CR Transju'Trail 2015 Une expérience INOUBLIABLE
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CR Transju'Trail 2015 Une expérience INOUBLIABLE a été créé par YMCA
Posted il y a 9 ans 5 mois #368463
Transju'Trail 2015 mon 1er Ultra. Un combat, une belle tranche de vie.
Dimanche 7 juin 5h10. Je descends dans les rues de Mouthe, il ne fait plus tout à fait nuit. Le calme règne, il fait bon. J’y suis enfin à ce départ. 6 mois que nous avons planifié ce projet avec les copains un soir de novembre après un joli trail à la maison, des semaines d’entraînement avec beaucoup de plaisir sur les SXL, quelques petits soucis physiques mais finalement une très bonne préparation.
La dernière semaine bobomanie a été interminable et les 2 dernières nuits…6h de sommeil en tout
Je retrouve Pierre et Arnaud au camp de base. Nous nous sommes déplacé en nombre (18 dont 3 coureurs sur le 72 et 3 sur le 23). Les familles dorment encore bien entendu sauf André et Isa qui se lèvent pour nous encourager et faire quelques photos des 72ards au départ.
5h30 c’est parti.
Mouthe direction les Rousses en passant par Morez, Prémanon et la Dôle. 72km D+3200m.
Et ça part vite je trouve sur cette portion goudronnée. Je reste avec Pierre, je le freine même. Je suis serein et tranquille. Après 500m nous sommes dans le dernier tiers. Tant mieux. Savoir rester tranquille et ne pas se laisser emporter par le flux de ces lions en cage, prêts à tout dévorer. Je sens qu’ils partent trop vite. Dans ces moments là je pense à l’allure que j’aimerais pouvoir tenir en fin de course et je m’y tiens.
Les premiers sentiers sont gras, je suis content d’avoir mes Speedcross. Pierre part un peu devant. Je reste tranquille même si je le guette et suis tenté de faire l’effort. On est sur un sentier forestier plutôt vallonné avec quelques bons raidillons. Dès que l’effort se fait sentir, je marche. Je rejoins Pierre au gré d’une descente. On va se doubler et dédoubler ainsi jusqu’à Chaux-Neuve où on se retrouve pour gravir la première difficulté, l’escalier du tremplin de saut à skis. Impressionnant. Les sauteurs remontent ça leurs skis sur l’épaule ?
Premier pointage km6 en 51’.
La bénévole nous annonce 420ème ! Sur 390 inscrits ?! (en fait 369 partants mais ça on ne le sait pas à ce moment là).
Pierre me dit qu’on est en queue de peloton. Je me retourne, en effet on doit être dans les 50 derniers (en réalité on est 309 et 310ème). Pas grave mais ça m’étonne quand même. Soit le niveau est bien plus élevé sur ce format où je suis novice, soit ils sont vraiment partis trop vite.
Pause photo. Après le tremplin ça monte encore. Quelques bonnes pentes souvent courtes. Je déroule tranquillement sur le replat, profite de ces clairières verdoyantes dans la forêt, du sol souple. Pierre est reparti devant.
Le sentier devient descendant signe que l’on passe dans la vallée qui nous amène à La Chapelle des bois.
Quand on débouche sur les prés c’est juste magnifique. Une vraie carte postale.
On entend quelques cloches et une corne de brume, on approche du ravitaillement.
Km 17 le Châlet des Anges. 2h06 de course.
Je m’alimente banane tuc, eau+coca. Je prends mon temps. 2 de nos supporters sont là, sympa les gars. C’est un vrai plus sur ces courses longues de voir des têtes connues sur le parcours.
Pierre repart juste avant moi, je comble les quelques mètres qui nous séparent pour le rejoindre.
Deuxième difficulté la montée pour passer sur la corniche qui longe la frontière suisse. Rude ascension dans les bois, passages à 30%. On chante un peu pour se donner du courage
Une fois en haut on rejoint le belvédère d’où on peut voir les lacs de Bellefontaine et des mortes. Là des suisses proposent du coca dé gazéifié et de l’eau. Sympa.
Cette partie en corniche est roulante, ombragée et ludique. L’occasion de se défouler un peu. On commence à doubler quelques petits groupes. Passage près d’un panneau indiquant une filière d’évasion de la 2ème guerre mondiale. Pierre appelle à ralentir un peu, on n’est même pas au tiers de la course.
