Mon calvaire breton (Mont St-Michel inside)
- gyom193
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Mon calvaire breton (Mont St-Michel inside) a été créé par gyom193
Posted il y a 12 ans 6 mois #169295
Bon, allez, je m'y colle...
En fait, j'ai bien fait d'attendre un peu avant de m'atteler à ce « petit » CR... Car dimanche soir, j'étais prêt à mettre mes chaussures en vente sur eBay et à transformer mes t-shirts en chiffons à vitres...
J'avais trop souffert, j'étais submergé par la déception de n'avoir pas rempli mon objectif, complètement exténué, vidé jusqu'au fond du fond comme jamais avant ! Les 7 dernier kilomètres avaient été un vrai calvaire, et avaient absolument effacé tout le reste.
J'ai dit à Fabrice (avec qui j'ai couru) dans la navette retour « Tout ça pour ça !!! Ça ne vaut pas le coup. Toute la préparation c'est sympa, mais la course, ça vaut pas le coup... " .
La course à pied, c'était bel et bien fini pour moi !!
Et puis par là dessus, une bonne nuit de sommeil... Dès lundi, je n'étais déjà plus aussi catégorique... Il fallait voir...
Plus de marathon, certes, mais bon...
Avec un peu de repos, pourquoi pas retenter des petites courses...
Et puis dès mardi matin, les douleurs s'estompant, je me dis que c'est quand même une sacrée expérience!
Un marathon, c'est quand même quelque chose de spécial !! :whoohoo :
Allez, le CR de mon marathon de la Baie du Mont Saint Michel 2012 :
Samedi :
Couchés tôt Fabrice et moi, après notre plâtrée de pâtes al dente, la nuit est bonne et pas trop stressante (n'oublions pas que j'ai épuisé ma dose de stress annuelle depuis la semaine dernière, je rappelle à ceux qui ne suivent pas que je me suis marié le samedi précédant le marathon, et que Fabrice est mon témoin et ami d'enfance)
Dimanche, 5h30 :
Le réveil ne sonne pas, je suis déjà debout à 5h29 ! Un bol de thé, du riz au lait et des tartines de miel, on se prépare tranquillement. Je suis un peu contrarié par le fait de ne pas réussir à faire mon habituel petit « caca du dimanche matin », le résultat de 3 jours sans fibres sans doute , mais c'est un détail... 6h15, on gratte le pare-brise (2°C) et on décolle de Hédé direction Cancale, temps splendide, hâte d'y être.
7h30 - 8h30:
Une fois garés, on descend au port, il fait frais, on discutaille météo avec deux mal rasés à côté de nous (qui s'avèreront être Reg et Seb), on pose notre barda, on (re)rencontre par hasard les 3 lascars, on cause qq secondes, le temps de faire une photo
(de g; à d.: Reg/Seb35/Olivier/gyom193)
puis de me retourner, je les ai perdus de vue ! Tant pis, petit échauffement à 2 balles, on prend place dans la foule, on est hyper loin des flammes 4h00 et même 4h15 ! N'afout', j'ai mon Garmin qui nous donnera l'allure avec précision. Nous visons Fab et moi les 4h00. Speaker qui fait monter l'ambiance, un coup de cornemuse (qui a reconnu ce vieux morceau des Soldat Louis ? ) et PAN !!
8H30 :
Ça y est, ça part ! Grosse clameur, mais pour le moment on ne bouge pas !
Il nous faut 7 à 8 minutes avant de passer la ligne. Du monde partout dans la montée, impossible d'aller à mon allure (5'35 -5'40 »), on est vers 6'/km, tant pis, on verra bien plus tard. Fabrice va encore moins vite tellement il ne veut pas se cramer (il a bcp souffert l'an dernier d'un départ trop rapide)
Envie de pisser, je m'arrête sur le plat vers le km 2,5, je récupère Fabrice en repartant.
Dans la descente, on refait notre retard relatif.
Km 5 :
Impec, on est dans notre fourchette de 5'35/5'40, je fais l'impasse sur le premier ravito (ce qui était prévu) et ne prends qu'un peu d'eau.
