Marathon de l'Eurodistrict
- demognio
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La Balade d’un coureur heureux…
27 octobre 2013, 9 heures place Kléber – Strasbourg. Voilà belle lurette que cette date constitue un point focal dans mon agenda et dans mes neurones. La suite d’une décision prise une année plus tôt. J’avais assisté à l’arrivée de la première édition du marathon de l’Eurodistrict ; d’irrépressibles frissons m’avaient traversé le corps à l’aune des applaudissements accompagnant les arrivants. Comme une évidence, l’épreuve reine des coureurs à pied serait mon objectif pour 2013 !
Pour un premier marathon, l’objectif principal est de franchir la ligne d’arrivée ; le second est de passer sous la barre des quatre heures. Mon record sur semi milite en ce sens (1 h 43m), mais le marathon touche à certaines limites du corps humain et le mur peut mettre à mal bien des certitudes. Le mur ! Que n’avais-je pas lu sur lui : invisible ennemi tapi dans l’ombre et qui surgi sans crier gare, les milles et une façon de l’éviter, de le gérer... Internet et les magazines regorgent de témoignages et de recettes pour éviter l’écueil. Les base pour passer le cap : la préparation en amont, la stratégie de course, l’alimentation avant et pendant la course. En bon alsacien, tout est défini à l’avance, testé et surtout respecté ! En terme de rythme de course, je pars sur la base de 3h50, temps auquel se rajouteront les ravitaillements (je compte environ 30 secondes tous les 5 km) ; il reste un peu de marge « fatigue » pour le final. La préparation s’est bien déroulée, il ne reste plus qu’à y aller. Retrait du dossard samedi pour ne pas trop gamberger chez moi et humer un peu de parfum de la course du lendemain.
Départ et premiers kilomètres : déclenchement du chrono en franchissant le ligne. La température est douce en ce dimanche, mais le vent présent à 25-30 km/h avec des rafales. Physiquement les sensations sont mitigées ; on verra bien… Passage à proximité de la Cathédrale, direction le sud, puis cap à l’est vers l’Allemagne. Je commence tout de suite à bien prendre ma boisson isotonique « maison » : une bouteille à la main et mon bidon à la ceinture me permettront de ne m’arrêter qu’au ravitaillement du dixième kilomètre. Les pulsations sont un peu élevée 166-170 (85-88 % de la FCM) mais les temps de passage corrects (5’24 – 5’37).
Kilomètre 6,5 : ouf ! La douane n’est pas là. Le passage de la passerelle des deux rives qui enjambe le Rhin s’est passé sans encombre et mes 400 grammes de poudre blanche n’attiseront pas la curiosité. J’y reviendrai un peu plus tard…
Kilomètre sept : les sensations arrivent ! Curieuse et heureuse expérience. Un peu pâteux jusque là, le brouillard musculaire se lève à l’arrivée en Allemagne et la forme émerge. L’effet deutsche qualität sans doute ! Les pulsations s’assagissent également : 163 à 167.
Kilomètre neuf : du côté de Kehl ; les coureurs autour de moi me jettent un regard suspect, marqué d’étonnement après avoir entendu « bip bip bip » ! Ma singularité trouve son explication quelques temps plus tôt. 6 heures moins dix : réveil. En raison du passage à l’heure d’hiver, je décide de mettre ma montre GPS, soigneusement rechargée la veille, pour bénéficier de l’heure exacte. Bip, bip, bip « niveau de batterie faible » ! Diablerie ! Le jour J, ma fidèle accompagnatrice dysfonctionne ! La journée commençait par une contrariété, et l’alsacien que je suis n’aime pas ça du tout, mais alors gar net. Bon, je branche immédiatement la récalcitrante pour deux heures de chargement ; le dispositif de chronométrage sera compété par ma montre « civile » qui dispose d’un chronomètre. Elle prendra le relais le cas échéant et je suivrai mes temps de passage sur le final par pas de 5 km. Pas l’idéal, mais bon il fallait faire avec. Finalement deux, presque trois barrettes apparaissaient sur l’écran de ma GPS au moment de quitter le domicile. Suffisant ou non ? On verra bien. Mais mes ennuis ne s’arrêtaient pas là. Dans l’objectif de préserver au maximum les batteries, je décide de capter le satellite moins à 3 minutes du départ, mais lui aussi décida qu’il en serait autrement. La liaison de se fit qu’après 500m de course. Par conséquent ma montre indiquait le chrono kilomètre de manière asynchrone et les coureurs autours de moi pensaient sans doute détenir une forme olympique pour avoir bouclé le dernier kilomètre aussi vite, mais déchantèrent assez vite une fois leur montre consultée… Petit plaisir de course.
