Iberica. Il m’accompagne avec sa famille quelques hectomètres et ses encouragements font chaud au cœur. Il me laisse là où la pente est trop forte pour que je la monte en courant. Par la suite, le profil s’adoucit, la route descend même pendant un long moment avant de reprendre son inclinaison moyenne qui me permet de courir jusqu’à le Breuil puis le Compeix où je me ravitaille. Je dis à Jean-Paul d’avancer jusqu’à Royères où l’on fera le point. Il y a un point d’eau pour remplir les jerrycans et peut-être encore des commerces ouverts. Les paysages au crépuscule sont magnifiques, éclairés par un soleil timide souvent caché par de gros nuages menaçants. J’espère qu’il ne pleuvra plus car j’ai eu ma dose et je n’ai plus envie de jouer à enfiler mon coupe-vent. Je passe Royères non sans avoir un peu eu de mal à monter les derniers hectomètres où j’en ai profité pour donner des nouvelles en direct à Pascale par téléphone et je me retrouve dans la descente qui mène jusqu’au lac. Je dis à Jean-Paul d’avancer jusqu’à Faux-la-Montagne pour voir où s’installer au cas où je n’en pourrais plus. Je suis équipé en mode nuit et porte mon ravitaillement pour cette longue période. Au sortir des bords du lac, la montée vers Faux commence et une brume se lève progressivement. C’est beau, j’entends les oiseaux qui se préparent à dormir, j’en aperçois d’autres, prédateurs nocturnes, qui sont aux aguets et qui parfois sortent de leur antre pour fondre sur une proie, petit mulot ou grenouille. Je passe le banc des Gaulois et sais qu’il ne reste plus beaucoup de distance jusqu’à Faux où j’aperçois qu’un café est encore ouvert en contre bas de la route. Mais je n’ai pas envie d’y aller même si une petite bière m’aurait comblé. Il y a plus urgent, enfiler les bornes pour ne rien regretter après. A Faux, on décide de poursuivre au-delà de la sortie et Jean-Paul trouve après le lac une aire de stationnement où se trouve déjà un semi remorque transportant des billes de bois. On fait la halte ici, il est 23h15. Nous sommes au kilomètre 553 environ.
Je prends un semblant de douche dans les mêmes conditions que la veille avec la bâche qui vient se coller à moi telle un rideau de douche d’hôtel bon marché, mais ça fait du bien de se sentir propre quand on va se coucher. La nuit sera courte mais je vais essayer de m’endormir le plus rapidement possible.
Bilan du cinquième jour : 104km.
(à suivre)
D’abord, il faut une bonne mémoire car point de CR quotidien n’est possible sous peine de réduire son temps de récupération. Ensuite, retrouver la chronologie des événements afin de conserver une certaine cohérence dans le propos. Enfin, ne pas inonder le lecteur de chiffres, de moyennes, de temps de passage, même si quelques uns viendront nécessairement éclairer le discours.
C'est quoi au fait la MilKil ? Une course en ligne de 1000km de Saint-Malo à Sète. Départ commun à 6h30 arrivées échelonnées jusqu'au 14ème jour 6h30. 39 partants.
Peut être courue en solo ou avec assistance ou un peu des deux.
Premier jour
Bon, nous voilà au départ, sur la plage du Sillon à Saint-Malo, nous sommes le dimanche 14 juin, il est 6h15 et l’incertitude de pouvoir prendre le départ ainsi que la « minimisation forcée de l’entraînement » font que l’appréhension n’est pas si grande que celle crainte. Pour cause de mesures sanitaires, nous n’avons pas pu nous retrouver longtemps avant le départ et la veille nous n’avons pas pu voir tout le monde et rester plusieurs heures à bavarder chaleureusement. D’un certain côté, ça m’a ôté toute sorte de pression, moi le débutant sur cette course mythique. Entouré de grands noms, de ceux qui ont écrit l’histoire de cette épopée, je n’ai qu’un souhait à ce moment-là, c’est de les rejoindre dans le gotha des MilKillers.
Les jours qui ont précédé ce grand départ j’ai appris que l’accompagnateur de Ludo, un coureur belge, se retrouvait libre car son coureur ne pouvait pas entrer sur le territoire français avant lundi et il ne souhaitait pas débuter la MilKil avec 48h de retard sachant toutefois que le chronométrage aurait tenu compte de ce décalage de deux jours. Je fus mis en liaison avec Jean-Paul avec qui je m’entendis aussitôt et nous décidâmes alors que je ne courrais pas en solo. Ce fut une libération car je m’étais entraîné à porter un sac assez lourd afin de ne manquer de rien et j’avais pointé plusieurs lieux d’arrivée où je devais dormir dans des hôtels. Mais aurais-je tenu la distance afin de les atteindre à temps ?
Je louai donc un petit utilitaire de 6 mètres cubes dans lequel j’installais mon lit de camp, et tout le matériel pour courir et me changer ainsi que toute l’intendance pour que mon suiveur puisse me ravitailler et me préparer à manger. Quand nous nous sommes retrouvés, nous nous sommes organisés, je lui ai dit mes attentes, il me suggéra d’autres petites choses et au bout du compte nous étions sur la même longueur d’onde.
Retour sur la plage, il est maintenant près de 6h30, heure H, le ciel est dégagé malgré quelques nuages et la température est assez agréable mais on nous a annoncé la possibilité d’avoir des averses. Pas le temps de bavarder et c’est le compte à rebours et le départ. On quitte le sable pour monter sur le quai et suivre la direction de Cancale. Je me sens bien dès les premières foulées et me retrouve déjà distancé par quelques fusées tout en étant quand même dans les 10-15 premiers. J’ai organisé ma journée de la façon suivante : un ravitaillement en liquide tous les 10 kilomètres, un en solide tous les 20 kilomètres, un arrêt repas léger au 40ème, un autre plus conséquent au 60ème, une petite collation au 80ème puis un vrai repas au 100ème. Selon l’avancée à cet endroit, je déciderais si je poursuis ou pas la journée. Je misais sur 120km le premier jour c’est à dire jusqu’à un peu avant Vitré.
Dans les faits, ce scénario est à peu près respecté jusqu’au sortir des polders, où je fais une pause repas juste après Beauvoir. La route menant de Saint-Malo à Cancale est agréable à suivre, il y a très peu de circulation, on rencontre quelques jeunes en fin de nuit dans un état alcoolisé certain – et dire qu’à Sète on risque de retrouver le même genre de fêtards selon l’heure à laquelle on passera - les paysages se laissent admirer, la côte et la mer sur la gauche, la campagne, ses champs et ses zones boisées sur la droite. La route se bosselle peu à peu et il faut se concentrer un peu plus pour ne pas passer dans la zone rouge, celle qui fait que la fatigue survient plus rapidement et sans prévenir. Je discute avec quelques concurrents que je connais pour la plupart, mais j’en découvre d’autres aussi. Au fil des bornes, une certaine hiérarchie s’installe, certes précaire car on ne sait pas de manière certaine si on va tenir ou craquer – mais il n’y a pas de surprise particulière. Stéphane me dépasse avant la sortie de Saint-Malo et c’est un plaisir d’échanger quelques mots avec lui car je sais que sauf gros pépin nous ne nous reverrons pas avant Sète. Avec d’autres coureurs nous allons faire de l’accordéon pendant plusieurs heures voire plusieurs jours selon la fréquence et la durée de nos arrêts respectifs. Sur les hauteurs, je réussis à apercevoir le Mont Saint-Michel où je devrais arriver quelques 5 heures plus tard. La descente après Cancale amène sur une route toute plate et je suis surpris d’apercevoir des kangourous dans un enclos et encore plus étonné de voir des lamas quelques kilomètres plus tard. On traverse la France, l’Australie ou le Pérou ? Peut-être les Pays-Bas aussi aurait-on pu se demander quand des moulins apparaissent sur notre parcours. Je me souviens m’être fait dépasser par des sioux lors de mon unique marathon du Mont-Saint-Michel, en 2000, est-ce l’effet des polders qui transforme la perception des choses ? Tout cela me divertis néanmoins et aide à faire passer le temps. Je retrouve comme prévu Jean-Paul pour des ravitaillements express et parfois un peu plus long quand il me propose une soupe de pâtes chinoises ou autre chose qui donne envie.
Jusqu’alors, le temps se tient au sec et il y a quand même une petite pluie rafraîchissante à un moment où la chaleur des zones non ombragées commence à se faire sentir. Un brumisateur géant, ça fait du bien. J’ai une hâte, celle d’en finir avec cette partie pour arriver à Beauvoir et quitter le parcours connu pour découvrir les 160 kilomètres en « terra incognita » cette portion de la MilKil que je n’ai jamais empruntée en courant jusqu’à Saint-Augustin des Bois où je dois retrouver mon terrain de jeu préféré, le parcours de la Transe Gaule.
Une photo sur le pont de Beauvoir avec le Mont en arrière plan et je rejoins mon assistant qui m’a préparé une collation un peu plus consistante tant la faim me titille. Je suis sur le même parking que Popol (Philippe Pollesel) avec qui j’échange quelques mots très cordiaux et je sens que nous sommes déjà chacun rentrés dans notre bulle. Auparavant, j’avais couru quelques hectomètres avec Annie Paringaux et Louis Fouquet, deux habitués déjà milkillers et ils étaient partis au train devant. Laurent Saint-Martin en solo me dépasse pendant que je mange tout comme Jean-Louis Vidal.
Après cet intermède régénérateur, je repars et me fais pointer au niveau de la biscuiterie Saint-Michel où après un dernier coup d’œil au Mont va commencer la vraie descente vers le sud et la Méditerranée. C’est un beau roman, c’est une belle histoire qui commence pour moi, mais pas sur la Nationale 7, juste sur la D275.
La météo annoncée au maussade va se vérifier, pour une fois qu’ils ne se trompent pas je vais y avoir droit. De longues heures durant je vais jouer à mettre puis ôter puis remettre mon vêtement en Gore-Tex qui certes arrête bien la pluie mais qui a aussi l’avantage de proposer une douche intérieure si bien que je me retrouve trempé par ma propre transpiration. Le principal est de ne pas avoir les chaussures gorgées d’eau ce qui entraînerait l’apparition trop précoces d’ampoules. Ce régime de douche écossaise va me faire arriver néanmoins à Saint-James puis Fougères où je franchis le dixième de la course. Kilomètre 100 ! Avec Jean-Paul, on se donne rendez-vous à la sortie dans trois ou quatre bornes pour un nouveau vrai repas et pour faire un point de la journée et opter pour une stratégie de course en soirée et de nuit. Gérard Habasque est là, avec ses filles comme accompagnatrices, juste de l’autre côté de la route où nous avons stoppé. Arrivé vers 20h15, je repars repu et en tenue de nuit avec l’objectif d’arriver à Vitré avant minuit pour y passer la nuit si j’en ressens le besoin. Le parcours est vallonné depuis Saint-James, kilomètre 80, où j’ai changé de chaussures car la première paire était trempée ; dans le crépuscule les pentes ne semblent pas aussi effrayantes qu’en plein jour. J’essuie une nouvelle douche froide et suis contraint de m’abriter dans l’entrée d’une maison abandonnée, l’eau ruisselle sur la route et ne permet pas de courir à moins d’un mètre du bas-côté. Comme la circulation en ce dimanche soir est peu intense, ça ne pose pas de soucis mais il faut anticiper et se « cacher » dans une entrée de chemin ou autre pour ne pas se faire éclabousser. La fatigue nerveuse et l’inconfort d’être tantôt trempé, tantôt sec, ne m’invitent pas à poursuivre trop longtemps mon avancée pour cette première journée et comme Jean-Paul commence sans doute aussi à avoir envie de dormir, nous trouvons un lieu à la sortie de Vitré sur un parking éclairé pour nous arrêter et passer la nuit. Il est minuit quinze. Premier test des installations : la douche solaire accrochée aux portes arrières du camion, de l’eau presque tiède, je me lave pendant que Jean-Paul prépare le couchage. Je dors sur mon lit de camp dans le camion avec mes valises glissées au-dessous et Jean-Paul dort à côté de mon lit sur son matelas. Il est minuit 15, nous sommes au kilomètre 132 environ et nous décidons de mettre le réveil à sonner pour 5h15. J’ai déjà préparé ma tenue pour le second volet de notre aventure.
Bilan du premier jour : 132km.