Km10 :
Je suis frais comme un gardon, les jambes tournent toutes seules, je contrôle les allures tous les km, on est des vrais métronomes ! 5'38 ou 5'39, c'est stable. On passe les 10km en 56'. Je prends mes 3 morceaux de sucre avec une bouteille, mais je mets presque 1km à manger mes sucres et boire 150/200ml pour ne pas m'essouffler trop (leçon retenue des entrainements en SL).Ça passe sans souci.
KM15 :
Toujours rien à signaler. Il fait beau, peu de vent, on papote de temps à autre (mais pas trop, je reste concentré sur mon allure). On a dépassé la flamme 4h15 depuis un moment, on est toujours à la même distance de la flamme verte des 4h00... On dépasse une concurrente en mauvais état, soutenue par deux gars, elle a l'air HS complet, à seulement 17 bornes, la pauvre ! Ravito identique au précédent : 3 sucres et de l'eau.
Semi :
Génial, on est au semi en 1h59'20''! On a même droit à 40'' de marge pour aller arroser un bout de mur ! On se félicite Fabrice et moi que ça se passe si bien, et on entre maintenant dans l'inconnu !... Je n'ai en effet jamais dépassé 23 km de course de ma vie !!
Cela dit, je constate quand même que je suis un poil moins frais que j'aurais espéré... Mais c'est pas grave, on tient nos temps comme des horloges, cardio impeccable vers 155 !
Km25 :
Il commence à faire un peu chaud, je m'en rends compte lors d'un passage à l'ombre d'un mur. On tourne toujours pareil, côte à côte
, les allures sont stables, les ravitos s'enchainent et se ressemblent, 3 sucres et de l'eau. Mais je suis bien obligé de constater que je ne suis plus aussi facile qu'avant ! Ça fait un moment qu'on y est déjà... Des petites douleurs vont et viennent au gré des kilomètres ; mollet gauche, péroné droit, pieds, cou, etc, mais rien de suffisamment persistant pou être inquiétant. On commence à dépasser du monde qui marche...
KM30 :
Alors qu'on ne s'y attendait pas, toute la famille et les amis sont aux Quatre Salines pour nous encourager ! C 'est super mais trop court ! En quelques secondes ils sont derrière nous ! J'ai à peine eu le temps de les entendre, « Allez Papa ! Allez Guillaume ! Allez Fabrice ! »... J'aurais bien voulu rester un moment, ou alors qu'ils soient sur un petit chariot à côté de nous pour causer un peu... Ils nous diront plus tard qu'ils nous ont trouvés étonnamment « frais et souriants »... C'est pas faux... Ça va encore bien...
Fabrice commence à me reparler de son arrêt programmé au poste de secours du km31, qu'il a prévu depuis le début pour faire un massage (ça lui a fait tellement de bien l'année dernière qu'il ne parle que de ça depuis des jours : son arrêt massage). J'essaye de l'en dissuader, mais c'est peine perdue, il a décidé.
Moi, je pense encore au negative split, même si je commence à piocher un peu, et c'est à regret que je le vois s'arrêter sous la tente... Je continue donc seul, après pile 3 heures courues ensemble...
Km 31 :
Ah merde, 5'45'', j'ai pas dû faire gaffe, faut rattraper ça. Pfouuu... C'est un peu dur de relancer, mon mollet gauche couine un peu...
Km32 :
Ahrgh !! 5'50'', ça n'a pas suffi ! Il faut relancer encore la machine, ma patte me fait un peu souffrir... Au point d'épongeage, j'ai appuyé par mégarde sur le « lap » de mon cardio, ça m'énerve...
Km33 :
Misère de misère, c'est quoi ce bazar ? Je passe mon temps à relancer et l'allure ne descend pas ! 5'48''. De plus en plus de gens marchent autour de moi... la douleur au mollet gauche devient vraiment vive.
Km 34 :
Enfin, le ravito, je chope une bouteille, mes 3 sucres, je force comme un âne pour ne pas laisser tomber l'allure !