Et on descend en direction de Bellefontaine. Premiers sentiers exposés où on sent pour la première fois la chaleur. Les casquettes sortent des sacs.
Bellefontaine, km27 après 3h30 de balade. Ça commence à tirer un peu quand même
Je fais le plein d’eau+citron. Pour le solide, entre les ravitaillements, c’est alternance blinis et gel ou pâte de fruit en essayant de manger salé dès que possible. Un coureur tire la patte, déjà.
De Bellefontaine on va remonter dans les bois sur une crête. Pierre veut vraiment temporiser sur cette portion de route en faux plat, je me sens bien, je pars devant sans faire le fou. Ca monte modérément. Le haut atteint on retrouve l’ombre. J’ai les cannes, je déroule un peu sur ce sol souple et ce tracé virevoltant.
Après quelques km très agréables on va commence à descendre sur Morbier. Le chemin se fait plus pierreux. Pause photo au belvédère qui domine Morbier et Morez.
On sort des bois. Il fait bien plus chaud.
La descente s’amorce. J’arrive à Morbier km 33 en 4h24. Je prends un peu d’eau et Pierre arrive. Je l’attends pour repartir.
A la faveur d’une nouvelle descente sinueuse je prends quelques longueurs d’avance. Un raidillon puis une descente très pierreuse.
Et là soudainement le coup dur. Douleur intense à l’extérieur du genou droit
Tout de suite je pense au Pilatrail 2013. Même douleur, même endroit. J’avais fini les 10 deniers km en tirant la patte et en serrant les dents. Je descends en marchant dès qu’il y a une pierre plus haute que les autres. 300m plus loin une descente goudronnée bien raide. Douleur très forte dans tout le genou. Punaise je n’ai pas eu la moindre douleur depuis ce Pilatrail il y a 2 ans et ça m’arrive là, aujourd’hui
J’ai l’énergie et la volonté mais là on n’est même pas à la mi-course. L’idée de ne pas aller au bout s’immisce dans ma tête pour la première fois. Je pense à mes supporters, à ma famille, à mes enfants qui risquent d’être déçus. C’est ce qui me fait le plus mal.
Dans les rues de Morez la chaleur devient très lourde et j’ai le moral bien bas. Je ralentis sans le vouloir, Pierre me rejoint. « Sale nouvelle camarade, genou en vrac ». Il me réconforte et trouve les bons mots. « Il faut que tu t’adaptes ».
On arrive au ravito de Morez km 36 en 4h35.
Le regard vide, la tête au fond du sac je me ravitaille lentement et cherche un kiné qui pourrait pratiquer des étirements magiques. Y a pas. Je m’étire donc tout seul. Pierre voit ma détresse et semble m’attendre. Je lui dit de partir mais il reste, prétendant avec beaucoup de tact prendre son temps pour récupérer.
Il y a du dégât au m². Les bénévoles apportent des chaises supplémentaires pour les coureurs. Il y aura 37 abandons à Morez, 10% du peloton.
Je vais me rafraîchir. J’essaye de positiver. Dans mon malheur (j’ai mal en descente) la deuxième partie est beaucoup plus montante (D+2100 contre 1100 jusque là).
Après 17’ de pause on repart. Allez, s’adapter et avancer.
Il fait très chaud certainement dans les 30°, très lourd, le début de l’ascension est en plein soleil, très raide. Pierre met du rythme pour passer devant un petit groupe de coureurs pas toujours adroits avec leurs bâtons. Il est plus performant en montée, je le laisse partir.
Je m’alimente pour retrouver de l’énergie et je prends un efferalgan contre la douleur.
Après une dizaine de minutes j’ai un gros coup de mieux. J’ai retrouvé la pêche et le parcours devient moins raide avec des portions roulantes où j’avance.
Je ne tarde pas à rejoindre mon camarade puis à le laisser à la faveur d’une portion roulante où j’ai besoin de me défouler un peu, d’évacuer la frustration et surtout d’avancer.
La douleur au genou est moins présente sur ce profil. Mais faut pas rêver, dès que ça descend j’ai mal. Je mets ça de côté et je cherche juste à aller jusqu’à Prémanon où nous attendent les filles avec nos sacs.