Kilomètre 13 : la densité des coureurs autour de moi a baissé et le parcours se fait désormais à découvert avec vent contraire : 23 km/h avec rafales. Ce contexte de course aura cours jusqu’au kilomètre 20. Je chercherai quelques abris derrière des groupes de participants, mais le rythme de course n’étant pas le même, je ne sucerai pas la roue très longtemps comme disent les cyclistes. Mes sensations sont optimales et je dois me forcer à contenir ma vitesse pour ne pas entamer mon capital ; mes temps de déplacement kilométrique oscillent entre 5’16 et 5’30. Certains et certaines autours de moi semblent puiser et adoptent une attitude besogneuse, moi non. Je suis bien dans ma course. Mes pulsations se stabilisent entre 162 et 165.
Kilomètre 21 : changement de direction : cap à l’ouest. Et voilà le pont Pflimlin à l’horizon qu’il faut passer pour revenir en France. La longue pente régulière constitue une première rencontre avec les sensations de fatigue. Rien de bien méchant, mais l’effort et les prémices de la fatigue sont là. Le semi est passé en 1h 55. Avant d’entamer la courte descente, je dépasse un coureur qui grimace, puis invoque le ciel en geignant « j’ai mal, j’ai mal ». Je devine qu’il ne finira sans doute pas la course, et j’imagine sa détresse en pensant aux efforts à l’entraînement, aux espoirs formulés, aux amis qui attendent peut-être l’arrivée… Bon, pas le temps de trop m’apitoyer, je me laisse aspirer par la pente favorable : 5’11 et 5’22 pour les kilomètres 23 et 24. Un peu plus loin un coureur gît à terre, à cheval sur la route et la piste cyclable. Les ambulanciers sont là et sortent la civière. Moi je suis toujours bien dans le rythme.
Kilomètres 25 : traversée de la forêt d’Illkirch. Alerte physique ! Mon genou droit commence à envoyer des signaux de douleur. Tiens te voilà, douleur familière ! Je sais de quoi il s’agit : syndrome de l’essuie-glace. Je ne panique pas, mais je me dis tout de même que l’arrivée est encore bien loin. Pareille mésaventure m’était déjà arrivé lors de mon premier semi, mais elle avait disparu en pratiquant par épisode un « talon-fesse » avec la jambe incriminée. Même symptôme, même remède ! Un kilomètre plus tard, la douleur est moindre, je continue de temps en temps à bien plier le genou.
Kilomètre 26 : seconde alerte ! En pliant une énième fois le genou droit, une crampe apparaît au mollet droit. Ca commence à faire beaucoup là. J’évite de justesse que le muscle se crispe en dépliant très vite la jambe. Et la situation s’envenime : alerte de crampe au bas de la cuisse droite. Bon je décide de continuer à bien m’hydrater. Finalement plus de peur que de mal. Au fil du temps mon genou me laisse tranquille et plus d’alerte musculaire. Le rythme a un peu baissé : environ dix secondes de plus au kilomètre, les pulsations aussi (156-160).