Deuxième jour
Je n’ai pas très bien dormi, j’ai eu froid alors quand je me réveille, c’est dur. Je me prépare, m’habille et ingurgite un petit déjeuner composé de café au lait et de pains au lait avec de la confiture. L’appétit n’est pas grand, alors je me force. Je finis de me mettre en tenue et quitte le camion à 6h05. Le temps est frais mais il est sec et mes premières foulées sont satisfaisantes. Pendant mon arrêt, je me suis fait dépasser par nombre de coureurs, mais je le savais alors je me mets en quête d’en remonter le plus possible. Je dois faire un arrêt technique de plusieurs minutes à la sortie d’Argentré-du-Plessis et je reprends le cours de mon aventure. A Gennes-sur-Seiche je décide de pousser jusqu’à Cuillé pour pouvoir me ravitailler en liquide et grignoter quelques aliments secs. Jean-Paul a trouvé un café d’ouvert où nous prenons un grand crème et des gâteaux et je mets ensuite le cap sur Craon qui constituera le premier vrai arrêt pour me restaurer plus convenablement. Les longues lignes droites sont fastidieuses et pour ne pas trop regarder à l’horizon je baisse ma casquette pour ne voir que les 50 mètres de devant tout en jetant de temps à autres un coup d’œil au paysage. Parfois je me fais surprendre en découvrant un copain de course arrêté pour se changer ou se ravitailler au détour d’un chemin. Il y a peu de circulation en ce lundi matin mais les quelques camions croisés brassent beaucoup d’air et me poussent à rester prudent. La traversée de Segré, kilomètres 188 à 190, n’est pas facile, il faut jongler entre les trottoirs, les giratoires, la sinuosité de la route principale et rester concentré sur le fléchage d’autant plus qu’au sortir de ce gros bourg, une déviation a été mise en place et nous rallonge de deux kilomètres environ. A Marans, je veux pousser jusqu’à Vern où je franchirai le 200ème kilomètre. Encore une grosse averse et je dois éviter les flaques sur la route, je cherche quelque abri sous des arbres, mais persévère pour m’arrêter à la sortie du village où m’attend Jean-Paul. Je me change, change aussi mes chaussures pour la suite que j’espère sans pluie. Je prends le temps de manger quelque chose, boire une soupe et avaler quelques morceaux de banane. Mon objectif du jour est au moins d’arriver jusqu’à Chalonnes où un dernier repas me préparera à passer le début de nuit sur la route. Il reste 30 kilomètres et ça doit pouvoir se faire en 4 heures. Comme il est 17h passées, j’ai bon espoir de voir la ville où j’ai résidé il y a 30 ans encore en plein jour avec un coucher de soleil en prime sur la Loire. Mais avant, il faut se coltiner cette interminable route droite vers La Pouëze puis Bécon-les-Granits et Saint-Augustin-des-Bois où je vais pouvoir courir dans mon jardin, c’est à dire sur le parcours de la TranseGaule. Ce sera la 10ème fois que j’emprunterai ce parcours. Quelques micro-ravitaillements sont nécessaires dans chacun des villages traversés pour continuer à avancer. Je n’ai pas de douleurs, juste des frottements du sac à dos qui piquent avec la sueur, mais je poursuis en me régalant des paysages et des souvenirs qu’ils suscitent. Combien de footings ai-je fait sur cette route et sur les îles de part et d’autre. Je franchis les ponts sur la Loire et rencontre Charles Payen juste avant de tourner à droite à l’entrée de Chalonnes. Il est Milkiller et sa visite me fait très plaisir car on se connaît depuis de nombreuses années et avons couru des TranseGaule, Loire Intégrale et Via Iberica ensemble. Un petit selfie et je repars vers mon camion qui m’attend pour le repas vers la sortie de la ville. Il est 21h30 quand je fais ma dernière pause repas de la journée. La météo semble s’être calmée, il n’y a plus de risque de pluie d’ici la nuit. Après une vingtaine de minutes d’arrêt, je repars en me donnant comme objectif d’aller le plus loin possible avant la nuit, pourquoi pas jusqu’à Beaulieu-sur-Layon. En fait, comme j’ai marché dans la montée vers la Haie Longue pour téléphoner à Pascale, j’ai perdu un peu de ma vivacité et le sommeil commence à se faire sentir. A 23h30, avec Jean-Paul, nous décidons de faire une halte pour la nuit sur une aire de pique-nique à Rochefort, au lieu-dit le Grand Beauvais. Nous avons fait 240 kilomètres environ depuis Saint-Malo, presque le quart de la MilKil !
Bilan du deuxième jour : 108km.
Troisième jour
La nuit fut telle à la précédente, j’ai eu froid, du mal à trouver une posture où je ne ressentais pas des douleurs aux jambes si bien qu’au petit matin, à 5h quand le réveil sonne, je suis encore dans les vapes. Petit déjeuner, mise en tenue et nouveau changement de chaussures, faut faire tourner les paires pour ne pas faire de jalouse. Je mets un coupe-vent dans la fraîcheur matinale et je commence ma journée de course vers 5h50. L’objectif du jour est d’atteindre Châtellerault mais rien n’est moins sûr car il va falloir se payer la route très dangereuse entre Doué et Loudun. Jean-Paul me tient au courant des positions des uns et des autres, je me suis fait dépasser mais comme la veille je vais remonter du monde. Certains sont déjà mal en point, d’autres ont abandonné, surtout des coureurs en solo pour qui ça doit vraiment être la galère. Je mesure ma chance d’avoir pu bénéficier de l’assistance de Jean-Paul. Je dépasse Alexandre Forestiéri plusieurs fois vainqueur de la MilKil mais qui semble en souffrance. J’ai aperçu Jean-Louis Vidal, Pierre-Henri Jouneaux et d’autres. Je fais un arrêt technique à Martigné-Briand, puis me restaure avant de viser Doué où je rêve de pouvoir manger un croque-monsieur ou quelque chose de salé ou des viennoiseries. La fin du parcours dans le Layon se passe bien, quelques côtes viennent pimenter l’aventure et de grandes routes sans ombre prennent la suite. Peu de véhicules fréquentent cette région à cette heure, mais quand on en croise, il faut rester sur ses gardes. Je passe le panneau Doué-la-Fontaine mais je sais d’expérience qu’il y a plus de 1500m pour être dans le centre de la ville. Je m’attends plus ou moins à voir des gens connus comme Rudy mais je me dis qu’il doit être en plein boum au zoo. Je me ravitaille brièvement à Doué, pas avec ce dont j’avais rêvé mais je me contente de ce que Jean-Paul me propose et décide qu’un vrai repas sera mieux positionné à Montreuil-Bellay où il y a des commerces et des restaurants. Mais, ce n’est pas facile de tournicoter dans une ville médiévale avec un fourgon et Jean-Paul s’est un peu égaré si bien que je me retrouve à la sortie de la ville sur la route de Loudun avant lui. Il me rattrape avant le dernier giratoire où il me ravitaille. On a fait 50km et je veux au moins en faire autant voire dix de plus d’ici la nuit. Je repars un peu avant 14h pour affronter la route de la mort. Que de camions ! Et à chaque fois que j’en croise un je dois tenir ma casquette d’une main, souvent je me réfugie sur le bas-côté au risque de me faire une entorse, parfois comme il pleut un peu je reçois des gerbes d’eau. Mais j’avance… Après plus de 2h de galère et une pause ravitaillement d’une dizaine de minutes, je tourne enfin pour prendre une petite route sinueuse et vallonnée mais qui permet de digérer ce mauvais plat de poids lourds. J’arrive à Loudun par un côté que je ne connais pas ce qui donne l’impression que le temps ne passe pas vite. Je sais qu’ensuite je vais retrouver avec une joie mesurée ma D14 chérie qui conduit à Châtellerault. On traverse Mont-sur-Guesnes, ville-étape de la TranseGaule où je n’ai pas assez faim pour m’arrêter manger et je poursuis jusqu’à Berthegon où je me ravitaille et change de tenue. En mode nuit qui tombe, je choisis l’option prudence en enfilant la veste de pluie car ça menace au loin et je risque à tout moment de me prendre une bonne douche. D’ailleurs ça ne tarde pas, les pronostics étaient bons et je me retrouve sous une forte averse au niveau de Sossay (ça ne s’invente pas) où je retrouve sous une aubette de bus Pierre-Henri Jouneaux qui s’y est réfugié depuis peu. J’attends quelques minutes puis croyant que le temps allait s’améliorer je repars mais n’ai-je pas fait cent mètres que la pluie redouble de violence, alors tant pis, je fonce quand même et ferai plus tard l’état des lieux. Je cours encore une heure, sèche un peu et décide d’un commun accord avec Jean-Paul de stopper là la journée. Il est 23h15. Jean-Paul, à ma demande avait réservé un hôtel à Châtellerault, ainsi, nous marquons notre point d’arrêt à la bombe, à Thuré devant la mairie, et nous filons en camionnette vers l’hôtel où une bonne douche chaude me réchauffe. La nuit dans un vrai lit devrait me redonner des forces pour la suite. J’ai déjà parcouru environ 348km. La journée n’a pas été si mauvaise que ça en terme de kilométrage.
Bilan du troisième jour : 108km.
Quatrième jour
Après une bonne nuit, trop courte, je me lève et me mets en tenue. Nous prenons le petit-déjeuner à l’hôtel et reprenons la route vers Thuré pour repartir de la marque laissée à la bombe la veille. Nous ne croisons personne, aucun coureur, et quand Jean-Paul fait le point des avancées individuelles nocturnes, je vois que j’ai pris un bon retard, mais je lui rappelle que mon objectif est quand même d’aller jusqu’à Sète et que le classement m’importe moins. Mais il a raison de me secouer un peu et ça me rassure car parfois j’ai l’impression qu’il est fatigué et je n’ose pas lui demander de poursuivre la route un peu plus longtemps. Mais comme on s’entend bien il n’y a pas de soucis.
Il est 6h50 quand je redémarre. Une heure de « perdue » dans les transferts, mais une nuit relativement régénératrice, quand on fera la balance en fin de journée on verra si ce fut une bonne chose. En tout cas, j’ai des jambes et reconnais immédiatement les lieux de mes passages antérieurs. Reste à bien traverser Châtellerault et à se retrouver sur la route de Targé. Ce n’est pas une mince affaire. Pour moi, ça va, je connais les lieux, mais en véhicule c’est plus délicat. Je suis rendu à la sortie de la ville et je n’ai toujours pas revu Jean-Paul, je ne m’inquiète pas. Je suis contraint à un arrêt technique en urgence et quand je repars, la pluie se met à tomber violemment. Je suis de nouveau trempé et la journée ne vient que de commencer. Je retrouve Jean-Paul un peu plus loin et on se donne rendez-vous à la sortie de la route de Senillé quand on rejoint notre chère D14, à 10 kilomètres de Pleumartin. J’effectue là un long arrêt pour bien m’alimenter et commence à préciser l’objectif du jour : l’idéal serait d’arriver à Saint-Sulpice-les-Feuilles, autre ville-étape de la TranseGaule. Je vais tout mettre en œuvre pour y parvenir. J’ai rattrapé Patrice Loquet qui était reparti de Pleumartin avant moi et comme mon allure de course était plus rapide que la sienne je le laissais, mais de toute façon, je n’aime pas courir avec d’autres personnes sauf de temps en temps pour bavarder quelques minutes. On a prévu de faire un ravitaillement à Angles-sur-l’Anglins, dans un restaurant si possible, mais Jean-Paul qui y est allé faire un tour en est revenu en disant qu’il n’y avait rien d’ouvert. Bon, je me contenterai des pâtes aux œufs brouillés dont je commence à me lasser et j’aspirerais plus à ce moment à dévorer un croque-monsieur ou quelque chose dans le genre. Je repars en ayant pour cible Le Blanc qui est au kilomètre 404. Les noms des villages chantent de bons souvenirs quand je les traverse, Fournioux, Asnières, Sauzelles, St-Aigny et j’arrive enfin à Le Blanc sachant que je ne traverserai pas la ville et que je ne verrai aucun commerce sur mon passage où j’aurais pu m’acheter une pâtisserie ou autre gourmandise. La pluie est revenue, pas franchement si bien que je joue un long moment à enfiler puis à retirer ma verte protectrice. Je passe devant le Centre Administratif de la Gendarmerie Nationale où je vois des militaires revenir de leur footing. La suite sera plus humide ce qui me contraindra à effectuer un nouvel arrêt à Mauvières afin de me changer. Je conserve néanmoins mes chaussures après avoir changé de chaussettes et essoré la semelle. Encore un gros marathon pour atteindre l’objectif du jour. Je repars, direction Belâbre puis le joli pont sur la Gartempe où je me souviens avoir été filmé par France 3 avec Ulrich Zach un coureur allemand lors d’une TranseGaule. Il y aura bientôt le ravitaillement de Chaillac où j’espère arriver avant la nuit pour pouvoir en repartir et dormir à Saint-Sulpice-les Feuilles. La route monte, je m’en rends compte car la succession de bosses est forte et j’ai l’impression que les montées sont plus longues que les descentes. Il est 20h, le soleil donne encore quand je passe Lignac et Jean-Paul m’informe que Pierre Henri a une demie-heure d’avance. Peu m’importe, peut-être le verrai-je à Chaillac où je me doute qu’en tant que coureur solo il ne va pas manquer de bien s’y restaurer, voire d’y prendre une douche et peut-être – j’en doute – d’y dormir. Je ne m’arrête qu’un quart d’heure à Chaillac, le temps de manger une salade et un steak avec des pommes de terre. Je n’ai pas envie de traîner là même si plein d’amis sont présents avec qui j’aurais pris trop de plaisir et de temps à parler. Mais je ne veux pas casser ma dynamique qui me pousse vers Beaulieu puis Saint-Sulpice. Je vois néanmoins Bob qui a abandonné blessé à une cuisse, et Pierre-Henri qui finit de se restaurer. La reprise de la course en mode nuit est sympa, la frontale éclaire la route et les arbres, des petits yeux brillants me regardent, ce sont des vaches, parfois des chats, d’autres « je ne sais pas » et il m’arrive de me faire peur quand dans un fourré j’entends un animal qui est aussi surpris que moi détaler en faisant bruisser le feuillage. Après Beaulieu, un bon coup de barre sape mon objectif et avec Jean-Paul, on décide de s’arrêter à Lareux où je sais qu’il y a un petit étang au bord duquel nous devrions être tranquilles. Il est 23h30, j’ai presque atteint les 450km. Le contrat du jour est presque respecté. On le finira demain.
Douche fraîche au cul du camion, il y a du vent et la bâche protectrice me permet simplement d’être caché à la vue des éventuels passants qui à minuit ne sont pas nombreux.
Bilan du quatrième jour : 101km.