Cette portion Morez Prémanon va sembler interminable
Je demande le kilomètrage régulièrement. On n’avance pas. Au détour d’un sentier on aperçoit la Dôle (km58/72). Elle paraît si loin.
Après 3km roulants on attaque une nouvelle montée très raide. Depuis un moment on est sorti des bois. Plus d’ombre. Le temps est très lourd. Heureusement on peut profiter d’une première fontaine pour faire le plein d’eau et se rafraîchir.
Pierre arrive un peu après moi. Il a l’air de souffrir de la chaleur. Coup de moins bien. Très vite je ne le vois plus derrière. Je progresse, regarde l’heure, constate qu’il y a du monde qui tire la jambe quand j’arrive à un deuxième point d’eau. Je m’assois, remets mes chaussettes et chaussures en place. C’est dur pour tout le monde.
On m’annonce 4.5km avant Prémanon. Interminable. Je pense aux filles qui nous attendent depuis longtemps là haut. Le ciel gronde fort et sec. Je suis inquiet. Des coureurs devant moi disent qu’on ne montera pas la Dôle si il y a de l’orage. Un moment j’ai presque envie que ce soit le cas. Je chasse cette vilaine pensée
Enfin, après 12km400 parcourus en 2h46 j’arrive à Prémanon.
J’ai juste le temps de me ravitailler avant que des trombes d’eau ne s’abattent sur la course. Je me réfugie sous une galerie. Mon assistance est là. J’ai la gorge bien serrée, le regard perdu, du mal à aligner 3 mots.
Je vais lentement m’alimenter, me sécher, changer de t-shirt, passer du nok sur mes pieds, changer de chaussettes. Pierre arrive trempé comme une soupe et le visage creusé. Hagards, on met quelques minutes avant de pouvoir se parler. On enfile nos vestes de pluie. Le ciel se calme. L’envie de repartir revient doucement. Après une pause somnambulique de 25’ on repart.
7h37 de course et 47.6km.
Pierre me dit de partir devant, j’hésite mais je ne veux pas être sur un faux rythme. On s’est dit depuis le début, chacun fait sa course et si on se trouve ensemble c’est bien. Je pars. Ce sera la fin de notre aventure commune.
La pluie se calme et finit par s’arrêter. Le ciel se dégage, je range ma veste de pluie. Il fait plus frais. Je me sens bien mieux. Tout redevient possible
Un coup d’œil dans le rétro. Je ne vois pas mon camarade, je trace.
Le profil est modéré sur cette partie entre ombre et lumière. Un peu plus loin m’attend la montée des Jouvencelles. Je ne pense plus à mon genou.
Me voici au pied de la piste.
Le temps s’est réchauffé et ça monte raide. Je choisis cette ascension monotone pour sortir la playlist. Besoin de « casser le temps ». Ça monte dur mais j’avance bien et depuis un moment je reprends régulièrement des coureurs et mon moral est bon.
En haut de la piste petite pause photo. Je bascule de l’autre côté pour plonger vers les Dappes toujours en musique.
Même si le genou couine je suis content de progresser et de voir la Dôle se rapprocher devant moi.
Fin de la piste verte et j’atteins le ravitaillement.
Les Dappes km55.7 en 8h56.
Là je retrouve Ded’s et Henri qui s’étaient levés tôt pour nous encourager dès Chaux-Neuve.
Ça fait plaisir. Quelques échanges, protocole ravito checké et j’attaque la principale difficulté du parcours, l’ascension de la Dôle 2km600 et 450m D+.
Ded’s m’annonce « ça monte à 2kmh » Bon je table sur 35 à 40’ pour aller là haut.
Je me sens de mieux en mieux. Pas de doute, j’ai les cannes, j’ai le jus.
Je double régulièrement du monde avec une belle différence d’allure. Évidemment le moral est gravement en hausse Je prends le temps de faire des photos.
Réussir sa course c’est la vivre bien. Pour ça il faut profiter du paysage, du bonheur d’être là en forme, à gambader dans la nature.
Et je réalise. Et j’en profite.
La Dôle km58.3 9h36 de course. Là-haut la vue est fantastique. Je suis impressionné par l’étendue du Lac Léman.