Kilomètre 30 : nous y voilà ! Toujours dans le rythme, mais immanquablement je me remémorai ce que j’avais lu ici et là : « le marathon commence au trentième kilomètre, avant il s’agit d’une simple préparation ! ». L’heure des braves sonnait, c’est maintenant que j’allai voir si les efforts pendant la préparation allaient être suffisants. Une pré préparation de trois semaines : deux semaines avec un kilométrage cumulé de 48-50 km (en quatre sorties), puis une sortie de 30 km en trois heures lors de la dernière semaine suivie de deux sorties en VTT (2h30 sur du plat + ascension du mont Sainte-Odile) pour préserver les membres inférieurs et varier les plaisirs. Ensuite, j’ai enchaîné avec un plan sur 12 semaines avec 4 sorties hebdomadaires. Deux entorses à ce programme : 3 sorties uniquement la première semaine, car je n’avais pas encore digéré le 30 km, et une sortie de moins les 15 derniers jours pour bien encaisser la charge de travail et faire du jus. A l’aune de mes expériences sur semi, je sais que j’ai besoin de lever un peu plus le pied que ce que propose les plans du site pour arriver frais le jour J. En complément du plan, séances de musculation adapté des membres inférieurs et travail du haut du corps : abdominaux et gainage principalement. Au niveau de l’alimentation et de l’hydratation pendant la course : pas de solide. Par tranche de 5 kilomètre, boire ½ litre d’eau additionnée de 40 g de matodextrine, 15 g de glucose anhydre et d’une pincée de sel. Cela nécessite de transporter les fameux sachets de « poudre blanche », mais on s’allège au fil des kilomètres. La méthode était là, respectée, comme les temps de passage. Jetzt geht’s los !
Kilomètres 30, 31, 32, 33, 34 : je sens bien la fatigue et le rythme de course fléchit à chaque faux plat montant. J’ai rattrapé le meneur d’allure 4 heures et son groupe de suiveurs agglutinés autours de sa foulée. Nous somme maintenant dans la partie urbanisée du sud de la communauté urbaine de Strasbourg (Illkirch, Ostwald). La cadence kilométrique est maintenant comprise entre 5’30 et 5’50. Chaque kilomètre je me dis : jusque là tout va bien ! Pour moi en tout cas, car j’observe pas mal de concurrents qui trottinent à peine, ou marchent. Eux se sont pris le mur. Je les dépasse froidement. Je me dis même en mon for intérieur que j’ai dû oublier de cocher l’option « mur » lors de mon inscription à la course via Internet ! Pas très charitable pour les galériens de l’asphalte, mais ça détend…
Kilomètres 35 à 40 : je décide de passer devant le groupe autours du meneur d’allure 4h pour éviter la cohue au prochain ravitaillement. Ce groupe fond au fil des hectomètres. Mon rythme de course reste régulier, entre 5’30 et 5’50/km (pulsation : 152-158). J’extrapole systématiquement et de plus en plus fréquemment mon temps d’arrivée au fil des panneaux kilométriques : toujours dans les temps ! Pas de signe d’épuisement, les sensations restent bonnes eu égard à l’avancée de la course. Je décide de ne pas accélérer pour ne pas prendre de risque et mettre de mon côté toutes les chances de réaliser mes objectifs. Le dépassement des coureurs en panne se poursuit. Dernier ravitaillement : plus d’eau disponible ! Pas de conséquence pour moi, j’ai pris soin de bien m’hydrater avant.
Kilomètre 41 – arrivée : Je suis dans le secteur historique de la Petite France. Passage sous les fortifications Vauban, puis les pavés. Au panonceau « 41 » j’accélère. Même les rafales de vent entre les bâtiments n’ont plus prise sur moi. Mon rythme est quasiment celui d’un 10 km (4’38 au km) et j’ai des sensations énormes. Dernier virage et la ligne droite. La foule est dense rue des Grandes Arcades et les applaudissements nourris. Je retrouve de façon décuplée les sensations de l’année dernière, mais cette fois ci de l’autre côté des barrières ! La ligne d’arrivée est franchie : 3 h 58m 47s (temps réel).
Dans le sas d’arrivée je me sens rempli de plénitude. Mon collègue de travail, François, m’interpelle pour immortaliser photographiquement l’instant. J’apprécie sereinement le ravitaillement final, tandis que des coureurs s’allongent, épuisés, sur les bancs mis à disposition. Je baigne dans un océan d’endorphine et profite pleinement de l’instant présent. Avec l’âge, les délices des « premières fois » ne sont pas légions et entre plutôt dans le champ de la nostalgie; mais celui-ci en était un, rare et précieux. Je pense que j’avais les 3h50 dans les jambes, mais je n’ai aucun sentiment de frustration. Bien au contraire ! Je me projette sur 2014 et esquisse les prochaines échéances : améliorer mon record sur semi au premier semestre, puis préparer mon second marathon en visant les 3h45-3h50. Je sais également que j’ai découvert ma distance de prédilection, et que tant que j’aurai du cartilage dans les genoux, je courrai !