Cinquième jour
Le rituel du lever fait de moi un automate : j’enfile ma tenue, je prends mon café au lait dans lequel je trempe des boudoirs, déguste un bol de lait froid avec des corn flakes et je pars, vers mon nouveau challenge. Pendant mon repos, des coureurs sont repassés devant. Qui ? Quand ? Je n’en tiens pas compte, je fais ma course pas la leur. On contrôlera plus tard s’il y a besoin. Aujourd’hui je souhaite au moins arriver jusqu’à Faux-la-Montagne, Peyrelevade étant un peu trop loin après. Donc si j’arrive à courir au-delà de Faux, je serai ravi. Les premiers kilomètres se déroulent bien, des flots de souvenirs me bercent dans une douce nostalgie, mes fantômes m’accompagnent, coureurs des 9 TranseGaule qui ont à un moment couru ici avec moi. Quand j’arrive à Saint-Sulpice, il est à peine 7h du matin, ça va faire une heure que j’ai repris. Là, le parcours habituel cède la place à la route plus directe et aussi, je le constate rapidement, beaucoup moins vallonnée. Il n’y a pas beaucoup de trafic et c’est assez plaisant. Je vais arriver à La Souterraine assez tôt. On s’arrête un peu avant pour me ravitailler. Je n’ai toujours aucune douleur, quelques gênes dans les chaussures dues aux frottements et auxquelles je reste vigilant pour ne pas avoir de mauvaise surprise. Les releveurs vont bien, les quadriceps ne sont plus douloureux, les mollets aussi. Tous les voyants sont au vert. Seul bémol, mon alimentation qui devient plus difficile car je n’ai plus de goût à certaines choses que j’ai fait acheter à Jean-Paul et ça m’ennuie car il se démène pour me faire à manger et je ne le fais que du bout des lèvres. Parfois il anticipe et prépare des petites douceurs que je prends beaucoup de plaisir à manger. Le fait de beaucoup boire et de beaucoup boire sucré doit avoir une incidence sur l’appétit, je l’ai déjà mesuré lors des 24 heures par exemple. A la Souterraine, ça fait vingt bornes que je suis reparti et il faut plusieurs kilomètres pour la traverser et se retrouver enfin sur les routes toutes calmes. Je ressens de plus en plus le besoin d’être ravitaillé plus fréquemment : un ravitaillement à Saint-Priest-la-Feuille, puis le profil se met peu à peu à s’élever, je monte « la Côte » puis passe Chamborand où je remange et recharge mes bouteilles puis Bénévent-L’Abbaye où à nouveau j’effectue un long arrêt. Encore dix bornes et j’aurai fait la moitié de la MilKil. Je me fais doubler par David Le Broc’h juste avant ce 500ème kilomètre au niveau de Leychameau où je m’arrête quelques minutes pour faire des photos, une petite vidéo et faire le point avec Jean-Paul qui est fatigué et à qui je propose de filer plusieurs kilomètres en avant afin de pouvoir dormir une ou deux heures. On se fixe un rendez-vous à Bourganeuf, vers la tour Zizim. Je serai en autonomie pendant tout ce temps, mais ça devrait pouvoir le faire sans problème. Me voilà reparti et il commence à faire chaud quand le soleil perce entre deux nuages. Jusque-là, la météo a été assez correcte, mais on reste toujours sous la menace d’un orage tant de gros nuages sombres nous entourent sur les hauteurs environnantes. Je mène ma barque comme il faut, gérant les divers reliefs, David me repasse devant, je l’avais dépassé lors d’un de ses nombreux temps de repos, et je ne le reverrai plus du tout une fois sur la route plus fréquentée qui conduit à Bourganeuf. J’allais atteindre le panneau d’entrée de cette ville quand soudain il se met à pleuvoir. Le temps de sortir ma veste de pluie et je suis déjà trempé et je trouve un abri sous un arbre, éphémère car les trombes d’eau balaient tout sur leur passage, je me faufile entre les flaques pour chercher un havre de paix en vain. Je décide d’avancer après avoir essayé de contacter Jean-Paul qui me dit qu’il est à l’entrée de la ville, donc pas loin. Je mets du temps à le rejoindre et la pluie a cessé quand j’arrive au camion. J’y pénètre et me change entièrement. Je vais aussi bien me ravitailler car je veux tenir jusqu’à Faux et il y a une longue montée vers Royère-de-Vassivière situé à un semi-marathon d’ici. Nouvelle tenue, nouvelles chaussures, le ventre plein, je repars. Cumulés, mes arrêts du jour dépassent déjà les 90 minutes et il ne faudrait pas que j’y prenne goût. Il est 17h20 quand je sors de la camionnette pour me diriger vers la suite de mon étape du jour. Je rencontre Patrick Kerzerho un coureur rencontré sur la Via Iberica. Il m’accompagne avec sa famille quelques hectomètres et ses encouragements font chaud au cœur. Il me laisse là où la pente est trop forte pour que je la monte en courant. Par la suite, le profil s’adoucit, la route descend même pendant un long moment avant de reprendre son inclinaison moyenne qui me permet de courir jusqu’à le Breuil puis le Compeix où je me ravitaille. Je dis à Jean-Paul d’avancer jusqu’à Royères où l’on fera le point. Il y a un point d’eau pour remplir les jerrycans et peut-être encore des commerces ouverts. Les paysages au crépuscule sont magnifiques, éclairés par un soleil timide souvent caché par de gros nuages menaçants. J’espère qu’il ne pleuvra plus car j’ai eu ma dose et je n’ai plus envie de jouer à enfiler mon coupe-vent. Je passe Royères non sans avoir un peu eu de mal à monter les derniers hectomètres où j’en ai profité pour donner des nouvelles en direct à Pascale par téléphone et je me retrouve dans la descente qui mène jusqu’au lac. Je dis à Jean-Paul d’avancer jusqu’à Faux-la-Montagne pour voir où s’installer au cas où je n’en pourrais plus. Je suis équipé en mode nuit et porte mon ravitaillement pour cette longue période. Au sortir des bords du lac, la montée vers Faux commence et une brume se lève progressivement. C’est beau, j’entends les oiseaux qui se préparent à dormir, j’en aperçois d’autres, prédateurs nocturnes, qui sont aux aguets et qui parfois sortent de leur antre pour fondre sur une proie, petit mulot ou grenouille. Je passe le banc des Gaulois et sais qu’il ne reste plus beaucoup de distance jusqu’à Faux où j’aperçois qu’un café est encore ouvert en contre bas de la route. Mais je n’ai pas envie d’y aller même si une petite bière m’aurait comblé. Il y a plus urgent, enfiler les bornes pour ne rien regretter après. A Faux, on décide de poursuivre au-delà de la sortie et Jean-Paul trouve après le lac une aire de stationnement où se trouve déjà un semi remorque transportant des billes de bois. On fait la halte ici, il est 23h15. Nous sommes au kilomètre 553 environ.
Je prends un semblant de douche dans les mêmes conditions que la veille avec la bâche qui vient se coller à moi telle un rideau de douche d’hôtel bon marché, mais ça fait du bien de se sentir propre quand on va se coucher. La nuit sera courte mais je vais essayer de m’endormir le plus rapidement possible.
Bilan du cinquième jour : 104km.
(à suivre)
par ynwa
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(suite et fin)
Sixième jour
Au réveil, il est 5h et je me sens bien malgré le froid ressenti pendant la nuit. Je me dis qu’il faudra gonfler mon matelas de secours et le mettre sur mon lit de camp afin d’avoir une meilleure isolation la nuit prochaine. En attendant, je prends mon petit-déjeuner et enfile paresseusement ma tenue. Je me fixe de petits objectifs consécutifs sachant qu’il faudra arriver au moins jusqu’à Mauriac ce soir, l’idéal étant de dormir à Salers. Pas infaisable, mais il ne faudra pas musarder sur la route et comme je sais ce qui m’attend, j’en salive déjà. Donc il est 5h40 quand je mets les voiles. Dans l’aube naissante, je me régale de ce que je vois, les bois, les champs ou les prairies, le lac de Chamet et la route monte peu à peu vers Peyrelevade. Je fais un arrêt en urgence dans un champ, puis en profite pour me ravitailler et filer ensuite vers l’ancienne capitale de la TranseGaule. A Peyrelevade, je pensais m’arrêter prendre un petit-déjeuner avec des viennoiseries, mais à l’heure où nous passons, il n’y a rien d’ouvert, sauf le bar PMU qui ne vend même pas de quoi prendre autre chose qu’un café. Avec Jean-Paul on s’arrête un peu plus loin pour que je mange. On fait une pause route des … pauses, nom donné à la D21 à cet endroit. Dix minutes me suffisent et je pars à l’assaut du plateau de Millevaches qui se trouve à quelques kilomètres de là. Je me ravitaille de nouveau un peu avant d’être arrivé à l’intersection, puis au carrefour je jette un coup d’œil derrière à gauche pour admirer la chaîne des Puys encore auréolée de nuages plus ou moins menaçants. La route ondule jusqu’à Millevaches et un peu au-delà avant de descendre vars Meymac. On a rendez-vous à la fourche située à 4 kilomètres avant la ville. Comme ça fait plus de 4h30 que je suis reparti de Faux, la faim est plus forte et je prends le temps de bien m’alimenter surtout que Jean-Paul va me laisser jusqu’à la sortie de Meymac où il ira faire des courses dans un supermarché. Vingt minutes d’arrêts et tout revigoré je m’attaque à la montée vers cette petite ville touristique et assez fréquentée. J’y pénètre et une fois dans le centre, je me trompe de direction ayant mal interprété et le road-book et le fléchage. Quand je vois que je ne reconnais plus mon terrain de jeux, je fais demi-tour et retrouve enfin la vraie route. Je suis un peu désabusé et me mets à marcher. Je fais une pause en retirant de l’argent au distributeur puis en m’achetant des gâteaux et des boissons dans une excellente pâtisserie. Qu’ils sont bons les gâteaux locaux, à la crème et au chocolat ! Et les coca et orangina que je bois sont autant de plaisirs. Je suis de nouveau en pleine forme et pars vers la route de Combressol où je retrouve Jean-Paul qui m’a acheté plein de bonnes choses qu’on dégustera quand j’aurai de nouveau faim, soit vers Palisse à une vingtaine de kilomètres de Meymac. Sur cette petite route calme et vallonnée, je franchis les 600km à 13h15 soit à peine 24h après le passage des 500km et j’ai hâte d’arriver à Palisse. Là, j’ai une pensée pour Paulette, ancienne marraine de la TranseGaule chez qui on s’arrêtait naguère boire un coup en ne manquant pas de la saluer. Elle nous a quittés depuis plusieurs années, mais à chaque passage on pense bien à elle. Avec Jean-Paul on fait escale devant le fronton où deux cloches n’attendent qu’une chose, qu’on les fasse tinter. On s’abstient de le faire pour préparer des galettes garnies d’œufs, d’andouille, de knackis et de fromage râpé. J’en engloutis deux avant de finir par deux galettes au sucre. Le tout avec une bière, ainsi je vais pouvoir tenir jusqu’au bas de la descente de la Dordogne. Mais avant, on doit arriver à Neuvic et comme ça fait une demie heure qu’on s’est arrêtés, il ne va pas falloir traîner. Je file donc vers mon prochain objectif : le pont sur la Dordogne. Jean-Paul va pouvoir prendre de l’avance et se reposer en m’attendant. C’est long jusqu’à Neuvic et ça met du temps avant de vraiment descendre une fois que je suis sur la route plus fréquentée vers la Dordogne. Les sept derniers kilomètres sont vraiment en descente et je commence à ressentir une gêne dans mes chaussures ce qui ne me permet pas de dévaler aussi vite que je le souhaite et comme les quadriceps sont un peu endoloris, je cours à mon allure sans chercher à me surpasser. Un kilomètre avant le pont, Jean-Paul s’est installé. Je me ravitaille mais j’ai très envie de dormir. Je m’allonge et sommeille une bonne trentaine de minutes avant de repartir, franchir le pont et entamer la montée vers Mauriac. Quelques photos et vidéos prises sur le pont puis je rentre dans la côte : j’adore et mon allure est bonne, je suis régulier, j’évite d’alterner trop souvent la course et la marche sauf pour les virages en épingle mais j’accumule les kilomètres et ça fait du bien à la tête. J’arrive à la petite fourche – me remémore au passage Jacques Sirat, le cyclonomade, dormant dans son hamac au ravitaillement - où je prends une dernière petite collation avant Mauriac où je demande à Jean-Paul de trouver un restaurant où dîner. L’itinéraire quitte celui de la TranseGaule quelques kilomètres avant Mauriac et le rejoint plus loin en ayant permis d’éviter les camions et voitures qui roulent vite encore en cette fin de journée. Le restaurant trouvé par Jean-Paul est celui où nous allions dîner avec la TranseGaule les soirs des étapes se terminant à Mauriac. Ce n’est plus le même propriétaire, mais le menu est attrayant. Un sérieux panaché en guise d’apéritif, on prend un menu chacun mais c’est tellement copieux que je ne finis pas l’assiette de charcuterie pour pouvoir mieux déguster mon steak purée. On zappe le fromage qu’on emmène avec nous et on termine par une glace. Cet arrêt où je me change par la même occasion nous prend une heure dix et avec le repos de fin d’après-midi, je crains pour l’objectif du jour. Lionel Rivoire arrive au moment du dessert, il s’attable en salle et demande s’il peut dormir à l’hôtel mais pas dans une chambre pour ne pas avoir à payer trop cher. Enfin, il s’arrange comme il peut avec le patron. Il est 21h40 quand je cours de nouveau pour essayer d’arriver à Salers le plus tôt possible. Il n’en est rien, trop fatigués, Jean-Paul et moi nous décidons de nous arrêter à Nuzerolles au kilomètre 654 car le profil vallonné du parcours m’a fait perdre de ma capacité à relancer et j’ai pris goût à la marche en montée ce qui ne fait pas avancer véritablement le compteur. On s’installe, il est minuit, il faut se laver et se coucher. On verra demain pour compléter ce qui manque aujourd’hui.