5'56'' Merdmerdmerdmerdmerde !!
C'est le coup de grâce ! C'est trop dur, je ne peux rien faire ! Le mollet gauche ne veut plus pousser du tout ! Je suis obligé de marcher ! Et ça fait de plus en plus mal. La mort dans l'âme, je sais instantanément que le negative split est mort, et que les 4h00 sont plus que compromises ! Il ne reste que 45' pour faire sur une jambe les 8km qui me séparent de l'arrivée... J'ai mal, j'ai chaud, je suis dégoûté, j'ai envie de faire des étirements, mais je sais que si je m'arrête d'avancer je ne repartirai pas.
Beaucoup sont dans le dur autour de moi.
Fabrice me repasse, il a l'air d'aller pas trop mal, je l'encourage, il continue et disparaît bien vite.
Km35 :
Sur la ligne du 35éme km, je me remets à trottiner, la reprise est terrible, douleurs atroces dans les pieds, le mollet gauche, les genoux, les cuisses, et le bec, alouette...
Je ne rigole plus du tout ; Je n'ai qu'une seule idée en tête : que ce calvaire finisse vite ! La seule chose qui m'a retenu de ne pas aller au poste d'abandon, c'est que je me suis dit que ça prendrait plus de temps que de finir moi même le parcours ! C'est pour la m^mee raison que je continue à trottiner tant bien que mal, à 6'30 au kilo. Je suis obligé de remarcher quelques mètres puis de repartir...
Je commence à pleurer à chaque fois qu'un « Allez Guillaume !» fuse du bord de la route...
La fin n'est que difficulté et douleur, Km 36 chaque mètre me coûte, chaque pas me fait mal partout, je n'en peux plus, je n'ai plus envie du tout de Km37 faire ce marathon, c'était une mauvaise idée, jamais je n'airais dû me lancer dans cette connerie, je pleure encore, « Craque pas Guillaume ! » me crie une spectatrice, ça me fait pleurer de Km38 plus belle, le Mont est énorme maintenant, mais je ne le vois pas vraiment, on passe le Couesnon et je lutte, et je souffre
, le chemin est poussiéreux, les minutes durent des heures, des piétons partout, km39, on devine l'arrivée tout là bas, ça a l'air à quelques pas pourtant, j'ai de plus en plus mal, le temps semble se rallonger, vivement que tout ça finisse, km 40, on arrive sur la digue, le bitume est tout merdique en dévers, 4h00 à ma montre, tout espoir de faire moins est définitivement perdu, pourtant ça a l'air si proche, je pleure encore, j'ai tellement mal partout que je ne sais plus d'où me plaindre, km41, vite que la ligne arrive, que tout s'arrête et qu'on n'en parle plus, le tapis rouge, enfin, j'arrête ma montre trop tôt, comme si ça pouvait me faire économiser quelques secondes de souffrance, je vois l'arche, vite, je n'attends plus que le soulagement de la fin, je passe sur la bande de chronométrage... Km 42,195 C'est FINI et je n'en ai plus rien à foutre de rien, c'est juste fi-ni...
...enfin...
...J'ai toujours mal...
De plus en plus même...
Je suis toujours fatigué...
Envie de crever sur place... On me file une médaille...
Des pompiers partout, des mecs en civière, d'autres qui gerbent tripes et boyaux sur les barrières, je ne sais pas si je dois m'asseoir, j'ai peur de ne jamais me relever...
...Il est où le soulagement de l'arrivée ? C'est pire que pendant la course !
Je me surprends à penser que trottiner serait moins pire ! Il fait 200°C à l'ombre, je vais crever, je descend la passerelle en fer comme je peux, accroché à la rampe, les jambes ne répondent plus. Il y a 50000 personnes au ravito, je vais m'écrouler, je pique un ebouteille directement sur une palette, j'en descends 1 litre, et je m 'écroule contre une pissotière, à moitié mort...
C'est enfin fini...