Bon, la suite est très jolie, verdoyante mais pierreuse, descendante, bref délicate quand on a un genou capricieux
Mais je suis motivé. Bon sur un appui je crève une ampoule au talon. Ouch ! Arrêt compeed.
Et c’est reparti sur un joli single verdoyant, tournoyant, entre sapins et fleurs sauvages. Petite pause hygiène. Les urines sont foncées. Je me force à boire davantage.
Reste à affronter le col de Porte. Je lève les yeux. Bigre 400m très très raides pour y arriver. Bon, ne plus lever les yeux.
Devant, dans un petit groupe, un gars hurle de douleur, perclus de crampes, les jambes tétanisées. Je ne sais pas comment il va rallier l’arrivée.
On entend de vifs encouragements venant du col, du coup les derniers mètres sont plus aisés.
Col de Porte km61 10h14.
Là sauf accident je sais que c’est gagné. Joie.
Reste à se taper la descente qui est horrible dans mon état. Très raide et de la caillasse encore et encore. Et je crève une deuxième ampoule. Aïe.
J’adopte les techniques les plus farfelues pour ne pas souffrir (toujours moins farfelue qu’un gars qui descend à reculons).
Après 15 bonnes minutes de torture j’entends le vuvuzela qui toute la journée nous a annoncé l’approche des ravito.
5’ plus tard je suis à Cuvaloup km63 en 10h40.
Tout le groupe est là, y compris les coureurs du 23. Je bats des ailes comme un oiseau, libre dans le vent.
J’échange, je plaisante mais je n’ai pas les idées très claires. Première course où ça me fait ça, du mal à être concentré sur ce que j’ai à faire, neurones engourdis
Une pause photo, quelques bisous et je repars serein, vainqueur, sûr d’aller au bout.
Reste 8km principalement descendants. Béa me suit en voiture sur les 3 premiers. J’avance à vive allure, je trace. Et je décompte les km.
11h00 de course, reste moins de 5km.
Passage dans un tunnel où il faut se baisser et marcher dans l’eau.
4km. 3km. Une dernière partie montante en sous bois. Je relâche un peu, je décide de profiter des derniers instants de cette incomparable journée.
On m’annonce le fort des Rousses à 300m et l’arrivée à 1km500. Je profite, regarde le ciel, les arbres.
J’entre dans le fort. Reste 1 km. Petite pause photo pour garder une image de ce moment. Je n’ai pas envie que ça se termine
Et j’arrive sur le stade. Les supporters sont là amis, femmes, enfants. Je m’arrête devant eux à 50m de l’arrivée pour m’éponger le visage, me faire beau pour la photo, faire quelques grimaces, envoyer quelques baisers.
J’ai les mots de Robin en tête : « finir en courant avec le sourire ».
Et je cours les 50 derniers mètres un grand sourire sur le visage, une certaine fierté d’être allé au bout mais surtout la joie d’avoir vécu ça.
Les Rousses km72 D+3242m 11h36’12 (184ème)
Interview après la ligne, sympa.
J’erre un peu sur le stade, seul un moment pour vivre l’instant. Un peu perdu pendant quelques minutes, besoin d’être seul, je finis par rejoindre le groupe.
Pierre vient d’arriver en 11h59, rincé, groggy.
Échange de regards, félicitations concises. Bonheur.
Dimanche 7 juin 5h10. Je descends dans les rues de Mouthe, il ne fait plus tout à fait nuit. Le calme règne, il fait bon. J’y suis enfin à ce départ. 6 mois que nous avons planifié ce projet avec les copains un soir de novembre après un joli trail à la maison, des semaines d’entraînement avec beaucoup de plaisir sur les SXL, quelques petits soucis physiques mais finalement une très bonne préparation.
La dernière semaine bobomanie a été interminable et les 2 dernières nuits…6h de sommeil en tout
Je retrouve Pierre et Arnaud au camp de base. Nous nous sommes déplacé en nombre (18 dont 3 coureurs sur le 72 et 3 sur le 23). Les familles dorment encore bien entendu sauf André et Isa qui se lèvent pour nous encourager et faire quelques photos des 72ards au départ.
5h30 c’est parti.
Mouthe direction les Rousses en passant par Morez, Prémanon et la Dôle. 72km D+3200m.