Bilan du sixième jour : 101km
Septième jour
La nuit est mouvementée car je souffre de douleurs sourdes dues au repos, à la position allongée et je ne peux vraiment en trouver une bonne qui ne me fasse pas mal. Je me couvre bien, je n’ai pas froid et je dors jusqu’au réveil à 5h environ. Les préparatifs et rituels me prennent trois-quarts d’heure et je recommence à courir. Jean-Paul a consulté comme souvent le site SoluChrono pour vois où en sont les autres coureurs, il m’apprend que des abandons ont eu lieu, que des coureurs n’avancent plus bien vite et que d’autres sont passés devant comme Lionel et Patrice. Pierre-Henri est loin devant maintenant. Derrière, j’ai une bonne marge d’avance sur Alexandre et Mimi et les autres sont encore plus loin encore. Je vais essayer de revenir sur les deux plus proches de devant, comme il y a de la montagne et que je n’y suis pas « manchot », je ne devrais pas perdre de temps à défaut d’en gagner. Ma course est fluide, je n’ai pas trop de gêne aux pieds, je cours un peu plus sur les plantes depuis quelques jours ce qui modifie ma posture et ne provoque pas de tendinite comme cela peut arriver parfois. A Salers, je cherche en vain un endroit pour aller aux toilettes, tant pis, je vais dans des fourrés et une fois reparti je tombe sur des toilettes publiques. Tant pis, c’est trop tard. Je vois les accompagnateurs de Patrice et j’ai l’impression qu’ils font des pointages car quand j’arrive ils m’encouragent et repartent aussitôt vers l’avant où se trouve leur coureur. Je vais descendre la route « du Salers de la peur », « celle-qui-vous-nique-les-releveurs », ça tournicote dans tous les sens et au bout d’un moment ça se calme et ça descend normalement de telle manière que je n’ai pas à freiner simplement à me laisser porter par la pente. A Fontanges, je rattrape les deux acolytes Patrice et Lionel que je laisse sur place pour attaquer mon gâteau préféré : la montée vers le col du Légal. Plus de 500m de dénivelé positif en 9 kilomètres, ce n’est pas grand-chose, mais il faut quand même les monter. Je ne fais que de très courtes pauses où je marche et relance dès que je sens que mon allure faiblit. J’atteins le sommet à 9h25 et je m’y ravitaille rapidement constatant que les deux autres coureurs ne sont pas en vue. 9h40 et je file vers les deux cols suivants puis entame la route des crêtes ; J’ai bien chaud, il y a du soleil, l’ombre est rare quand la route n’est pas bordée d’arbres. Les différents paysages se laissent admirer et au détour de quelque virage on découvre les villages des vallées côté est ou côté ouest. A une dizaine de kilomètres d’Aurillac je me ravitaille une dernière fois avant la grande ville où je ne retrouverai Jean-Paul qu’à la sortie. Je me débrouillerai pour acheter si j’en ai besoin de quoi manger et boire. Je passe le 700ème kilomètre à 12h52, soit un peu moins de 24h après le 600ème. A certains endroits on a une vue plongeante sur Aurillac, la ville approche et la dernière descente assez raide vers la ville me rappelle les départs de l’ENILV (Ecole Nationale d’Industrie Laitière) lieu où nous faisions étape lors des TranseGaule « première génération ». Une fois dans la ville, je retrouve des lieux connus mais vite on quitte le parcours « habituel » pour aller au plus court mais pas au plus intéressant pour traverser la capitale du Cantal. Je trouve une boulangerie pâtisserie où j’achète une pizza et une quiche ainsi que deux cocas ; je me mets à l’ombre et m’assois pour manger tranquillement. Je repars vers la sortie interminable d’Aurillac et me fais héler par une personne qui me connaît : Florence Barbier, une amis de Dédé Caroff, un des participants (le plus âgé, 76 ans). Elle m’encourage et me prend en photo. Je repars et trouve enfin Jean-Paul qui est avec des amis à attendre mon passage. On se cale pour la suite et se donne rendez-vous à Arpajon-sur-Cère. Là, nous décidons que Jean-Paul avance par sauts de puce jusqu’à Sénilhès puis je lui demande de prendre encore plus d’avance pour pouvoir s’octroyer un temps de repos conséquent. Il m’attend après Sénilhès quand il faut quitter la route principale pour courir en toute tranquillité sur la petite route de Cabrespine jusqu’à Prunet où il me ravitaille à nouveau avant d’aller m’attendre plusieurs kilomètres plus loin. Je sera quelques temps en autonomie et je compte bien m’arrêter dans un commerce si j’en ressens le besoin. C’est ce que je vais faire à Lafeuillade-en-Vézie où une boulangerie-pâtisserie m’accueille avec un grand choix de gâteaux frais et de boissons. Je me fais plaisir et m’achète comme à Meymac la veille quelques spécialités locales. Les boissons trop fraîches mettent plus de temps à être ingurgitées, mais je suis bien calé et après avoir trouvé une poubelle pour me débarrasser des détritus, je repars en courant vers Cassaniouze à une quinzaine de kilomètres d’ici où nous devrions faire une halte repas et changement de tenue pour descendre vers le Lot dans le crépuscule. J’ai un peu chaud en ce milieu d’après-midi et l’ombre n’est pas fréquente mais la route est en descente et je n’ai pas à forcer pour courir, ça trotte tout seul. A Cassaniouze, j’espère trouver un restaurant, je sais qu’il y en a un dans le bourg où on est bien reçu d’après JB et Xavier qui y sont passés. Mais quand j’arrive au panneau d’entrée, je vois le camion garé avant le centre-bourg où Jean-Paul m’attend. Il n’a pas souhaité aller voir dans le centre du village de crainte de se perdre et de se retrouver bloqué avec le camion. Donc, en guise de repas au restaurant on se contentera de ce qu’il m’a préparé. J’ai apprécié de manger des lamelles de fromage d’hier de Mauriac sur des petites tartines de pain. Je mange aussi des pâtes avec des œufs brouillés qui passent moyennement, mais quand j’en ai fini de dîner, je suis arrivé à satiété. Je change de tenue et de chaussures pour la descente car j’ai un peu mal aux pieds et ne souhaite pas me faire d’ampoules ; ça picote quand même au niveau de certains orteils et sur les côtés là où la semelle de propreté frotte sur le bas du talon. Je n’ai pas encore d’ampoule, j’ai vérifié, je remets de la crème et repars donc revigoré vers le Lot et l’objectif du jour qui est d’arriver au moins à Conques-Faubourg à défaut de pouvoir atteindre St-Cyprien-sur-Dourdou, village-étape de la TranseGaule où je passerai pour la onzième fois (9 sur la TG et 1 lors de la TransEurope). La descente aurait pu être agréable, mais j’ai mal aux pieds à chaque foulée et suis obligé de me retenir car les quadriceps sont courbaturés. Je ne peux dévaler à 10 ou 12 comme parfois lors des TranseGaule et c’est très frustrant. La route est calme, quelques autos viennent troubler le silence d’où sortent parfois quelques chants d’oiseaux et aboiements de chiens des habitations rares aux alentours. Un petit ravitaillement en bas de descente juste avant le pont de Coursavy sur le Lot interdit aux véhicules qui doivent faire le tour. On arrive à Grand-Vabre, il reste environ 6 kilomètres avant Conques-Faubourg et 13 pour éventuellement aller jusqu’à St-Cyprien. La nuit est tombée, je suis en mode zombie et demande à Jean-Paul de trouver un endroit tranquille à Conques-Faubourg pour faire escale. Après d’infructueuses recherches il finit par trouver un parking à côté du camping qui est fermé. On dormira là au kilomètre 759 du road-book. Il est 23h30 et le temps de se laver et de se coucher, minuit est déjà passé.
Bilan du septième jour : 105km.
Huitième jour
Réveil 5h, petit-déjeuner, mise en tenue et début de la course à 5h43. Je pars dans le petit matin à l’assaut de Rodez et de la suite de la MilKil qui me fera quitter la route connue de la TranseGaule pour celle moins habituelle pour moi de la MilKil. Premier objectif, arriver à St-Cyprien-sur-Dourdou pour reprendre un petit déjeuner de complément. Cela tombe bien car je profite aussi des sanitaires de la place du village et quand je finis mon café, je peux tranquillement filer vers Marcillac où Jean-Paul doit m’attendre et y effectuer quelques achats. Je me suis débarrassé des vêtements trop chauds que j’avais enfilés car le soleil n’est certes pas encore apparu par dessus les hauteurs mais il commence à faire plus que bon. Je passe l’entrée de Marcillac et mon assistant aux petits oignons m’attend là un peu dépité car bloqué par le marché qui a lieu juste le jour de notre passage. Tant pis, ce qu’il me propose me convient parfaitement et je dévore les bouts de fromage – Cantal et Salers – comme un mort de faim. Je repars et il me retrouve à la sortie du village au pied de la terrible montée qui permet d’éviter la route très dangereuse vers Rodez. Là, il me dit qu’il retourne faire quelques achats sur le marché et qu’il me rattrapera pour me ravitailler. Je monte en marchant jusqu’au second lacet et comme la pente s’adoucit, je reprends alors la course. Les gens qui vont au marché en passant par cette route tranquille en font une route dangereuse du coup et je dois me méfier car ils ne savent pas forcément qu’il y a des coureurs dans le coin. Mais les Aveyronnais sont un peu fêlés du bocal quand ils ont un volant dans la main, ça, je l’ai appris au fil de mes passages dans la région. Une fois sur le plateau, Jean-Paul me retrouve et me ravitaille. On détermine la stratégie pour la suite de la journée : j’ai une énorme envie de poulet rôti – souvenirs des récits de Charles Payen lors de sa MilKil – et de chips. Mon accompagnateur préféré va prendre les devants pour effectuer ces achats à Rodez où l’on doit se retrouver dans quelques heures. Je connais la route, j’ai de quoi subvenir à mes besoins en boissons et aliments énergétiques jusque là-bas. Il me donne une banane et un pain aux raisins rassis – merci les vendeurs du marché de vous foutre de la gueule des clients – et je peux tailler la route. Sur le plateau bosselé il fait chaud par moments et l’ombre rare y est appréciée. J’atteins rapidement la partie trail de la MilKil, une portion de quelques centaines de mètres comme dans le lit d’un torrent tant il y a de grosses pierres roulées dans le chemin. Quand j’en finis avec cette partie, je ne suis pas encore sur la piste cyclable, mais elle n’est plus très loin et je pourrai ainsi courir sans être toujours sur mes gardes. J’ai chaud, le soleil me brûle les bras, je me protège bien la tête, et j’avance. Pas question de caler pour des bobos de chochottes, on fera les comptes ce soir où j’espère encore grappiller des bornes pour laisser la concurrence à distance et surtout pour me rapprocher de la barrière des 9 jours que Jean-Paul a réussi à me mettre dans la tête. C’est faisable, mais il ne faut pas que le prix à payer soit trop élevé. Je ne veux pas finir en charpie à Sète mais en bonne santé. Je pénètre dans Rodez, emprunte les trottoirs connus et me dirige sans difficultés si ce n’est la grosse montée que je fais en marchant vers le haut de Rodez là où on prend la direction de Le Monastère. Jean-Paul m’attend sur le bord de la rue qui descend vers le bourg, à cheval sur la chaussée. Il est midi. On va s’arrêter manger là, mais on doit déplacer un peu le véhicule pour ne pas gêner. Une fois installé sur ma chaise je peux découvrir le poulet rôti et les chips qui me faisaient tellement saliver. Je dévore deux cuisses et plusieurs petits paquets de chips tout en me déchirant les lèvres déjà brûlées par le soleil ; ça pique, ça saigne, mais comme j’ai faim ça n’est pas grave. Je passe 45 minutes à me ravitailler et je peux ensuite partir en direction de Flavin où j’aurai déjà passé la marque des 800km depuis peu. On quitte le parcours de la TranseGaule et je redécouvre cette nouvelle carte postale. J’en ai des souvenirs d’une grosse dizaine d’années quand j’avais couru les 84 premiers kilomètres de la MiniMilKil (200km de Rodez à Sète, organisée en parallèle à la MilKil en 2009). La route est assez vallonnée faisant de beau et longs lacets au niveau de La Capelle-Viaur, Connes et Trémouilles. Cette succession de montées et de descentes en plein soleil donne chaud mais comme il y a un peu de vent et que celui-ci vient de l’arrière, ce n’est pas si désagréable que ça. Sur les coups de 16h, on fait une petite halte d’une demie-heure pour me ravitailler, soigner mes ampoules et essayer de dormir un peu car je somnole un peu sur ces routes. 15 minutes suffisent. Je suis parfois entouré de champs d’éoliennes, on est sur les hauteurs et il y a du vent, donc ça tourne. On redescend vers le lac de Pareloup après être passé par Canet-de-Salars, ensuite vient Salles-Curan et puis Bouloc. Je suis impatient d’arriver en haut du col de Vernhette (1029m), encore un peu plus de deux bornes. J’anticipe sur la descente qui va être longue : comme mes pieds sont douloureux et que je ne veux pas aggraver leur état, je change de chaussures et en mets une paire où je glisse une semelle de propreté différente de celle d’origine. La seconde n’absorbe pas l’eau et reste donc sèche contrairement à celle d’origine que je suis parfois obligé d’essorer par grande sudation. Si la semelle est sèche, les chaussettes vont aussi le rester et les frottements n’en seront que réduits. La seule partie où je ne peux rien faire sinon de protéger les pieds ce sont les bords de ces semelles qui abrasent les côtés de part et d’autre de mes talons. J’ai mis des pansements protecteurs, on verra ce soir ce que ça donne. Le passage du col laisse peu à ; peu découvrir la vue sur le viaduc de Millau. Il est éclairé tout comme les éoliennes au loin sur les hauteurs qui clignotent d’abord en blanc et qui vont peu à peu passer en éclairage de nuit, rouge. Je ne suis qu’à une quinzaine de kilomètres de mon objectif minimal du jour qui est Saint-Rome-du-Tarn au moins, même si, je souhaiterais à ce moment commencer à monter vers Lauras. La descente vers le Tarn tout comme les deux longues vers la Dordogne puis le Lot n’est pas si facile que ça, car à chaque foulée je ressens une gêne, voire une douleur. J’ai adapté ma foulée et cours plus fréquemment sur les plantes et moins sur les talons ce qui atténue les mauvaises sensations, mais je sais que je risque de développer des tendinites de compensation si je ne reste pas concentré. J’ai déjà les mollets qui me « chatouillent » par endroit, une drôle d’impression au niveau des cous-de-pied qui n’est pas sans me rappeler les prémices des inflammations aux releveurs. Je ne focalise pas dessus plus que de raison et ça finit par passer. Tout est une question de gestion de la douleur et de l’importance à donner à certains symptômes. Mais celui qui s’arrête au moindre petit bobo, qui panique, qui angoisse en s’imaginant les pires choses risque fort de le développer encore plus. Alors, on « mord dans le bâton » et on taille la route. Ainsi après de longues minutes de descente et une non moins longue partie sinueuse dans le noir total – j’avais ma frontale en mode éco et je ne voyais pas aussi loin que lorsque la batterie était chargée à bloc - je parviens enfin à Saint-Rome-du-Tarn. Là, Jean-Paul m’attend, me ravitaille et après un petit débriefing on décide d’essayer de continuer un peu, au moins jusqu’à la sortie du village. La remontée dans Saint-Rome est jolie, un bar-restaurant est encore ouvert mais nous ne nous y arrêtons pas, plus loin les rues sont bordées de lumières bleues dans un sens et jaunes dans l’autre. Au bout de quelques minutes, la fatigue aidant on trouve un lieu où nous installer, le long d’une entreprise fermée. Je fais une petite toilette, prépare mes affaires pour le lendemain et me prépare à dormir non sans avoir soigné deux ampoules et remis des pansements protecteurs dessus. Il est minuit presque, et nous sommes au kilomètre 860 à peine.