Je ne sais pas exactement combien de temps je reste par terre, mais je mets un temps infini à me relever, comme Bambi, avec les cannes toutes molles... Je récupère un paquet de chips et un bout de banane, il n'y a plus rien d'autre... Je trouve une crème soja au chocolat, je la gobe, c'est meilleur que du caviar !
Toujours envie de gerber, des étourdissements, et une ffffffatigue comme je n'ai jamais ressenti...
Aucun plaisir.
Je retrouve Fabrice, il a fini en à peine plus de 4h00, il est content (il améliore de 50 minutes!), on cause un peu, je cherche sans succès des têtes connues, puis se tape une heure de navette surchauffée dans une écœurante odeur de pieds. Retour à Hédé, il est 16h00, puis 3 heures de bagnole pour rentrer à la maison (madame conduit).
Je me couche à 20h00, complètement exténué, et fermement décidé à abandonner la course à pied à tout jamais !
Plus jamais de marathon, non, plus jamais !...
Epilogue :
Deux jours plus tard, la galère est oubliée. J'ai vécu une expérience assez intense, dont bizarrement je retire de la satisfaction. Un peu comme une grosse séance de VMA où on en chie mais où c'est bon... Vous connaissez tous ça...
Je parle déjà de mon prochain marathon bien sûr, soit Paris soit Barcelone 2013, avec un objectif clair : exploser ce putain de mur des 4h00 ! Vivement le début du plan...
Conclusions :
C'était mon premier marathon. Pour les prochains, il faudra penser à :
-Faire un plan en 4 séances/semaine. Je pense que j'étais léger en kilométrage, c'est les jambes qui n'ont pas tenu. Le cardio est toujours resté en dessous de 160.
-Mieux gérer mon alimentation. J'ai souvent utilisé les gels sur les efforts longs en vélo, pourquoi diable n'ai-je pas essayé en CàP ? J'avais pas envie de me galérer à emporter mes gels avec moi je crois, et rien de solide ne passait en courant... LA prochaine fois, j'emmène des gels !
-Mieux gérer mon hydratation. Je me suis forcé à boire 150/200ml d'eau à chaque ravito, c'était encore insuffisant. Je suis grand et lourd, il y avait du vent et du soleil, j'ai vidé cul-sec en marchant 500ml après le ravito des 35km, et j'ai même fini un ebouteille ramassée par terre... Plus les 2 litres à l'arrivée... Je devais être en gros déficit hydrique !
-Je suis content de n'avoir rencontré aucun souci « mécanique », tous mes choix matériels se sont avérés pertinents (laçage, semelles, chaussettes, Comfeel, cuissard, t-shirts).
-Une fois encore, un énorme MERCI à Gilles (que je n'ai pas l'honneur de connaître) et à ses plans vraiment bien fichus. C'est grâce à lui que j'ai pu sereinement affronter ce challenge. Je pense que je lui dois aussi de pouvoir à nouveau monter les escaliers quatre à quatre seulement 3 jours après cette aventure !
-Merci bien sûr à mes deux "coach", Julien et Pablo (qui ne liront probablement jamais ces lignes, mais c'est important qu'ils y soient)
-Merci aussi à tous ceux de ce forum qui m'ont répondu lors de mes incertitudes de débutant, avec toujours une grande simplicité, ceux qui m'ont rassuré, encouragé, recadré, fait rigoler; et à ceux que j'ai (trop rapidement) aperçu dimanche.
Et bravo à ceux qui ont tout lu!
Je leur enverrai en récompense par la poste ma crème soja à la vanille...
J'ai essayé de faire court et synthétique, mais si vous voulez, je peux vous faire la version plus lyrique, j'ai encore plein de choses à vous dire...
En fait, j'ai bien fait d'attendre un peu avant de m'atteler à ce « petit » CR... Car dimanche soir, j'étais prêt à mettre mes chaussures en vente sur eBay et à transformer mes t-shirts en chiffons à vitres...
J'avais trop souffert, j'étais submergé par la déception de n'avoir pas rempli mon objectif, complètement exténué, vidé jusqu'au fond du fond comme jamais avant ! Les 7 dernier kilomètres avaient été un vrai calvaire, et avaient absolument effacé tout le reste.