Je dédie ces lignes à François et Christian, mes collègues de travail qui m’ont amené à la course à pied deux ans plus tôt. Chacun d’entre nous avons couru notre premier marathon cette année. 2013 restera indubitablement une belle année pour nous. Pour moi, c’était en quelque sorte le marathon de l’heureux district !
Voilà c’est déjà fini. Ces instants et moments partagés fondent l’humain. Ils nous appartiennent et s’enfuient déjà, comme lorsqu’on veut attraper de l’eau. Il ne nous reste rien, seulement un peu d’humidité sur les doigts, précieuse et délicieuse.
Les paroles de la très belle chanson de Jean-Louis Aubert me reviennent en écrivant ces dernières lignes :
« Aimer ce qui s’enfuit
Et l’aimer même si
Jusqu’au bout de la nuit
L’aimer jusqu’ici »
27 octobre 2013, 9 heures place Kléber – Strasbourg. Voilà belle lurette que cette date constitue un point focal dans mon agenda et dans mes neurones. La suite d’une décision prise une année plus tôt. J’avais assisté à l’arrivée de la première édition du marathon de l’Eurodistrict ; d’irrépressibles frissons m’avaient traversé le corps à l’aune des applaudissements accompagnant les arrivants. Comme une évidence, l’épreuve reine des coureurs à pied serait mon objectif pour 2013 !
Pour un premier marathon, l’objectif principal est de franchir la ligne d’arrivée ; le second est de passer sous la barre des quatre heures. Mon record sur semi milite en ce sens (1 h 43m), mais le marathon touche à certaines limites du corps humain et le mur peut mettre à mal bien des certitudes. Le mur ! Que n’avais-je pas lu sur lui : invisible ennemi tapi dans l’ombre et qui surgi sans crier gare, les milles et une façon de l’éviter, de le gérer... Internet et les magazines regorgent de témoignages et de recettes pour éviter l’écueil. Les base pour passer le cap : la préparation en amont, la stratégie de course, l’alimentation avant et pendant la course. En bon alsacien, tout est défini à l’avance, testé et surtout respecté ! En terme de rythme de course, je pars sur la base de 3h50, temps auquel se rajouteront les ravitaillements (je compte environ 30 secondes tous les 5 km) ; il reste un peu de marge « fatigue » pour le final. La préparation s’est bien déroulée, il ne reste plus qu’à y aller. Retrait du dossard samedi pour ne pas trop gamberger chez moi et humer un peu de parfum de la course du lendemain.
Départ et premiers kilomètres : déclenchement du chrono en franchissant le ligne. La température est douce en ce dimanche, mais le vent présent à 25-30 km/h avec des rafales. Physiquement les sensations sont mitigées ; on verra bien… Passage à proximité de la Cathédrale, direction le sud, puis cap à l’est vers l’Allemagne. Je commence tout de suite à bien prendre ma boisson isotonique « maison » : une bouteille à la main et mon bidon à la ceinture me permettront de ne m’arrêter qu’au ravitaillement du dixième kilomètre. Les pulsations sont un peu élevée 166-170 (85-88 % de la FCM) mais les temps de passage corrects (5’24 – 5’37).
Kilomètre 6,5 : ouf ! La douane n’est pas là. Le passage de la passerelle des deux rives qui enjambe le Rhin s’est passé sans encombre et mes 400 grammes de poudre blanche n’attiseront pas la curiosité. J’y reviendrai un peu plus tard…
Kilomètre sept : les sensations arrivent ! Curieuse et heureuse expérience. Un peu pâteux jusque là, le brouillard musculaire se lève à l’arrivée en Allemagne et la forme émerge. L’effet deutsche qualität sans doute ! Les pulsations s’assagissent également : 163 à 167.