Bilan du huitième jour : 101km. On n’a pas grappillé sur les moins de 9 jours. Tant pis.
Neuvième jour
5h le réveil me réveille. Comme un automate je procède à mes rituels et à 5h45 je repars dans la montée vers Lauras. Je cours bien, ne claudique pas trop car peu à peu les pieds prennent leur place dans les chaussures et ne me font pas mal. Les ampoules soignées la veille au coucher sont encore endormies. Ça monte jusqu’à Tiergues, bien connu des coureurs des 100km de Millau, puis ça descend jusqu’à Lauras où au sortir du village je fais un bref arrêt en urgence. Roquefort est à 3 kilomètres, il commence à y avoir des voitures qui circulent, les embauches de 8h sans doute. La route continue de monter jusqu’au col des Aiguières puis redescend tranquillement. On s’arrête un petit quart d’heure pour grignoter et boire, je reprends mon chemin vers St-Beaulize puis Fondamente, passe le col de Pérail où je recharge mes bouteilles puis file vers le Clapier. Je vais passer le 900ème kilomètre dont j’attends la marque au sol. Celle-ci apparaît au loin et je regarde l’heure qui m’indique qu’on est encore plus tôt que pour les 800. 12h09 aujourd’hui pour 12h50 hier. J’ai donc bien avancé malgré l’impression de me traîner. Cette impression, je la ressens depuis quelques jours : m’étant habitué à courir entre 9 et 10km/h à l’entraînement, la perception du temps et des distances est chamboulée là car je n’avance qu’entre 6,5 et 8km/h. Donc de 6 minutes à 6 minutes 40 pour faire un kilomètre, je suis descendu à des kilomètres qui durent entre 7 minutes 30 et 9 minutes. D’où cette impression d’être collé au bitume. De plus, la foulée est encore plus lourde malgré mes efforts pour rester sur les plantes et ne pas trop attaquer du talon. Mais de ne pas être arrêté permet d’engranger les bornes et au bout d’un moment le cumul est appréciable. On passe le Clapier puis on fait une pause déjeuner de trente minutes dans un virage à l’ombre. Je me restaure quand un quad passe suivi de deux chiens. Quelques temps plus tard, le quad repasse suivi d’une grosse centaine de moutons encadrée par les chiens qui viennent néanmoins quémander qui un bout de poulet qui un bout d’autre chose. Je regarde l’état des ampoules, change de chaussures en prévision de la rude et longue descente vers Lodève qui surviendra quand j’en aurai fini avec la future montée vers Roqueredonde et au-delà. Avant cela il faut descendre jusqu’au pont sur l’Orb où se trouve écrit sur le bitume « Les héros dans l’Hérault ». Là, ça monte pendant 7 kilomètres mais la pente n’est pas méchante, la route est souvent ombragée car c’est très boisé sur ces hauteurs et j’arrive au sommet pour une douzaine de kilomètres de descente assez marquée. Au début, j’ai du mal à me réhabituer à descendre et à être obligé de freiner pour ne pas me laisser emporter et me blesser, de plus les zones d’ombre sont rares selon l’orientation de la route. Le panorama en revanche est grandiose : on aperçoit la Méditerranée et on voit même Sète et le Mont Saint-Clair où je compte arriver avant demain midi. Il reste un peu plus de 80 kilomètres, ça va être trop juste de les faire avant demain matin 6h30 (synonyme de moins de 9 jours) mais on va essayer. Mais ça pique, ça torture les pieds, les orteils, je me demande si la prudence ne serait pas de ralentir encore plus sinon je vais déguster ce soir ou demain après l’arrivée. Pas de compromis, je file, pas très rapidement mais pas non plus trop lentement. Derrière, je ne sais pas où en sont les autres, et sachant qu’ils sont capables de ne pas dormir de la nuit, je choisis d’avancer coûte que coûte. C’est qu’au chrono j’ajoute l’ambition de la place. Pour l’instant virtuellement je suis 5ème derrière Stéphane, Annie et Rémi déjà arrivés et Pierre-Henri qui a trop d’avance et devrait en avoir fini en soirée. Reste Markus parti 48 heures après nous et qui pourrait jouer les trouble-fêtes et venir s’intercaler. C’est long de descendre en freinant, en contrôlant chaque foulée et en essayant quand même de regarder le paysage. J’arrive enfin à Lodève où je suis fatigué et où je décide de marcher jusqu’à ce que je trouve un commerce dans lequel je pourrai acheter de quoi manger et boire. Mais à l’heure de la sortie des classes, il n’y a rien d’ouvert dans ce patelin. Il faut monter en ville si on veut trouver des commerces, mais je n’en ai pas le temps préférant avancer. Je trouve néanmoins un bureau de tabac où j’achète 1,5l d’eau et deux cocas. Je vidange mes trois bouteilles de boissons tièdes et les remplace par de l’eau fraîche et je bois mes deux cocas qui sont tellement froids que j’en ai le hoquet. Je marche vers la sortie de la ville et je retrouve Jean-Paul que j’avais envoyé au devant afin qu’il puisse se reposer et prépare de quoi manger. On stoppe le long du Puech pour un arrêt ravitaillement et soin des pieds de presqu’une heure. Dans une quinzaine de kilomètres, il va falloir passer trois gués dont deux pourraient m’amener à déchausser, alors avec Jean-Paul on élabore un scénario : il m’attend juste avant de quitter la route principale, j’enfile des chaussures qui ne craignent rien et j’emmène les crocs que j’enfilerai pour passer dans l’eau. Il m’attendrait juste après et je referai le changement de chaussures. En réalité, comme je viens de changer mes pansements, je décide de courir avec une paire normale et de traverser les gués et si je me trempe les chaussures, j’en changerai tout simplement ainsi que les chaussettes. Le temps pour arriver aux gués est long car il faut passer d’abord par de petites routes vallonnées et bordées de vignes et de vieilles usines, en plein soleil, puis avant de retrouver la route principale je traverse une sorte de désert rouge où il devait y avoir de l’uranium. Sur la route principale il faut rester vigilant car le petit chemin qu’il faut prendre sera fléché mais il ne faudra pas rater le fléchage. J’arrive à l’endroit où nos routes se séparent avec Jean-Paul. Lui, va devoir contourner le lac pas Salasc et retrouver notre point de rendez-vous. Moi, je tourne à gauche et commence à me diriger vers les gués. Le premier se passe sans soucis car il est à sec, le second et inondé mais j’ai repéré sur la gauche un endroit plus étroit où il y a quelques pierres plates déjà disposées dans le lit du cours d’eau. J’en ajoute deux autres, grosses et plates, sur lesquelles je pose mes appuis sans me mouiller les pieds. Yes ! Encore un à passer. J’y arrive et là, c’est plus problématique à première vue mais j’aperçois des campeurs en amont et décide de me diriger vers ce qui semble être un passage possible. En effet, en déplaçant quelques grosses pierres je réussis à m’en faire des plots sur lesquels je pose mes pieds et réussis à traverser. Tout content je rejoins la route où je retrouve Jean-Paul. Un Jean-Paul à la mine déconfite. Il m’explique qu’il est en panne d’essence. Il me dit qu’il a appelé un taxi qui lui apportera un bidon de gasoil depuis Clermont-l’Hérault. Pas de panique, je vais me ravitailler, prendre de quoi tenir jusqu’à plus tard et il me rejoindra quand le problème sera résolu. Je file en pensant que mon objectif du jour est de passer après Clermont et même d’arriver jusqu’à Canet où il ne restera plus qu’un marathon à faire. Là, on avisera. On n’y est pas, mais ça met du piment pour la fin de la journée. J’ai l’équipement semi-nocturne avec moi et j’avance en regardant les familles plier leurs affaires après avoir passé une journée au bord du lac, les surfeurs ou véliplanchistes aussi remballent leur matos. Moi, je cours et je contemple les monticules de terre rouge sur lesquels des gens ont écrit leur prénom avec des cailloux blancs. Je croise un taxi à qui je fais un signe de la main, peut-être est-ce celui qui vient dépanner Jean-Paul, je poursuit et longtemps après je me faire rattraper par le dit taxi suivi de mon véhicule d’assistance en bon état de marche. Jean-Paul et le taxi vont à la station de Clermont et Jean-Paul me rejoindra là où je serai. Je passe donc soulagé le village de Liausson et file vers Clermont. À Clermont, peu avant l’entrée, l’itinéraire fait prendre les coureurs à gauche mais les véhicules n’y ont pas accès. Je n’ai pas vu Jean-Paul qui a dû filer vers le centre de Clermont. Il me retrouvera bien. Par contre, je commence à mettre la frontale et m’aperçois que ce n’est pas l’habituelle, celle-ci éclaire moins bien la route et je sens que les piles sont faiblardes. La route n’est pas facile à lire et les descentes comme les montées sont très raides. Je décide de marcher jusqu’à ce que ça se calme. Je contacte Jean-Paul pour lui donner rendez-vous au collège du Salagou à la sortie de Clermont où je le retrouve enfin. Nouveau ravitaillement et on décide de continuer jusqu’après Canet. La course en nocturne se passe bien, de rares voitures me croisent, le ciel est étoilé, j’aperçois au loin les lueurs des villes et villages environnants. J’arrive à Canet que je traverse et peu après avoir passé le pont suspendu sur l’Hérault, nous décidons de faire une pause pour dormir un peu. Il est minuit vingt. Je demande à Jean-Paul de mettre le réveil à sonner dans une heure pour repartir de plus belle et d’engranger les kilomètres avant le lever du jour. Je ne me change pas, je garde même mes chaussures aux pieds. Je me suis allongé sur mon lit de camp, recouvert de mon drap housse et de mon sac de couchage.
Nous somme au kilomètre 960. Il reste 40 kilomètres jusqu’à Sète.
Bilan du neuvième jour : 100km.
Dixième jour
Le réveil sonne et me tire de mon sommeil brusquement. Jean-Paul se lève et me prépare un petit-déjeuner. J’en profite pour faire la grasse matinée, mais je sais qu’il me faut du courage pour repartir.
Ce que je fais à 2h20 du matin.
Les sensations sont bonnes, je cours à un relativement bon rythme, ça pique, ça chauffe dans les chaussures mais il faut serrer les dents. Je profite de la beauté du ciel constellé de milliers d’astres et je suis surpris d’en voir qui bougent.Rectification mentale rapide pour me dire que ce sont des satellites, mais comme ils sont alignés, je suis intrigué. J’avais déjà assisté à ça une fois sans prendre conscience à l’époque de ce que c’était. J’ai appris qu’il s’agissait d’un train de satellites Starlink de la société SpaceX. Il passe toutes les nuits paraît-il, mais demain je préférerai dormir que de les attendre et les regarder passer. Plaissan, plus que 35 kilomètres. Il fait toujours nuit mais au loin je devine la côte ou tout au moins des villes proches de la côte. La route est tranquille mais n’arrête pas de monter et de descendre. Je n’en avais pas ce souvenir. Vers 4h du matin, nous faisons un ravitaillement de dix minutes pour reprendre un café et me réveiller, on est au sommet de la soi-disant ultime bosse avant Sète et il reste moins de 30 kilomètres. Allez Fab, accroche-toi ! On passe Villeveyrac km 975 vers 5h10, l’aube commence à poindre, suit Poussan à 17 kilomètres du but où je me repose 20 minutes pour me ravitailler et à la sortie de cette petite ville il est 6h30. Ça fait 9 jours que je suis parti de Saint-Malo, il reste 15 bornes, je dois m’accrocher. Je sais que derrière personne ne déboulera avant cet après-midi, j’ai constitué un bon petit matelas sur lequel je ne compte pas me reposer maintenant et je continue donc d’avancer. La circulation commence à devenir plus fréquente, des fêlés du volant enquillent ces routes tranquilles sans penser qu’il pouvait y avoir d’autres usagers – les héraultais sont aussi barges au volant d’un véhicule automobile que les aveyronnais. Tant pis s’ils viennent gonfler les statistiques des tués sur la route tant qu’ils le font tout seuls. J’atteins avec soulagement Balaruc-le-Vieux puis entre dans Balaruc-les Bains où le trafic routier est plus important. Bientôt le panneau 10 kilomètres. C’est long, en plein soleil, il y a de la voiture, je cours à droite sans voir qui peut venir derrière, j’hésite un moment à passer à gauche où il me semble apercevoir une piste cyclable en site propre. Mais ça va devoir me faire traverser le flot de véhicules ce qui ne semble pas être simple. Donc je reste sur la droite et peu à peu Sète se rapproche. Au panneau d’entrée, il reste 6km. Il n’est pas encore 8h30, je passe par la Pointe Courte petit port de pêche typique de la côte, j’emprunte le pont Sadi-Carnot et commence à courir sur le Quai du Bosc où Jean-Benoît me retrouve et m’accompagne pour me guider. Ça fait plaisir de le voir là et ça me rassure de n’avoir pas à regarder le road-book pour arriver en haut du Mont Saint-Clair. Je suis bien, je cours en zigzaguant entre les piétons sur des trottoirs un peu encombrés mais l’ambiance générale de cette matinée sètoise me plaît bien. C’est dû à l’euphorie de l’arrivée prochaine. On arrive rapidement au giratoire où l’on doit prendre à droite pour monter vers le Mont Saint-Clair. C’est « incourable » pour moi à ce moment tant la pente est forte et il faut en avoir monté une partie déjà pour pouvoir recourir. Mais de courte durée cette reprise de la course car une nouvelle rampe se présente où nous marchons de concert. Enfin à 1400 mètres du but le profil de la route s’aplatit et descend même jusqu’au site des Pierres Blanches. J’accélère alors pour finir en mode dynamique et escalader la volée de marches qui mène à l’étoile sur laquelle je pose le pied. L’émotion est là. Je remercie Jean-Benoît mais surtout Jean-Paul sans qui je n’aurais pas pu terminer aussi bien cette première MilKil. Congratulations entre MilKillers, félicitations des accompagnateurs présents, de Xavier, de Jean-Michel… Séance photos, bière d’arrivée. Ça y est je suis MilKiller !