J'ai dit à Fabrice (avec qui j'ai couru) dans la navette retour « Tout ça pour ça !!! Ça ne vaut pas le coup. Toute la préparation c'est sympa, mais la course, ça vaut pas le coup... " .
La course à pied, c'était bel et bien fini pour moi !!
Et puis par là dessus, une bonne nuit de sommeil... Dès lundi, je n'étais déjà plus aussi catégorique... Il fallait voir...
Plus de marathon, certes, mais bon...
Avec un peu de repos, pourquoi pas retenter des petites courses...
Et puis dès mardi matin, les douleurs s'estompant, je me dis que c'est quand même une sacrée expérience!
Un marathon, c'est quand même quelque chose de spécial !! :whoohoo :
Allez, le CR de mon marathon de la Baie du Mont Saint Michel 2012 :
Samedi :
Couchés tôt Fabrice et moi, après notre plâtrée de pâtes al dente, la nuit est bonne et pas trop stressante (n'oublions pas que j'ai épuisé ma dose de stress annuelle depuis la semaine dernière, je rappelle à ceux qui ne suivent pas que je me suis marié le samedi précédant le marathon, et que Fabrice est mon témoin et ami d'enfance)
Dimanche, 5h30 :
Le réveil ne sonne pas, je suis déjà debout à 5h29 ! Un bol de thé, du riz au lait et des tartines de miel, on se prépare tranquillement. Je suis un peu contrarié par le fait de ne pas réussir à faire mon habituel petit « caca du dimanche matin », le résultat de 3 jours sans fibres sans doute , mais c'est un détail... 6h15, on gratte le pare-brise (2°C) et on décolle de Hédé direction Cancale, temps splendide, hâte d'y être.
7h30 - 8h30:
Une fois garés, on descend au port, il fait frais, on discutaille météo avec deux mal rasés à côté de nous (qui s'avèreront être Reg et Seb), on pose notre barda, on (re)rencontre par hasard les 3 lascars, on cause qq secondes, le temps de faire une photo
(de g; à d.: Reg/Seb35/Olivier/gyom193)
puis de me retourner, je les ai perdus de vue ! Tant pis, petit échauffement à 2 balles, on prend place dans la foule, on est hyper loin des flammes 4h00 et même 4h15 ! N'afout', j'ai mon Garmin qui nous donnera l'allure avec précision. Nous visons Fab et moi les 4h00. Speaker qui fait monter l'ambiance, un coup de cornemuse (qui a reconnu ce vieux morceau des Soldat Louis ? ) et PAN !!
8H30 :
Ça y est, ça part ! Grosse clameur, mais pour le moment on ne bouge pas !
Il nous faut 7 à 8 minutes avant de passer la ligne. Du monde partout dans la montée, impossible d'aller à mon allure (5'35 -5'40 »), on est vers 6'/km, tant pis, on verra bien plus tard. Fabrice va encore moins vite tellement il ne veut pas se cramer (il a bcp souffert l'an dernier d'un départ trop rapide)
Envie de pisser, je m'arrête sur le plat vers le km 2,5, je récupère Fabrice en repartant.
Dans la descente, on refait notre retard relatif.
Km 5 :
Impec, on est dans notre fourchette de 5'35/5'40, je fais l'impasse sur le premier ravito (ce qui était prévu) et ne prends qu'un peu d'eau.
Km10 :
Je suis frais comme un gardon, les jambes tournent toutes seules, je contrôle les allures tous les km, on est des vrais métronomes ! 5'38 ou 5'39, c'est stable. On passe les 10km en 56'. Je prends mes 3 morceaux de sucre avec une bouteille, mais je mets presque 1km à manger mes sucres et boire 150/200ml pour ne pas m'essouffler trop (leçon retenue des entrainements en SL).Ça passe sans souci.