Kilomètre neuf : du côté de Kehl ; les coureurs autour de moi me jettent un regard suspect, marqué d’étonnement après avoir entendu « bip bip bip » ! Ma singularité trouve son explication quelques temps plus tôt. 6 heures moins dix : réveil. En raison du passage à l’heure d’hiver, je décide de mettre ma montre GPS, soigneusement rechargée la veille, pour bénéficier de l’heure exacte. Bip, bip, bip « niveau de batterie faible » ! Diablerie ! Le jour J, ma fidèle accompagnatrice dysfonctionne ! La journée commençait par une contrariété, et l’alsacien que je suis n’aime pas ça du tout, mais alors gar net. Bon, je branche immédiatement la récalcitrante pour deux heures de chargement ; le dispositif de chronométrage sera compété par ma montre « civile » qui dispose d’un chronomètre. Elle prendra le relais le cas échéant et je suivrai mes temps de passage sur le final par pas de 5 km. Pas l’idéal, mais bon il fallait faire avec. Finalement deux, presque trois barrettes apparaissaient sur l’écran de ma GPS au moment de quitter le domicile. Suffisant ou non ? On verra bien. Mais mes ennuis ne s’arrêtaient pas là. Dans l’objectif de préserver au maximum les batteries, je décide de capter le satellite moins à 3 minutes du départ, mais lui aussi décida qu’il en serait autrement. La liaison de se fit qu’après 500m de course. Par conséquent ma montre indiquait le chrono kilomètre de manière asynchrone et les coureurs autours de moi pensaient sans doute détenir une forme olympique pour avoir bouclé le dernier kilomètre aussi vite, mais déchantèrent assez vite une fois leur montre consultée… Petit plaisir de course.
Kilomètre 13 : la densité des coureurs autour de moi a baissé et le parcours se fait désormais à découvert avec vent contraire : 23 km/h avec rafales. Ce contexte de course aura cours jusqu’au kilomètre 20. Je chercherai quelques abris derrière des groupes de participants, mais le rythme de course n’étant pas le même, je ne sucerai pas la roue très longtemps comme disent les cyclistes. Mes sensations sont optimales et je dois me forcer à contenir ma vitesse pour ne pas entamer mon capital ; mes temps de déplacement kilométrique oscillent entre 5’16 et 5’30. Certains et certaines autours de moi semblent puiser et adoptent une attitude besogneuse, moi non. Je suis bien dans ma course. Mes pulsations se stabilisent entre 162 et 165.
Kilomètre 21 : changement de direction : cap à l’ouest. Et voilà le pont Pflimlin à l’horizon qu’il faut passer pour revenir en France. La longue pente régulière constitue une première rencontre avec les sensations de fatigue. Rien de bien méchant, mais l’effort et les prémices de la fatigue sont là. Le semi est passé en 1h 55. Avant d’entamer la courte descente, je dépasse un coureur qui grimace, puis invoque le ciel en geignant « j’ai mal, j’ai mal ». Je devine qu’il ne finira sans doute pas la course, et j’imagine sa détresse en pensant aux efforts à l’entraînement, aux espoirs formulés, aux amis qui attendent peut-être l’arrivée… Bon, pas le temps de trop m’apitoyer, je me laisse aspirer par la pente favorable : 5’11 et 5’22 pour les kilomètres 23 et 24. Un peu plus loin un coureur gît à terre, à cheval sur la route et la piste cyclable. Les ambulanciers sont là et sortent la civière. Moi je suis toujours bien dans le rythme.
Kilomètres 25 : traversée de la forêt d’Illkirch. Alerte physique ! Mon genou droit commence à envoyer des signaux de douleur. Tiens te voilà, douleur familière ! Je sais de quoi il s’agit : syndrome de l’essuie-glace. Je ne panique pas, mais je me dis tout de même que l’arrivée est encore bien loin. Pareille mésaventure m’était déjà arrivé lors de mon premier semi, mais elle avait disparu en pratiquant par épisode un « talon-fesse » avec la jambe incriminée. Même symptôme, même remède ! Un kilomètre plus tard, la douleur est moindre, je continue de temps en temps à bien plier le genou.
Kilomètre 26 : seconde alerte ! En pliant une énième fois le genou droit, une crampe apparaît au mollet droit. Ca commence à faire beaucoup là. J’évite de justesse que le muscle se crispe en dépliant très vite la jambe. Et la situation s’envenime : alerte de crampe au bas de la cuisse droite. Bon je décide de continuer à bien m’hydrater. Finalement plus de peur que de mal. Au fil du temps mon genou me laisse tranquille et plus d’alerte musculaire. Le rythme a un peu baissé : environ dix secondes de plus au kilomètre, les pulsations aussi (156-160).