Bilan de la dixième journée : 40km
Au total, je mets 9 jours 2 heures 54 minutes et 15 secondes pour les 1002km de l’itinéraire de la MilKil entre Saint-Malo et Sète. Je suis 5ème mais vais passer 6ème car Markus va arriver demain bien avant les 48 heures de décalage de nos départs respectifs.
à+ynwa
Sixième jour
Au réveil, il est 5h et je me sens bien malgré le froid ressenti pendant la nuit. Je me dis qu’il faudra gonfler mon matelas de secours et le mettre sur mon lit de camp afin d’avoir une meilleure isolation la nuit prochaine. En attendant, je prends mon petit-déjeuner et enfile paresseusement ma tenue. Je me fixe de petits objectifs consécutifs sachant qu’il faudra arriver au moins jusqu’à Mauriac ce soir, l’idéal étant de dormir à Salers. Pas infaisable, mais il ne faudra pas musarder sur la route et comme je sais ce qui m’attend, j’en salive déjà. Donc il est 5h40 quand je mets les voiles. Dans l’aube naissante, je me régale de ce que je vois, les bois, les champs ou les prairies, le lac de Chamet et la route monte peu à peu vers Peyrelevade. Je fais un arrêt en urgence dans un champ, puis en profite pour me ravitailler et filer ensuite vers l’ancienne capitale de la TranseGaule. A Peyrelevade, je pensais m’arrêter prendre un petit-déjeuner avec des viennoiseries, mais à l’heure où nous passons, il n’y a rien d’ouvert, sauf le bar PMU qui ne vend même pas de quoi prendre autre chose qu’un café. Avec Jean-Paul on s’arrête un peu plus loin pour que je mange. On fait une pause route des … pauses, nom donné à la D21 à cet endroit. Dix minutes me suffisent et je pars à l’assaut du plateau de Millevaches qui se trouve à quelques kilomètres de là. Je me ravitaille de nouveau un peu avant d’être arrivé à l’intersection, puis au carrefour je jette un coup d’œil derrière à gauche pour admirer la chaîne des Puys encore auréolée de nuages plus ou moins menaçants. La route ondule jusqu’à Millevaches et un peu au-delà avant de descendre vars Meymac. On a rendez-vous à la fourche située à 4 kilomètres avant la ville. Comme ça fait plus de 4h30 que je suis reparti de Faux, la faim est plus forte et je prends le temps de bien m’alimenter surtout que Jean-Paul va me laisser jusqu’à la sortie de Meymac où il ira faire des courses dans un supermarché. Vingt minutes d’arrêts et tout revigoré je m’attaque à la montée vers cette petite ville touristique et assez fréquentée. J’y pénètre et une fois dans le centre, je me trompe de direction ayant mal interprété et le road-book et le fléchage. Quand je vois que je ne reconnais plus mon terrain de jeux, je fais demi-tour et retrouve enfin la vraie route. Je suis un peu désabusé et me mets à marcher. Je fais une pause en retirant de l’argent au distributeur puis en m’achetant des gâteaux et des boissons dans une excellente pâtisserie. Qu’ils sont bons les gâteaux locaux, à la crème et au chocolat ! Et les coca et orangina que je bois sont autant de plaisirs. Je suis de nouveau en pleine forme et pars vers la route de Combressol où je retrouve Jean-Paul qui m’a acheté plein de bonnes choses qu’on dégustera quand j’aurai de nouveau faim, soit vers Palisse à une vingtaine de kilomètres de Meymac. Sur cette petite route calme et vallonnée, je franchis les 600km à 13h15 soit à peine 24h après le passage des 500km et j’ai hâte d’arriver à Palisse. Là, j’ai une pensée pour Paulette, ancienne marraine de la TranseGaule chez qui on s’arrêtait naguère boire un coup en ne manquant pas de la saluer. Elle nous a quittés depuis plusieurs années, mais à chaque passage on pense bien à elle. Avec Jean-Paul on fait escale devant le fronton où deux cloches n’attendent qu’une chose, qu’on les fasse tinter. On s’abstient de le faire pour préparer des galettes garnies d’œufs, d’andouille, de knackis et de fromage râpé. J’en engloutis deux avant de finir par deux galettes au sucre. Le tout avec une bière, ainsi je vais pouvoir tenir jusqu’au bas de la descente de la Dordogne. Mais avant, on doit arriver à Neuvic et comme ça fait une demie heure qu’on s’est arrêtés, il ne va pas falloir traîner. Je file donc vers mon prochain objectif : le pont sur la Dordogne. Jean-Paul va pouvoir prendre de l’avance et se reposer en m’attendant. C’est long jusqu’à Neuvic et ça met du temps avant de vraiment descendre une fois que je suis sur la route plus fréquentée vers la Dordogne. Les sept derniers kilomètres sont vraiment en descente et je commence à ressentir une gêne dans mes chaussures ce qui ne me permet pas de dévaler aussi vite que je le souhaite et comme les quadriceps sont un peu endoloris, je cours à mon allure sans chercher à me surpasser. Un kilomètre avant le pont, Jean-Paul s’est installé. Je me ravitaille mais j’ai très envie de dormir. Je m’allonge et sommeille une bonne trentaine de minutes avant de repartir, franchir le pont et entamer la montée vers Mauriac. Quelques photos et vidéos prises sur le pont puis je rentre dans la côte : j’adore et mon allure est bonne, je suis régulier, j’évite d’alterner trop souvent la course et la marche sauf pour les virages en épingle mais j’accumule les kilomètres et ça fait du bien à la tête. J’arrive à la petite fourche – me remémore au passage Jacques Sirat, le cyclonomade, dormant dans son hamac au ravitaillement - où je prends une dernière petite collation avant Mauriac où je demande à Jean-Paul de trouver un restaurant où dîner. L’itinéraire quitte celui de la TranseGaule quelques kilomètres avant Mauriac et le rejoint plus loin en ayant permis d’éviter les camions et voitures qui roulent vite encore en cette fin de journée. Le restaurant trouvé par Jean-Paul est celui où nous allions dîner avec la TranseGaule les soirs des étapes se terminant à Mauriac. Ce n’est plus le même propriétaire, mais le menu est attrayant. Un sérieux panaché en guise d’apéritif, on prend un menu chacun mais c’est tellement copieux que je ne finis pas l’assiette de charcuterie pour pouvoir mieux déguster mon steak purée. On zappe le fromage qu’on emmène avec nous et on termine par une glace. Cet arrêt où je me change par la même occasion nous prend une heure dix et avec le repos de fin d’après-midi, je crains pour l’objectif du jour. Lionel Rivoire arrive au moment du dessert, il s’attable en salle et demande s’il peut dormir à l’hôtel mais pas dans une chambre pour ne pas avoir à payer trop cher. Enfin, il s’arrange comme il peut avec le patron. Il est 21h40 quand je cours de nouveau pour essayer d’arriver à Salers le plus tôt possible. Il n’en est rien, trop fatigués, Jean-Paul et moi nous décidons de nous arrêter à Nuzerolles au kilomètre 654 car le profil vallonné du parcours m’a fait perdre de ma capacité à relancer et j’ai pris goût à la marche en montée ce qui ne fait pas avancer véritablement le compteur. On s’installe, il est minuit, il faut se laver et se coucher. On verra demain pour compléter ce qui manque aujourd’hui.
Bilan du sixième jour : 101km
Septième jour
La nuit est mouvementée car je souffre de douleurs sourdes dues au repos, à la position allongée et je ne peux vraiment en trouver une bonne qui ne me fasse pas mal. Je me couvre bien, je n’ai pas froid et je dors jusqu’au réveil à 5h environ. Les préparatifs et rituels me prennent trois-quarts d’heure et je recommence à courir. Jean-Paul a consulté comme souvent le site SoluChrono pour vois où en sont les autres coureurs, il m’apprend que des abandons ont eu lieu, que des coureurs n’avancent plus bien vite et que d’autres sont passés devant comme Lionel et Patrice. Pierre-Henri est loin devant maintenant. Derrière, j’ai une bonne marge d’avance sur Alexandre et Mimi et les autres sont encore plus loin encore. Je vais essayer de revenir sur les deux plus proches de devant, comme il y a de la montagne et que je n’y suis pas « manchot », je ne devrais pas perdre de temps à défaut d’en gagner. Ma course est fluide, je n’ai pas trop de gêne aux pieds, je cours un peu plus sur les plantes depuis quelques jours ce qui modifie ma posture et ne provoque pas de tendinite comme cela peut arriver parfois. A Salers, je cherche en vain un endroit pour aller aux toilettes, tant pis, je vais dans des fourrés et une fois reparti je tombe sur des toilettes publiques. Tant pis, c’est trop tard. Je vois les accompagnateurs de Patrice et j’ai l’impression qu’ils font des pointages car quand j’arrive ils m’encouragent et repartent aussitôt vers l’avant où se trouve leur coureur. Je vais descendre la route « du Salers de la peur », « celle-qui-vous-nique-les-releveurs », ça tournicote dans tous les sens et au bout d’un moment ça se calme et ça descend normalement de telle manière que je n’ai pas à freiner simplement à me laisser porter par la pente. A Fontanges, je rattrape les deux acolytes Patrice et Lionel que je laisse sur place pour attaquer mon gâteau préféré : la montée vers le col du Légal. Plus de 500m de dénivelé positif en 9 kilomètres, ce n’est pas grand-chose, mais il faut quand même les monter. Je ne fais que de très courtes pauses où je marche et relance dès que je sens que mon allure faiblit. J’atteins le sommet à 9h25 et je m’y ravitaille rapidement constatant que les deux autres coureurs ne sont pas en vue. 9h40 et je file vers les deux cols suivants puis entame la route des crêtes ; J’ai bien chaud, il y a du soleil, l’ombre est rare quand la route n’est pas bordée d’arbres. Les différents paysages se laissent admirer et au détour de quelque virage on découvre les villages des vallées côté est ou côté ouest. A une dizaine de kilomètres d’Aurillac je me ravitaille une dernière fois avant la grande ville où je ne retrouverai Jean-Paul qu’à la sortie. Je me débrouillerai pour acheter si j’en ai besoin de quoi manger et boire. Je passe le 700ème kilomètre à 12h52, soit un peu moins de 24h après le 600ème. A certains endroits on a une vue plongeante sur Aurillac, la ville approche et la dernière descente assez raide vers la ville me rappelle les départs de l’ENILV (Ecole Nationale d’Industrie Laitière) lieu où nous faisions étape lors des TranseGaule « première génération ». Une fois dans la ville, je retrouve des lieux connus mais vite on quitte le parcours « habituel » pour aller au plus court mais pas au plus intéressant pour traverser la capitale du Cantal. Je trouve une boulangerie pâtisserie où j’achète une pizza et une quiche ainsi que deux cocas ; je me mets à l’ombre et m’assois pour manger tranquillement. Je repars vers la sortie interminable d’Aurillac et me fais héler par une personne qui me connaît : Florence Barbier, une amis de Dédé Caroff, un des participants (le plus âgé, 76 ans). Elle m’encourage et me prend en photo. Je repars et trouve enfin Jean-Paul qui est avec des amis à attendre mon passage. On se cale pour la suite et se donne rendez-vous à Arpajon-sur-Cère. Là, nous décidons que Jean-Paul avance par sauts de puce jusqu’à Sénilhès puis je lui demande de prendre encore plus d’avance pour pouvoir s’octroyer un temps de repos conséquent. Il m’attend après Sénilhès quand il faut quitter la route principale pour courir en toute tranquillité sur la petite route de Cabrespine jusqu’à Prunet où il me ravitaille à nouveau avant d’aller m’attendre plusieurs kilomètres plus loin. Je sera quelques temps en autonomie et je compte bien m’arrêter dans un commerce si j’en ressens le besoin. C’est ce que je vais faire à Lafeuillade-en-Vézie où une boulangerie-pâtisserie m’accueille avec un grand choix de gâteaux frais et de boissons. Je me fais plaisir et m’achète comme à Meymac la veille quelques spécialités locales. Les boissons trop fraîches mettent plus de temps à être ingurgitées, mais je suis bien calé et après avoir trouvé une poubelle pour me débarrasser des détritus, je repars en courant vers Cassaniouze à une quinzaine de kilomètres d’ici où nous devrions faire une halte repas et changement de tenue pour descendre vers le Lot dans le crépuscule. J’ai un peu chaud en ce milieu d’après-midi et l’ombre n’est pas fréquente mais la route est en descente et je n’ai pas à forcer pour courir, ça trotte tout seul. A Cassaniouze, j’espère trouver un restaurant, je sais qu’il y en a un dans le bourg où on est bien reçu d’après JB et Xavier qui y sont passés. Mais quand j’arrive au panneau d’entrée, je vois le camion garé avant le centre-bourg où Jean-Paul m’attend. Il n’a pas souhaité aller voir dans le centre du village de crainte de se perdre et de se retrouver bloqué avec le camion. Donc, en guise de repas au restaurant on se contentera de ce qu’il m’a préparé. J’ai apprécié de manger des lamelles de fromage d’hier de Mauriac sur des petites tartines de pain. Je mange aussi des pâtes avec des œufs brouillés qui passent moyennement, mais quand j’en ai fini de dîner, je suis arrivé à satiété. Je change de tenue et de chaussures pour la descente car j’ai un peu mal aux pieds et ne souhaite pas me faire d’ampoules ; ça picote quand même au niveau de certains orteils et sur les côtés là où la semelle de propreté frotte sur le bas du talon. Je n’ai pas encore d’ampoule, j’ai vérifié, je remets de la crème et repars donc revigoré vers le Lot et l’objectif du jour qui est d’arriver au moins à Conques-Faubourg à défaut de pouvoir atteindre St-Cyprien-sur-Dourdou, village-étape de la TranseGaule où je passerai pour la onzième fois (9 sur la TG et 1 lors de la TransEurope). La descente aurait pu être agréable, mais j’ai mal aux pieds à chaque foulée et suis obligé de me retenir car les quadriceps sont courbaturés. Je ne peux dévaler à 10 ou 12 comme parfois lors des TranseGaule et c’est très frustrant. La route est calme, quelques autos viennent troubler le silence d’où sortent parfois quelques chants d’oiseaux et aboiements de chiens des habitations rares aux alentours. Un petit ravitaillement en bas de descente juste avant le pont de Coursavy sur le Lot interdit aux véhicules qui doivent faire le tour. On arrive à Grand-Vabre, il reste environ 6 kilomètres avant Conques-Faubourg et 13 pour éventuellement aller jusqu’à St-Cyprien. La nuit est tombée, je suis en mode zombie et demande à Jean-Paul de trouver un endroit tranquille à Conques-Faubourg pour faire escale. Après d’infructueuses recherches il finit par trouver un parking à côté du camping qui est fermé. On dormira là au kilomètre 759 du road-book. Il est 23h30 et le temps de se laver et de se coucher, minuit est déjà passé.