KM15 :
Toujours rien à signaler. Il fait beau, peu de vent, on papote de temps à autre (mais pas trop, je reste concentré sur mon allure). On a dépassé la flamme 4h15 depuis un moment, on est toujours à la même distance de la flamme verte des 4h00... On dépasse une concurrente en mauvais état, soutenue par deux gars, elle a l'air HS complet, à seulement 17 bornes, la pauvre ! Ravito identique au précédent : 3 sucres et de l'eau.
Semi :
Génial, on est au semi en 1h59'20''! On a même droit à 40'' de marge pour aller arroser un bout de mur ! On se félicite Fabrice et moi que ça se passe si bien, et on entre maintenant dans l'inconnu !... Je n'ai en effet jamais dépassé 23 km de course de ma vie !!
Cela dit, je constate quand même que je suis un poil moins frais que j'aurais espéré... Mais c'est pas grave, on tient nos temps comme des horloges, cardio impeccable vers 155 !
Km25 :
Il commence à faire un peu chaud, je m'en rends compte lors d'un passage à l'ombre d'un mur. On tourne toujours pareil, côte à côte
, les allures sont stables, les ravitos s'enchainent et se ressemblent, 3 sucres et de l'eau. Mais je suis bien obligé de constater que je ne suis plus aussi facile qu'avant ! Ça fait un moment qu'on y est déjà... Des petites douleurs vont et viennent au gré des kilomètres ; mollet gauche, péroné droit, pieds, cou, etc, mais rien de suffisamment persistant pou être inquiétant. On commence à dépasser du monde qui marche...
KM30 :
Alors qu'on ne s'y attendait pas, toute la famille et les amis sont aux Quatre Salines pour nous encourager ! C 'est super mais trop court ! En quelques secondes ils sont derrière nous ! J'ai à peine eu le temps de les entendre, « Allez Papa ! Allez Guillaume ! Allez Fabrice ! »... J'aurais bien voulu rester un moment, ou alors qu'ils soient sur un petit chariot à côté de nous pour causer un peu... Ils nous diront plus tard qu'ils nous ont trouvés étonnamment « frais et souriants »... C'est pas faux... Ça va encore bien...
Fabrice commence à me reparler de son arrêt programmé au poste de secours du km31, qu'il a prévu depuis le début pour faire un massage (ça lui a fait tellement de bien l'année dernière qu'il ne parle que de ça depuis des jours : son arrêt massage). J'essaye de l'en dissuader, mais c'est peine perdue, il a décidé.
Moi, je pense encore au negative split, même si je commence à piocher un peu, et c'est à regret que je le vois s'arrêter sous la tente... Je continue donc seul, après pile 3 heures courues ensemble...
Km 31 :
Ah merde, 5'45'', j'ai pas dû faire gaffe, faut rattraper ça. Pfouuu... C'est un peu dur de relancer, mon mollet gauche couine un peu...
Km32 :
Ahrgh !! 5'50'', ça n'a pas suffi ! Il faut relancer encore la machine, ma patte me fait un peu souffrir... Au point d'épongeage, j'ai appuyé par mégarde sur le « lap » de mon cardio, ça m'énerve...
Km33 :
Misère de misère, c'est quoi ce bazar ? Je passe mon temps à relancer et l'allure ne descend pas ! 5'48''. De plus en plus de gens marchent autour de moi... la douleur au mollet gauche devient vraiment vive.
Km 34 :
Enfin, le ravito, je chope une bouteille, mes 3 sucres, je force comme un âne pour ne pas laisser tomber l'allure !
5'56'' Merdmerdmerdmerdmerde !!
C'est le coup de grâce ! C'est trop dur, je ne peux rien faire ! Le mollet gauche ne veut plus pousser du tout ! Je suis obligé de marcher ! Et ça fait de plus en plus mal. La mort dans l'âme, je sais instantanément que le negative split est mort, et que les 4h00 sont plus que compromises ! Il ne reste que 45' pour faire sur une jambe les 8km qui me séparent de l'arrivée... J'ai mal, j'ai chaud, je suis dégoûté, j'ai envie de faire des étirements, mais je sais que si je m'arrête d'avancer je ne repartirai pas.
Beaucoup sont dans le dur autour de moi.