Kilomètre 30 : nous y voilà ! Toujours dans le rythme, mais immanquablement je me remémorai ce que j’avais lu ici et là : « le marathon commence au trentième kilomètre, avant il s’agit d’une simple préparation ! ». L’heure des braves sonnait, c’est maintenant que j’allai voir si les efforts pendant la préparation allaient être suffisants. Une pré préparation de trois semaines : deux semaines avec un kilométrage cumulé de 48-50 km (en quatre sorties), puis une sortie de 30 km en trois heures lors de la dernière semaine suivie de deux sorties en VTT (2h30 sur du plat + ascension du mont Sainte-Odile) pour préserver les membres inférieurs et varier les plaisirs. Ensuite, j’ai enchaîné avec un plan sur 12 semaines avec 4 sorties hebdomadaires. Deux entorses à ce programme : 3 sorties uniquement la première semaine, car je n’avais pas encore digéré le 30 km, et une sortie de moins les 15 derniers jours pour bien encaisser la charge de travail et faire du jus. A l’aune de mes expériences sur semi, je sais que j’ai besoin de lever un peu plus le pied que ce que propose les plans du site pour arriver frais le jour J. En complément du plan, séances de musculation adapté des membres inférieurs et travail du haut du corps : abdominaux et gainage principalement. Au niveau de l’alimentation et de l’hydratation pendant la course : pas de solide. Par tranche de 5 kilomètre, boire ½ litre d’eau additionnée de 40 g de matodextrine, 15 g de glucose anhydre et d’une pincée de sel. Cela nécessite de transporter les fameux sachets de « poudre blanche », mais on s’allège au fil des kilomètres. La méthode était là, respectée, comme les temps de passage. Jetzt geht’s los !
Kilomètres 30, 31, 32, 33, 34 : je sens bien la fatigue et le rythme de course fléchit à chaque faux plat montant. J’ai rattrapé le meneur d’allure 4 heures et son groupe de suiveurs agglutinés autours de sa foulée. Nous somme maintenant dans la partie urbanisée du sud de la communauté urbaine de Strasbourg (Illkirch, Ostwald). La cadence kilométrique est maintenant comprise entre 5’30 et 5’50. Chaque kilomètre je me dis : jusque là tout va bien ! Pour moi en tout cas, car j’observe pas mal de concurrents qui trottinent à peine, ou marchent. Eux se sont pris le mur. Je les dépasse froidement. Je me dis même en mon for intérieur que j’ai dû oublier de cocher l’option « mur » lors de mon inscription à la course via Internet ! Pas très charitable pour les galériens de l’asphalte, mais ça détend…
Kilomètres 35 à 40 : je décide de passer devant le groupe autours du meneur d’allure 4h pour éviter la cohue au prochain ravitaillement. Ce groupe fond au fil des hectomètres. Mon rythme de course reste régulier, entre 5’30 et 5’50/km (pulsation : 152-158). J’extrapole systématiquement et de plus en plus fréquemment mon temps d’arrivée au fil des panneaux kilométriques : toujours dans les temps ! Pas de signe d’épuisement, les sensations restent bonnes eu égard à l’avancée de la course. Je décide de ne pas accélérer pour ne pas prendre de risque et mettre de mon côté toutes les chances de réaliser mes objectifs. Le dépassement des coureurs en panne se poursuit. Dernier ravitaillement : plus d’eau disponible ! Pas de conséquence pour moi, j’ai pris soin de bien m’hydrater avant.
Kilomètre 41 – arrivée : Je suis dans le secteur historique de la Petite France. Passage sous les fortifications Vauban, puis les pavés. Au panonceau « 41 » j’accélère. Même les rafales de vent entre les bâtiments n’ont plus prise sur moi. Mon rythme est quasiment celui d’un 10 km (4’38 au km) et j’ai des sensations énormes. Dernier virage et la ligne droite. La foule est dense rue des Grandes Arcades et les applaudissements nourris. Je retrouve de façon décuplée les sensations de l’année dernière, mais cette fois ci de l’autre côté des barrières ! La ligne d’arrivée est franchie : 3 h 58m 47s (temps réel).