Et ça part vite je trouve sur cette portion goudronnée. Je reste avec Pierre, je le freine même. Je suis serein et tranquille. Après 500m nous sommes dans le dernier tiers. Tant mieux. Savoir rester tranquille et ne pas se laisser emporter par le flux de ces lions en cage, prêts à tout dévorer. Je sens qu’ils partent trop vite. Dans ces moments là je pense à l’allure que j’aimerais pouvoir tenir en fin de course et je m’y tiens.
Les premiers sentiers sont gras, je suis content d’avoir mes Speedcross. Pierre part un peu devant. Je reste tranquille même si je le guette et suis tenté de faire l’effort. On est sur un sentier forestier plutôt vallonné avec quelques bons raidillons. Dès que l’effort se fait sentir, je marche. Je rejoins Pierre au gré d’une descente. On va se doubler et dédoubler ainsi jusqu’à Chaux-Neuve où on se retrouve pour gravir la première difficulté, l’escalier du tremplin de saut à skis. Impressionnant. Les sauteurs remontent ça leurs skis sur l’épaule ?
Premier pointage km6 en 51’.
La bénévole nous annonce 420ème ! Sur 390 inscrits ?! (en fait 369 partants mais ça on ne le sait pas à ce moment là).
Pierre me dit qu’on est en queue de peloton. Je me retourne, en effet on doit être dans les 50 derniers (en réalité on est 309 et 310ème). Pas grave mais ça m’étonne quand même. Soit le niveau est bien plus élevé sur ce format où je suis novice, soit ils sont vraiment partis trop vite.
Pause photo. Après le tremplin ça monte encore. Quelques bonnes pentes souvent courtes. Je déroule tranquillement sur le replat, profite de ces clairières verdoyantes dans la forêt, du sol souple. Pierre est reparti devant.
Le sentier devient descendant signe que l’on passe dans la vallée qui nous amène à La Chapelle des bois.
Quand on débouche sur les prés c’est juste magnifique. Une vraie carte postale.
On entend quelques cloches et une corne de brume, on approche du ravitaillement.
Km 17 le Châlet des Anges. 2h06 de course.
Je m’alimente banane tuc, eau+coca. Je prends mon temps. 2 de nos supporters sont là, sympa les gars. C’est un vrai plus sur ces courses longues de voir des têtes connues sur le parcours.
Pierre repart juste avant moi, je comble les quelques mètres qui nous séparent pour le rejoindre.
Deuxième difficulté la montée pour passer sur la corniche qui longe la frontière suisse. Rude ascension dans les bois, passages à 30%. On chante un peu pour se donner du courage
Une fois en haut on rejoint le belvédère d’où on peut voir les lacs de Bellefontaine et des mortes. Là des suisses proposent du coca dé gazéifié et de l’eau. Sympa.
Cette partie en corniche est roulante, ombragée et ludique. L’occasion de se défouler un peu. On commence à doubler quelques petits groupes. Passage près d’un panneau indiquant une filière d’évasion de la 2ème guerre mondiale. Pierre appelle à ralentir un peu, on n’est même pas au tiers de la course.
Et on descend en direction de Bellefontaine. Premiers sentiers exposés où on sent pour la première fois la chaleur. Les casquettes sortent des sacs.
Bellefontaine, km27 après 3h30 de balade. Ça commence à tirer un peu quand même
Je fais le plein d’eau+citron. Pour le solide, entre les ravitaillements, c’est alternance blinis et gel ou pâte de fruit en essayant de manger salé dès que possible. Un coureur tire la patte, déjà.
De Bellefontaine on va remonter dans les bois sur une crête. Pierre veut vraiment temporiser sur cette portion de route en faux plat, je me sens bien, je pars devant sans faire le fou. Ca monte modérément. Le haut atteint on retrouve l’ombre. J’ai les cannes, je déroule un peu sur ce sol souple et ce tracé virevoltant.
Après quelques km très agréables on va commence à descendre sur Morbier. Le chemin se fait plus pierreux. Pause photo au belvédère qui domine Morbier et Morez.
On sort des bois. Il fait bien plus chaud.
La descente s’amorce. J’arrive à Morbier km 33 en 4h24. Je prends un peu d’eau et Pierre arrive. Je l’attends pour repartir.