Bilan du septième jour : 105km.
Huitième jour
Réveil 5h, petit-déjeuner, mise en tenue et début de la course à 5h43. Je pars dans le petit matin à l’assaut de Rodez et de la suite de la MilKil qui me fera quitter la route connue de la TranseGaule pour celle moins habituelle pour moi de la MilKil. Premier objectif, arriver à St-Cyprien-sur-Dourdou pour reprendre un petit déjeuner de complément. Cela tombe bien car je profite aussi des sanitaires de la place du village et quand je finis mon café, je peux tranquillement filer vers Marcillac où Jean-Paul doit m’attendre et y effectuer quelques achats. Je me suis débarrassé des vêtements trop chauds que j’avais enfilés car le soleil n’est certes pas encore apparu par dessus les hauteurs mais il commence à faire plus que bon. Je passe l’entrée de Marcillac et mon assistant aux petits oignons m’attend là un peu dépité car bloqué par le marché qui a lieu juste le jour de notre passage. Tant pis, ce qu’il me propose me convient parfaitement et je dévore les bouts de fromage – Cantal et Salers – comme un mort de faim. Je repars et il me retrouve à la sortie du village au pied de la terrible montée qui permet d’éviter la route très dangereuse vers Rodez. Là, il me dit qu’il retourne faire quelques achats sur le marché et qu’il me rattrapera pour me ravitailler. Je monte en marchant jusqu’au second lacet et comme la pente s’adoucit, je reprends alors la course. Les gens qui vont au marché en passant par cette route tranquille en font une route dangereuse du coup et je dois me méfier car ils ne savent pas forcément qu’il y a des coureurs dans le coin. Mais les Aveyronnais sont un peu fêlés du bocal quand ils ont un volant dans la main, ça, je l’ai appris au fil de mes passages dans la région. Une fois sur le plateau, Jean-Paul me retrouve et me ravitaille. On détermine la stratégie pour la suite de la journée : j’ai une énorme envie de poulet rôti – souvenirs des récits de Charles Payen lors de sa MilKil – et de chips. Mon accompagnateur préféré va prendre les devants pour effectuer ces achats à Rodez où l’on doit se retrouver dans quelques heures. Je connais la route, j’ai de quoi subvenir à mes besoins en boissons et aliments énergétiques jusque là-bas. Il me donne une banane et un pain aux raisins rassis – merci les vendeurs du marché de vous foutre de la gueule des clients – et je peux tailler la route. Sur le plateau bosselé il fait chaud par moments et l’ombre rare y est appréciée. J’atteins rapidement la partie trail de la MilKil, une portion de quelques centaines de mètres comme dans le lit d’un torrent tant il y a de grosses pierres roulées dans le chemin. Quand j’en finis avec cette partie, je ne suis pas encore sur la piste cyclable, mais elle n’est plus très loin et je pourrai ainsi courir sans être toujours sur mes gardes. J’ai chaud, le soleil me brûle les bras, je me protège bien la tête, et j’avance. Pas question de caler pour des bobos de chochottes, on fera les comptes ce soir où j’espère encore grappiller des bornes pour laisser la concurrence à distance et surtout pour me rapprocher de la barrière des 9 jours que Jean-Paul a réussi à me mettre dans la tête. C’est faisable, mais il ne faut pas que le prix à payer soit trop élevé. Je ne veux pas finir en charpie à Sète mais en bonne santé. Je pénètre dans Rodez, emprunte les trottoirs connus et me dirige sans difficultés si ce n’est la grosse montée que je fais en marchant vers le haut de Rodez là où on prend la direction de Le Monastère. Jean-Paul m’attend sur le bord de la rue qui descend vers le bourg, à cheval sur la chaussée. Il est midi. On va s’arrêter manger là, mais on doit déplacer un peu le véhicule pour ne pas gêner. Une fois installé sur ma chaise je peux découvrir le poulet rôti et les chips qui me faisaient tellement saliver. Je dévore deux cuisses et plusieurs petits paquets de chips tout en me déchirant les lèvres déjà brûlées par le soleil ; ça pique, ça saigne, mais comme j’ai faim ça n’est pas grave. Je passe 45 minutes à me ravitailler et je peux ensuite partir en direction de Flavin où j’aurai déjà passé la marque des 800km depuis peu. On quitte le parcours de la TranseGaule et je redécouvre cette nouvelle carte postale. J’en ai des souvenirs d’une grosse dizaine d’années quand j’avais couru les 84 premiers kilomètres de la MiniMilKil (200km de Rodez à Sète, organisée en parallèle à la MilKil en 2009). La route est assez vallonnée faisant de beau et longs lacets au niveau de La Capelle-Viaur, Connes et Trémouilles. Cette succession de montées et de descentes en plein soleil donne chaud mais comme il y a un peu de vent et que celui-ci vient de l’arrière, ce n’est pas si désagréable que ça. Sur les coups de 16h, on fait une petite halte d’une demie-heure pour me ravitailler, soigner mes ampoules et essayer de dormir un peu car je somnole un peu sur ces routes. 15 minutes suffisent. Je suis parfois entouré de champs d’éoliennes, on est sur les hauteurs et il y a du vent, donc ça tourne. On redescend vers le lac de Pareloup après être passé par Canet-de-Salars, ensuite vient Salles-Curan et puis Bouloc. Je suis impatient d’arriver en haut du col de Vernhette (1029m), encore un peu plus de deux bornes. J’anticipe sur la descente qui va être longue : comme mes pieds sont douloureux et que je ne veux pas aggraver leur état, je change de chaussures et en mets une paire où je glisse une semelle de propreté différente de celle d’origine. La seconde n’absorbe pas l’eau et reste donc sèche contrairement à celle d’origine que je suis parfois obligé d’essorer par grande sudation. Si la semelle est sèche, les chaussettes vont aussi le rester et les frottements n’en seront que réduits. La seule partie où je ne peux rien faire sinon de protéger les pieds ce sont les bords de ces semelles qui abrasent les côtés de part et d’autre de mes talons. J’ai mis des pansements protecteurs, on verra ce soir ce que ça donne. Le passage du col laisse peu à ; peu découvrir la vue sur le viaduc de Millau. Il est éclairé tout comme les éoliennes au loin sur les hauteurs qui clignotent d’abord en blanc et qui vont peu à peu passer en éclairage de nuit, rouge. Je ne suis qu’à une quinzaine de kilomètres de mon objectif minimal du jour qui est Saint-Rome-du-Tarn au moins, même si, je souhaiterais à ce moment commencer à monter vers Lauras. La descente vers le Tarn tout comme les deux longues vers la Dordogne puis le Lot n’est pas si facile que ça, car à chaque foulée je ressens une gêne, voire une douleur. J’ai adapté ma foulée et cours plus fréquemment sur les plantes et moins sur les talons ce qui atténue les mauvaises sensations, mais je sais que je risque de développer des tendinites de compensation si je ne reste pas concentré. J’ai déjà les mollets qui me « chatouillent » par endroit, une drôle d’impression au niveau des cous-de-pied qui n’est pas sans me rappeler les prémices des inflammations aux releveurs. Je ne focalise pas dessus plus que de raison et ça finit par passer. Tout est une question de gestion de la douleur et de l’importance à donner à certains symptômes. Mais celui qui s’arrête au moindre petit bobo, qui panique, qui angoisse en s’imaginant les pires choses risque fort de le développer encore plus. Alors, on « mord dans le bâton » et on taille la route. Ainsi après de longues minutes de descente et une non moins longue partie sinueuse dans le noir total – j’avais ma frontale en mode éco et je ne voyais pas aussi loin que lorsque la batterie était chargée à bloc - je parviens enfin à Saint-Rome-du-Tarn. Là, Jean-Paul m’attend, me ravitaille et après un petit débriefing on décide d’essayer de continuer un peu, au moins jusqu’à la sortie du village. La remontée dans Saint-Rome est jolie, un bar-restaurant est encore ouvert mais nous ne nous y arrêtons pas, plus loin les rues sont bordées de lumières bleues dans un sens et jaunes dans l’autre. Au bout de quelques minutes, la fatigue aidant on trouve un lieu où nous installer, le long d’une entreprise fermée. Je fais une petite toilette, prépare mes affaires pour le lendemain et me prépare à dormir non sans avoir soigné deux ampoules et remis des pansements protecteurs dessus. Il est minuit presque, et nous sommes au kilomètre 860 à peine.
Bilan du huitième jour : 101km. On n’a pas grappillé sur les moins de 9 jours. Tant pis.
Neuvième jour
5h le réveil me réveille. Comme un automate je procède à mes rituels et à 5h45 je repars dans la montée vers Lauras. Je cours bien, ne claudique pas trop car peu à peu les pieds prennent leur place dans les chaussures et ne me font pas mal. Les ampoules soignées la veille au coucher sont encore endormies. Ça monte jusqu’à Tiergues, bien connu des coureurs des 100km de Millau, puis ça descend jusqu’à Lauras où au sortir du village je fais un bref arrêt en urgence. Roquefort est à 3 kilomètres, il commence à y avoir des voitures qui circulent, les embauches de 8h sans doute. La route continue de monter jusqu’au col des Aiguières puis redescend tranquillement. On s’arrête un petit quart d’heure pour grignoter et boire, je reprends mon chemin vers St-Beaulize puis Fondamente, passe le col de Pérail où je recharge mes bouteilles puis file vers le Clapier. Je vais passer le 900ème kilomètre dont j’attends la marque au sol. Celle-ci apparaît au loin et je regarde l’heure qui m’indique qu’on est encore plus tôt que pour les 800. 12h09 aujourd’hui pour 12h50 hier. J’ai donc bien avancé malgré l’impression de me traîner. Cette impression, je la ressens depuis quelques jours : m’étant habitué à courir entre 9 et 10km/h à l’entraînement, la perception du temps et des distances est chamboulée là car je n’avance qu’entre 6,5 et 8km/h. Donc de 6 minutes à 6 minutes 40 pour faire un kilomètre, je suis descendu à des kilomètres qui durent entre 7 minutes 30 et 9 minutes. D’où cette impression d’être collé au bitume. De plus, la foulée est encore plus lourde malgré mes efforts pour rester sur les plantes et ne pas trop attaquer du talon. Mais de ne pas être arrêté permet d’engranger les bornes et au bout d’un moment le cumul est appréciable. On passe le Clapier puis on fait une pause déjeuner de trente minutes dans un virage à l’ombre. Je me restaure quand un quad passe suivi de deux chiens. Quelques temps plus tard, le quad repasse suivi d’une grosse centaine de moutons encadrée par les chiens qui viennent néanmoins quémander qui un bout de poulet qui un bout d’autre chose. Je regarde l’état des ampoules, change de chaussures en prévision de la rude et longue descente vers Lodève qui surviendra quand j’en aurai fini avec la future montée vers Roqueredonde et au-delà. Avant cela il faut descendre jusqu’au pont sur l’Orb où se trouve écrit sur le bitume « Les héros dans l’Hérault ». Là, ça monte pendant 7 kilomètres mais la pente n’est pas méchante, la route est souvent ombragée car c’est très boisé sur ces hauteurs et j’arrive au sommet pour une douzaine de kilomètres de descente assez marquée. Au début, j’ai du mal à me réhabituer à descendre et à être obligé de freiner pour ne pas me laisser emporter et me blesser, de plus les zones d’ombre sont rares selon l’orientation de la route. Le panorama en revanche est grandiose : on aperçoit la Méditerranée et on voit même Sète et le Mont Saint-Clair où je compte arriver avant demain midi. Il reste un peu plus de 80 kilomètres, ça va être trop juste de les faire avant demain matin 6h30 (synonyme de moins de 9 jours) mais on va essayer. Mais ça pique, ça torture les pieds, les orteils, je me demande si la prudence ne serait pas de ralentir encore plus sinon je vais déguster ce soir ou demain après l’arrivée. Pas de compromis, je file, pas très rapidement mais pas non plus trop lentement. Derrière, je ne sais pas où en sont les autres, et sachant qu’ils sont capables de ne pas dormir de la nuit, je choisis d’avancer coûte que coûte. C’est qu’au chrono j’ajoute l’ambition de la place. Pour l’instant virtuellement je suis 5ème derrière Stéphane, Annie et Rémi déjà arrivés et Pierre-Henri qui a trop d’avance et devrait en avoir fini en soirée. Reste Markus parti 48 heures après nous et qui pourrait jouer les trouble-fêtes et venir s’intercaler. C’est long de descendre en freinant, en contrôlant chaque foulée et en essayant quand même de regarder le paysage. J’arrive enfin à Lodève où je suis fatigué et où je décide de marcher jusqu’à ce que je trouve un commerce dans lequel je pourrai acheter de quoi manger et boire. Mais à l’heure de la sortie des classes, il n’y a rien d’ouvert dans ce patelin. Il faut monter en ville si on veut trouver des commerces, mais je n’en ai pas le temps préférant avancer. Je trouve néanmoins un bureau de tabac où j’achète 1,5l d’eau et deux cocas. Je vidange mes trois bouteilles de boissons tièdes et les remplace par de l’eau fraîche et je bois mes deux cocas qui sont tellement froids que j’en ai le hoquet. Je marche vers la sortie de la ville et je retrouve Jean-Paul que j’avais envoyé au devant afin qu’il puisse se reposer et prépare de quoi manger. On stoppe le long du Puech pour un arrêt ravitaillement et soin des pieds de presqu’une heure. Dans une quinzaine de kilomètres, il va falloir passer trois gués dont deux pourraient m’amener à déchausser, alors avec Jean-Paul on élabore un scénario : il m’attend juste avant de quitter la route principale, j’enfile des chaussures qui ne craignent rien et j’emmène