Dans le sas d’arrivée je me sens rempli de plénitude. Mon collègue de travail, François, m’interpelle pour immortaliser photographiquement l’instant. J’apprécie sereinement le ravitaillement final, tandis que des coureurs s’allongent, épuisés, sur les bancs mis à disposition. Je baigne dans un océan d’endorphine et profite pleinement de l’instant présent. Avec l’âge, les délices des « premières fois » ne sont pas légions et entre plutôt dans le champ de la nostalgie; mais celui-ci en était un, rare et précieux. Je pense que j’avais les 3h50 dans les jambes, mais je n’ai aucun sentiment de frustration. Bien au contraire ! Je me projette sur 2014 et esquisse les prochaines échéances : améliorer mon record sur semi au premier semestre, puis préparer mon second marathon en visant les 3h45-3h50. Je sais également que j’ai découvert ma distance de prédilection, et que tant que j’aurai du cartilage dans les genoux, je courrai !
Je dédie ces lignes à François et Christian, mes collègues de travail qui m’ont amené à la course à pied deux ans plus tôt. Chacun d’entre nous avons couru notre premier marathon cette année. 2013 restera indubitablement une belle année pour nous. Pour moi, c’était en quelque sorte le marathon de l’heureux district !
Voilà c’est déjà fini. Ces instants et moments partagés fondent l’humain. Ils nous appartiennent et s’enfuient déjà, comme lorsqu’on veut attraper de l’eau. Il ne nous reste rien, seulement un peu d’humidité sur les doigts, précieuse et délicieuse.
Les paroles de la très belle chanson de Jean-Louis Aubert me reviennent en écrivant ces dernières lignes :
« Aimer ce qui s’enfuit
Et l’aimer même si
Jusqu’au bout de la nuit
L’aimer jusqu’ici »
par demognio
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- FredX
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Réponse de FredX sur le sujet Re: Marathon de l'Eurodistrict
Posted il y a 11 ans 2 semaines #278053
Quel marathon dis donc, géré de main de maitre !!
Impressionnant cette super gestion pour un premier marathon...
Bon repos et pour le prochain sans doute quelques minutes de moins
Impressionnant cette super gestion pour un premier marathon...
Bon repos et pour le prochain sans doute quelques minutes de moins
par FredX
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- Cousto91
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Réponse de Cousto91 sur le sujet Re: Marathon de l'Eurodistrict
Posted il y a 11 ans 2 semaines #278059
Eh beh, quel beau récit.
Et quel maitrise, on sent que tu as su te préserver pour ne pas te cramer. Il faudrait que j'apprenne ta sagesse éviter mes démarrage trop ratés.
Mais en tout cas, félicitations.
Et quel maitrise, on sent que tu as su te préserver pour ne pas te cramer. Il faudrait que j'apprenne ta sagesse éviter mes démarrage trop ratés.
Mais en tout cas, félicitations.
par Cousto91
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- Kodama
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Réponse de Kodama sur le sujet Re: Marathon de l'Eurodistrict
Posted il y a 11 ans 2 semaines #278083
Très jolie plume ! Ton récit m'a happé et ne m'a plus lâché.
Bravo pour ce marathon pleinement vécu !
Bravo pour ce marathon pleinement vécu !
par Kodama
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- Olrik
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Réponse de Olrik sur le sujet Re: Marathon de l'Eurodistrict
Posted il y a 11 ans 2 semaines #278092
Très beau compte-rendu.
Et que dire de ton 1er marathon......
Chapeau bas l'artiste.
Et que dire de ton 1er marathon......
Chapeau bas l'artiste.
par Olrik
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- demognio
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Réponse de demognio sur le sujet Re: Marathon de l'Eurodistrict
Posted il y a 11 ans 2 semaines #278539
Merci à tous pour vos commentaires.
Ce que j'ai mis en œuvre sur ce marathon je l'ai appris et lu grâce à ce site et à la communauté de coureurs et coureuses à pied qui font le richesse du forum.
C'est pour cela que je me suis efforcé à faire un rendu de ma course.
En espérant que cela puisse servir à autrui.
A bientôt pour d'autres aventures...
Ce que j'ai mis en œuvre sur ce marathon je l'ai appris et lu grâce à ce site et à la communauté de coureurs et coureuses à pied qui font le richesse du forum.
C'est pour cela que je me suis efforcé à faire un rendu de ma course.
En espérant que cela puisse servir à autrui.
A bientôt pour d'autres aventures...
par demognio
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