A la faveur d’une nouvelle descente sinueuse je prends quelques longueurs d’avance. Un raidillon puis une descente très pierreuse.
Et là soudainement le coup dur. Douleur intense à l’extérieur du genou droit
Tout de suite je pense au Pilatrail 2013. Même douleur, même endroit. J’avais fini les 10 deniers km en tirant la patte et en serrant les dents. Je descends en marchant dès qu’il y a une pierre plus haute que les autres. 300m plus loin une descente goudronnée bien raide. Douleur très forte dans tout le genou. Punaise je n’ai pas eu la moindre douleur depuis ce Pilatrail il y a 2 ans et ça m’arrive là, aujourd’hui
J’ai l’énergie et la volonté mais là on n’est même pas à la mi-course. L’idée de ne pas aller au bout s’immisce dans ma tête pour la première fois. Je pense à mes supporters, à ma famille, à mes enfants qui risquent d’être déçus. C’est ce qui me fait le plus mal.
Dans les rues de Morez la chaleur devient très lourde et j’ai le moral bien bas. Je ralentis sans le vouloir, Pierre me rejoint. « Sale nouvelle camarade, genou en vrac ». Il me réconforte et trouve les bons mots. « Il faut que tu t’adaptes ».
On arrive au ravito de Morez km 36 en 4h35.
Le regard vide, la tête au fond du sac je me ravitaille lentement et cherche un kiné qui pourrait pratiquer des étirements magiques. Y a pas. Je m’étire donc tout seul. Pierre voit ma détresse et semble m’attendre. Je lui dit de partir mais il reste, prétendant avec beaucoup de tact prendre son temps pour récupérer.
Il y a du dégât au m². Les bénévoles apportent des chaises supplémentaires pour les coureurs. Il y aura 37 abandons à Morez, 10% du peloton.
Je vais me rafraîchir. J’essaye de positiver. Dans mon malheur (j’ai mal en descente) la deuxième partie est beaucoup plus montante (D+2100 contre 1100 jusque là).
Après 17’ de pause on repart. Allez, s’adapter et avancer.
Il fait très chaud certainement dans les 30°, très lourd, le début de l’ascension est en plein soleil, très raide. Pierre met du rythme pour passer devant un petit groupe de coureurs pas toujours adroits avec leurs bâtons. Il est plus performant en montée, je le laisse partir.
Je m’alimente pour retrouver de l’énergie et je prends un efferalgan contre la douleur.
Après une dizaine de minutes j’ai un gros coup de mieux. J’ai retrouvé la pêche et le parcours devient moins raide avec des portions roulantes où j’avance.
Je ne tarde pas à rejoindre mon camarade puis à le laisser à la faveur d’une portion roulante où j’ai besoin de me défouler un peu, d’évacuer la frustration et surtout d’avancer.
La douleur au genou est moins présente sur ce profil. Mais faut pas rêver, dès que ça descend j’ai mal. Je mets ça de côté et je cherche juste à aller jusqu’à Prémanon où nous attendent les filles avec nos sacs.
Cette portion Morez Prémanon va sembler interminable
Je demande le kilomètrage régulièrement. On n’avance pas. Au détour d’un sentier on aperçoit la Dôle (km58/72). Elle paraît si loin.
Après 3km roulants on attaque une nouvelle montée très raide. Depuis un moment on est sorti des bois. Plus d’ombre. Le temps est très lourd. Heureusement on peut profiter d’une première fontaine pour faire le plein d’eau et se rafraîchir.
Pierre arrive un peu après moi. Il a l’air de souffrir de la chaleur. Coup de moins bien. Très vite je ne le vois plus derrière. Je progresse, regarde l’heure, constate qu’il y a du monde qui tire la jambe quand j’arrive à un deuxième point d’eau. Je m’assois, remets mes chaussettes et chaussures en place. C’est dur pour tout le monde.
On m’annonce 4.5km avant Prémanon. Interminable. Je pense aux filles qui nous attendent depuis longtemps là haut. Le ciel gronde fort et sec. Je suis inquiet. Des coureurs devant moi disent qu’on ne montera pas la Dôle si il y a de l’orage. Un moment j’ai presque envie que ce soit le cas. Je chasse cette vilaine pensée
Enfin, après 12km400 parcourus en 2h46 j’arrive à Prémanon.