les crocs que j’enfilerai pour passer dans l’eau. Il m’attendrait juste après et je referai le changement de chaussures. En réalité, comme je viens de changer mes pansements, je décide de courir avec une paire normale et de traverser les gués et si je me trempe les chaussures, j’en changerai tout simplement ainsi que les chaussettes. Le temps pour arriver aux gués est long car il faut passer d’abord par de petites routes vallonnées et bordées de vignes et de vieilles usines, en plein soleil, puis avant de retrouver la route principale je traverse une sorte de désert rouge où il devait y avoir de l’uranium. Sur la route principale il faut rester vigilant car le petit chemin qu’il faut prendre sera fléché mais il ne faudra pas rater le fléchage. J’arrive à l’endroit où nos routes se séparent avec Jean-Paul. Lui, va devoir contourner le lac pas Salasc et retrouver notre point de rendez-vous. Moi, je tourne à gauche et commence à me diriger vers les gués. Le premier se passe sans soucis car il est à sec, le second et inondé mais j’ai repéré sur la gauche un endroit plus étroit où il y a quelques pierres plates déjà disposées dans le lit du cours d’eau. J’en ajoute deux autres, grosses et plates, sur lesquelles je pose mes appuis sans me mouiller les pieds. Yes ! Encore un à passer. J’y arrive et là, c’est plus problématique à première vue mais j’aperçois des campeurs en amont et décide de me diriger vers ce qui semble être un passage possible. En effet, en déplaçant quelques grosses pierres je réussis à m’en faire des plots sur lesquels je pose mes pieds et réussis à traverser. Tout content je rejoins la route où je retrouve Jean-Paul. Un Jean-Paul à la mine déconfite. Il m’explique qu’il est en panne d’essence. Il me dit qu’il a appelé un taxi qui lui apportera un bidon de gasoil depuis Clermont-l’Hérault. Pas de panique, je vais me ravitailler, prendre de quoi tenir jusqu’à plus tard et il me rejoindra quand le problème sera résolu. Je file en pensant que mon objectif du jour est de passer après Clermont et même d’arriver jusqu’à Canet où il ne restera plus qu’un marathon à faire. Là, on avisera. On n’y est pas, mais ça met du piment pour la fin de la journée. J’ai l’équipement semi-nocturne avec moi et j’avance en regardant les familles plier leurs affaires après avoir passé une journée au bord du lac, les surfeurs ou véliplanchistes aussi remballent leur matos. Moi, je cours et je contemple les monticules de terre rouge sur lesquels des gens ont écrit leur prénom avec des cailloux blancs. Je croise un taxi à qui je fais un signe de la main, peut-être est-ce celui qui vient dépanner Jean-Paul, je poursuit et longtemps après je me faire rattraper par le dit taxi suivi de mon véhicule d’assistance en bon état de marche. Jean-Paul et le taxi vont à la station de Clermont et Jean-Paul me rejoindra là où je serai. Je passe donc soulagé le village de Liausson et file vers Clermont. À Clermont, peu avant l’entrée, l’itinéraire fait prendre les coureurs à gauche mais les véhicules n’y ont pas accès. Je n’ai pas vu Jean-Paul qui a dû filer vers le centre de Clermont. Il me retrouvera bien. Par contre, je commence à mettre la frontale et m’aperçois que ce n’est pas l’habituelle, celle-ci éclaire moins bien la route et je sens que les piles sont faiblardes. La route n’est pas facile à lire et les descentes comme les montées sont très raides. Je décide de marcher jusqu’à ce que ça se calme. Je contacte Jean-Paul pour lui donner rendez-vous au collège du Salagou à la sortie de Clermont où je le retrouve enfin. Nouveau ravitaillement et on décide de continuer jusqu’après Canet. La course en nocturne se passe bien, de rares voitures me croisent, le ciel est étoilé, j’aperçois au loin les lueurs des villes et villages environnants. J’arrive à Canet que je traverse et peu après avoir passé le pont suspendu sur l’Hérault, nous décidons de faire une pause pour dormir un peu. Il est minuit vingt. Je demande à Jean-Paul de mettre le réveil à sonner dans une heure pour repartir de plus belle et d’engranger les kilomètres avant le lever du jour. Je ne me change pas, je garde même mes chaussures aux pieds. Je me suis allongé sur mon lit de camp, recouvert de mon drap housse et de mon sac de couchage.
Nous somme au kilomètre 960. Il reste 40 kilomètres jusqu’à Sète.
Bilan du neuvième jour : 100km.
Dixième jour
Le réveil sonne et me tire de mon sommeil brusquement. Jean-Paul se lève et me prépare un petit-déjeuner. J’en profite pour faire la grasse matinée, mais je sais qu’il me faut du courage pour repartir.
Ce que je fais à 2h20 du matin.
Les sensations sont bonnes, je cours à un relativement bon rythme, ça pique, ça chauffe dans les chaussures mais il faut serrer les dents. Je profite de la beauté du ciel constellé de milliers d’astres et je suis surpris d’en voir qui bougent.Rectification mentale rapide pour me dire que ce sont des satellites, mais comme ils sont alignés, je suis intrigué. J’avais déjà assisté à ça une fois sans prendre conscience à l’époque de ce que c’était. J’ai appris qu’il s’agissait d’un train de satellites Starlink de la société SpaceX. Il passe toutes les nuits paraît-il, mais demain je préférerai dormir que de les attendre et les regarder passer. Plaissan, plus que 35 kilomètres. Il fait toujours nuit mais au loin je devine la côte ou tout au moins des villes proches de la côte. La route est tranquille mais n’arrête pas de monter et de descendre. Je n’en avais pas ce souvenir. Vers 4h du matin, nous faisons un ravitaillement de dix minutes pour reprendre un café et me réveiller, on est au sommet de la soi-disant ultime bosse avant Sète et il reste moins de 30 kilomètres. Allez Fab, accroche-toi ! On passe Villeveyrac km 975 vers 5h10, l’aube commence à poindre, suit Poussan à 17 kilomètres du but où je me repose 20 minutes pour me ravitailler et à la sortie de cette petite ville il est 6h30. Ça fait 9 jours que je suis parti de Saint-Malo, il reste 15 bornes, je dois m’accrocher. Je sais que derrière personne ne déboulera avant cet après-midi, j’ai constitué un bon petit matelas sur lequel je ne compte pas me reposer maintenant et je continue donc d’avancer. La circulation commence à devenir plus fréquente, des fêlés du volant enquillent ces routes tranquilles sans penser qu’il pouvait y avoir d’autres usagers – les héraultais sont aussi barges au volant d’un véhicule automobile que les aveyronnais. Tant pis s’ils viennent gonfler les statistiques des tués sur la route tant qu’ils le font tout seuls. J’atteins avec soulagement Balaruc-le-Vieux puis entre dans Balaruc-les Bains où le trafic routier est plus important. Bientôt le panneau 10 kilomètres. C’est long, en plein soleil, il y a de la voiture, je cours à droite sans voir qui peut venir derrière, j’hésite un moment à passer à gauche où il me semble apercevoir une piste cyclable en site propre. Mais ça va devoir me faire traverser le flot de véhicules ce qui ne semble pas être simple. Donc je reste sur la droite et peu à peu Sète se rapproche. Au panneau d’entrée, il reste 6km. Il n’est pas encore 8h30, je passe par la Pointe Courte petit port de pêche typique de la côte, j’emprunte le pont Sadi-Carnot et commence à courir sur le Quai du Bosc où Jean-Benoît me retrouve et m’accompagne pour me guider. Ça fait plaisir de le voir là et ça me rassure de n’avoir pas à regarder le road-book pour arriver en haut du Mont Saint-Clair. Je suis bien, je cours en zigzaguant entre les piétons sur des trottoirs un peu encombrés mais l’ambiance générale de cette matinée sètoise me plaît bien. C’est dû à l’euphorie de l’arrivée prochaine. On arrive rapidement au giratoire où l’on doit prendre à droite pour monter vers le Mont Saint-Clair. C’est « incourable » pour moi à ce moment tant la pente est forte et il faut en avoir monté une partie déjà pour pouvoir recourir. Mais de courte durée cette reprise de la course car une nouvelle rampe se présente où nous marchons de concert. Enfin à 1400 mètres du but le profil de la route s’aplatit et descend même jusqu’au site des Pierres Blanches. J’accélère alors pour finir en mode dynamique et escalader la volée de marches qui mène à l’étoile sur laquelle je pose le pied. L’émotion est là. Je remercie Jean-Benoît mais surtout Jean-Paul sans qui je n’aurais pas pu terminer aussi bien cette première MilKil. Congratulations entre MilKillers, félicitations des accompagnateurs présents, de Xavier, de Jean-Michel… Séance photos, bière d’arrivée. Ça y est je suis MilKiller !
Bilan de la dixième journée : 40km
Au total, je mets 9 jours 2 heures 54 minutes et 15 secondes pour les 1002km de l’itinéraire de la MilKil entre Saint-Malo et Sète. Je suis 5ème mais vais passer 6ème car Markus va arriver demain bien avant les 48 heures de décalage de nos départs respectifs.
à+ynwa
par ynwa
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- kyoden
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Piouff je n'ai pas eu le temps fini le tome I que le tome II est déjà sorti surtout que je le lis ça entre 2 réunions... Je vais me charger tout ça sur mon téléphone pour le lire dans le train
par kyoden
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- bianchi77
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Quelle belle aventure et quel beau récit.
bravo pour cette merveilleuse traversée de 1000 kms.
quel courage.
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quel courage.
par bianchi77
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- Patrick57
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Bravo Fabrice et merci pour ton superbe récit comme toujours !!!
Vu ton expérience hors normes, je ne pensais pas que cette Mil'Kil était une première pour toi ... bientôt une seconde première alors
Les routes ne t'étaient pas (toutes) étrangères, puisque de nombreux passages avaient la TranseGaule en commun, ça aura permis de faciliter un peu le repérage je pense.
Le duo avec Jean-Paul s'est très bien passé, parfait ! (dommage pour la panne d'essence dans la dernière partie)
Faire cette traversée sans assistance me parait être un peu "suicidaire" pour les participants qui l'ont fait !
Sacrée performance pour le coup !
Et quelle mémoire en tous cas pour retranscrire de manière aussi détaillée tout ton périple !
Après avoir glané le titre de Mil'Killer, en route vers celui d'U2Biste !
J'ai cru comprendre que tu aimais les montées ... tu devrais te régaler le we prochain alors ... Ca va monter rapidement après le départ de course même !
Combien de paires de chaussures as-tu utilisé lors de cette traversée finalement ?
Un grand bravo et un grand merci une nouvelle fois pour nous faire partager toutes tes courses !
Vu ton expérience hors normes, je ne pensais pas que cette Mil'Kil était une première pour toi ... bientôt une seconde première alors
Les routes ne t'étaient pas (toutes) étrangères, puisque de nombreux passages avaient la TranseGaule en commun, ça aura permis de faciliter un peu le repérage je pense.
Le duo avec Jean-Paul s'est très bien passé, parfait ! (dommage pour la panne d'essence dans la dernière partie)
Faire cette traversée sans assistance me parait être un peu "suicidaire" pour les participants qui l'ont fait !
Sacrée performance pour le coup !
Et quelle mémoire en tous cas pour retranscrire de manière aussi détaillée tout ton périple !
Après avoir glané le titre de Mil'Killer, en route vers celui d'U2Biste !
J'ai cru comprendre que tu aimais les montées ... tu devrais te régaler le we prochain alors ... Ca va monter rapidement après le départ de course même !
Combien de paires de chaussures as-tu utilisé lors de cette traversée finalement ?
Un grand bravo et un grand merci une nouvelle fois pour nous faire partager toutes tes courses !
par Patrick57
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- ynwa
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Bonsoir Patrick
J'ai hâte de rejoindre les Vosges ainsi on pourra se voir "en vrai" !
J'ai utilisé 4 paires sur les 7 emportées : 2 paires avec environ 350km chacune et 2 paires avec 150km chacune environ. Ces deux dernières m'ont déjà porté sur la TransEurope 2012 et elles sont assez robustes pour que je continue encore à les porter malgré leur amorti moindre. Les autres sont plus récentes, leur amorti meilleur, mais elles sont fragiles et maintiennent moins bien les pieds dans les descentes où les orteils venaient taper le bout de la chaussure.
Pour les Vosges, j'utiliserai une paire mais prévoirai deux paires de rechange* en cas de météo humide et de descentes trop laborieuses. (CP5 et CP7 ou CP6 et CP8)
A vendredi prochain.
Fabrice
J'ai hâte de rejoindre les Vosges ainsi on pourra se voir "en vrai" !
J'ai utilisé 4 paires sur les 7 emportées : 2 paires avec environ 350km chacune et 2 paires avec 150km chacune environ. Ces deux dernières m'ont déjà porté sur la TransEurope 2012 et elles sont assez robustes pour que je continue encore à les porter malgré leur amorti moindre. Les autres sont plus récentes, leur amorti meilleur, mais elles sont fragiles et maintiennent moins bien les pieds dans les descentes où les orteils venaient taper le bout de la chaussure.
Pour les Vosges, j'utiliserai une paire mais prévoirai deux paires de rechange* en cas de météo humide et de descentes trop laborieuses. (CP5 et CP7 ou CP6 et CP8)
A vendredi prochain.
Fabrice
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