J’ai juste le temps de me ravitailler avant que des trombes d’eau ne s’abattent sur la course. Je me réfugie sous une galerie. Mon assistance est là. J’ai la gorge bien serrée, le regard perdu, du mal à aligner 3 mots.
Je vais lentement m’alimenter, me sécher, changer de t-shirt, passer du nok sur mes pieds, changer de chaussettes. Pierre arrive trempé comme une soupe et le visage creusé. Hagards, on met quelques minutes avant de pouvoir se parler. On enfile nos vestes de pluie. Le ciel se calme. L’envie de repartir revient doucement. Après une pause somnambulique de 25’ on repart.
7h37 de course et 47.6km.
Pierre me dit de partir devant, j’hésite mais je ne veux pas être sur un faux rythme. On s’est dit depuis le début, chacun fait sa course et si on se trouve ensemble c’est bien. Je pars. Ce sera la fin de notre aventure commune.
La pluie se calme et finit par s’arrêter. Le ciel se dégage, je range ma veste de pluie. Il fait plus frais. Je me sens bien mieux. Tout redevient possible
Un coup d’œil dans le rétro. Je ne vois pas mon camarade, je trace.
Le profil est modéré sur cette partie entre ombre et lumière. Un peu plus loin m’attend la montée des Jouvencelles. Je ne pense plus à mon genou.
Me voici au pied de la piste.
Le temps s’est réchauffé et ça monte raide. Je choisis cette ascension monotone pour sortir la playlist. Besoin de « casser le temps ». Ça monte dur mais j’avance bien et depuis un moment je reprends régulièrement des coureurs et mon moral est bon.
En haut de la piste petite pause photo. Je bascule de l’autre côté pour plonger vers les Dappes toujours en musique.
Même si le genou couine je suis content de progresser et de voir la Dôle se rapprocher devant moi.
Fin de la piste verte et j’atteins le ravitaillement.
Les Dappes km55.7 en 8h56.
Là je retrouve Ded’s et Henri qui s’étaient levés tôt pour nous encourager dès Chaux-Neuve.
Ça fait plaisir. Quelques échanges, protocole ravito checké et j’attaque la principale difficulté du parcours, l’ascension de la Dôle 2km600 et 450m D+.
Ded’s m’annonce « ça monte à 2kmh » Bon je table sur 35 à 40’ pour aller là haut.
Je me sens de mieux en mieux. Pas de doute, j’ai les cannes, j’ai le jus.
Je double régulièrement du monde avec une belle différence d’allure. Évidemment le moral est gravement en hausse Je prends le temps de faire des photos.
Réussir sa course c’est la vivre bien. Pour ça il faut profiter du paysage, du bonheur d’être là en forme, à gambader dans la nature.
Et je réalise. Et j’en profite.
La Dôle km58.3 9h36 de course. Là-haut la vue est fantastique. Je suis impressionné par l’étendue du Lac Léman.
Bon, la suite est très jolie, verdoyante mais pierreuse, descendante, bref délicate quand on a un genou capricieux
Mais je suis motivé. Bon sur un appui je crève une ampoule au talon. Ouch ! Arrêt compeed.
Et c’est reparti sur un joli single verdoyant, tournoyant, entre sapins et fleurs sauvages. Petite pause hygiène. Les urines sont foncées. Je me force à boire davantage.
Reste à affronter le col de Porte. Je lève les yeux. Bigre 400m très très raides pour y arriver. Bon, ne plus lever les yeux.
Devant, dans un petit groupe, un gars hurle de douleur, perclus de crampes, les jambes tétanisées. Je ne sais pas comment il va rallier l’arrivée.
On entend de vifs encouragements venant du col, du coup les derniers mètres sont plus aisés.
Col de Porte km61 10h14.
Là sauf accident je sais que c’est gagné. Joie.
Reste à se taper la descente qui est horrible dans mon état. Très raide et de la caillasse encore et encore. Et je crève une deuxième ampoule. Aïe.
J’adopte les techniques les plus farfelues pour ne pas souffrir (toujours moins farfelue qu’un gars qui descend à reculons).
Après 15 bonnes minutes de torture j’entends le vuvuzela qui toute la journée nous a annoncé l’approche des ravito.
5’ plus tard je suis à Cuvaloup km63 en 10h40.
Tout le groupe est là, y compris les coureurs du 23. Je bats des ailes comme un oiseau, libre dans le vent.
J’échange, je plaisante mais je n’ai pas les idées très claires. Première course où ça me fait ça, du mal à être concentré sur ce que j’ai à faire, neurones engourdis
Une pause photo, quelques bisous et je repars serein, vainqueur, sûr d’aller au bout.
Reste 8km principalement descendants. Béa me suit en voiture sur les 3 premiers. J’avance à vive allure, je trace. Et je décompte les km.
11h00 de course, reste moins de 5km.
Passage dans un tunnel où il faut se baisser et marcher dans l’eau.
4km. 3km. Une dernière partie montante en sous bois. Je relâche un peu, je décide de profiter des derniers instants de cette incomparable journée.
On m’annonce le fort des Rousses à 300m et l’arrivée à 1km500. Je profite, regarde le ciel, les arbres.
J’entre dans le fort. Reste 1 km. Petite pause photo pour garder une image de ce moment. Je n’ai pas envie que ça se termine
Et j’arrive sur le stade. Les supporters sont là amis, femmes, enfants. Je m’arrête devant eux à 50m de l’arrivée pour m’éponger le visage, me faire beau pour la photo, faire quelques grimaces, envoyer quelques baisers.
J’ai les mots de Robin en tête : « finir en courant avec le sourire ».
Et je cours les 50 derniers mètres un grand sourire sur le visage, une certaine fierté d’être allé au bout mais surtout la joie d’avoir vécu ça.
Les Rousses km72 D+3242m 11h36’12 (184ème)
Interview après la ligne, sympa.
J’erre un peu sur le stade, seul un moment pour vivre l’instant. Un peu perdu pendant quelques minutes, besoin d’être seul, je finis par rejoindre le groupe.
Pierre vient d’arriver en 11h59, rincé, groggy.
Échange de regards, félicitations concises. Bonheur.
Last Edit:il y a 9 ans 5 mois
par YMCA
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Dernière édition: il y a 9 ans 5 mois par YMCA.
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- rycker
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Félicitations pour ta "ballade" ,
Une bien belle ballade tout de même avec son lot de bas mais surtout de haut qui t'a permis de rallier l'arrivée avec sourire
Merci pour le Cr et les photos qui donne toujours envie d'y aller ( un jour peut-être)
J'espère que ,à ce jour, le genou va mieux et que ce n'était qu'une petite alerte sans conséquence .
Bonne récup et bonne continuation .
Accessoirement (à mes yeux, même si c'est toujours sympa) , beau chrono au vu des dénivelés et des arrêts qu'ils eurent été prévus ou imprévus
Une bien belle ballade tout de même avec son lot de bas mais surtout de haut qui t'a permis de rallier l'arrivée avec sourire
Merci pour le Cr et les photos qui donne toujours envie d'y aller ( un jour peut-être)
J'espère que ,à ce jour, le genou va mieux et que ce n'était qu'une petite alerte sans conséquence .
Bonne récup et bonne continuation .
Accessoirement (à mes yeux, même si c'est toujours sympa) , beau chrono au vu des dénivelés et des arrêts qu'ils eurent été prévus ou imprévus
par rycker
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- mezos69
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Merci pour la petite escapade de ce début de soirée
J'ai dévoré ton CR
GENIAL, très heureux pour toi car on sent que tu as finalement pris bcp de plaisir (le genou mis à part )
C'est une région tellement méconnue pour ses paysages
Encore Bravo et une bonne récup à toi
J'ai dévoré ton CR
GENIAL, très heureux pour toi car on sent que tu as finalement pris bcp de plaisir (le genou mis à part )
C'est une région tellement méconnue pour ses paysages
Encore Bravo et une bonne récup à toi
par mezos69
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- secalex
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- Vince1987
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Magnifique !
Un grand bravo pour cette "balade", j'espère que ton genou vas vite aller mieux !
Un grand bravo pour cette "balade", j'espère que ton genou vas vite aller mieux !
par Vince1987
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- bambiRun
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Un belle prepa, une course pleine et un beau sourire qui te ressemble si bien.
Tu l'as fait dude, tu l'as fait .
par bambiRun
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