Fabrice me repasse, il a l'air d'aller pas trop mal, je l'encourage, il continue et disparaît bien vite.
Km35 :
Sur la ligne du 35éme km, je me remets à trottiner, la reprise est terrible, douleurs atroces dans les pieds, le mollet gauche, les genoux, les cuisses, et le bec, alouette...
Je ne rigole plus du tout ; Je n'ai qu'une seule idée en tête : que ce calvaire finisse vite ! La seule chose qui m'a retenu de ne pas aller au poste d'abandon, c'est que je me suis dit que ça prendrait plus de temps que de finir moi même le parcours ! C'est pour la m^mee raison que je continue à trottiner tant bien que mal, à 6'30 au kilo. Je suis obligé de remarcher quelques mètres puis de repartir...
Je commence à pleurer à chaque fois qu'un « Allez Guillaume !» fuse du bord de la route...
La fin n'est que difficulté et douleur, Km 36 chaque mètre me coûte, chaque pas me fait mal partout, je n'en peux plus, je n'ai plus envie du tout de Km37 faire ce marathon, c'était une mauvaise idée, jamais je n'airais dû me lancer dans cette connerie, je pleure encore, « Craque pas Guillaume ! » me crie une spectatrice, ça me fait pleurer de Km38 plus belle, le Mont est énorme maintenant, mais je ne le vois pas vraiment, on passe le Couesnon et je lutte, et je souffre
, le chemin est poussiéreux, les minutes durent des heures, des piétons partout, km39, on devine l'arrivée tout là bas, ça a l'air à quelques pas pourtant, j'ai de plus en plus mal, le temps semble se rallonger, vivement que tout ça finisse, km 40, on arrive sur la digue, le bitume est tout merdique en dévers, 4h00 à ma montre, tout espoir de faire moins est définitivement perdu, pourtant ça a l'air si proche, je pleure encore, j'ai tellement mal partout que je ne sais plus d'où me plaindre, km41, vite que la ligne arrive, que tout s'arrête et qu'on n'en parle plus, le tapis rouge, enfin, j'arrête ma montre trop tôt, comme si ça pouvait me faire économiser quelques secondes de souffrance, je vois l'arche, vite, je n'attends plus que le soulagement de la fin, je passe sur la bande de chronométrage... Km 42,195 C'est FINI et je n'en ai plus rien à foutre de rien, c'est juste fi-ni...
...enfin...
...J'ai toujours mal...
De plus en plus même...
Je suis toujours fatigué...
Envie de crever sur place... On me file une médaille...
Des pompiers partout, des mecs en civière, d'autres qui gerbent tripes et boyaux sur les barrières, je ne sais pas si je dois m'asseoir, j'ai peur de ne jamais me relever...
...Il est où le soulagement de l'arrivée ? C'est pire que pendant la course !
Je me surprends à penser que trottiner serait moins pire ! Il fait 200°C à l'ombre, je vais crever, je descend la passerelle en fer comme je peux, accroché à la rampe, les jambes ne répondent plus. Il y a 50000 personnes au ravito, je vais m'écrouler, je pique un ebouteille directement sur une palette, j'en descends 1 litre, et je m 'écroule contre une pissotière, à moitié mort...
C'est enfin fini...
Je ne sais pas exactement combien de temps je reste par terre, mais je mets un temps infini à me relever, comme Bambi, avec les cannes toutes molles... Je récupère un paquet de chips et un bout de banane, il n'y a plus rien d'autre... Je trouve une crème soja au chocolat, je la gobe, c'est meilleur que du caviar !
Toujours envie de gerber, des étourdissements, et une ffffffatigue comme je n'ai jamais ressenti...
Aucun plaisir.
Je retrouve Fabrice, il a fini en à peine plus de 4h00, il est content (il améliore de 50 minutes!), on cause un peu, je cherche sans succès des têtes connues, puis se tape une heure de navette surchauffée dans une écœurante odeur de pieds. Retour à Hédé, il est 16h00, puis 3 heures de bagnole pour rentrer à la maison (madame conduit).
Je me couche à 20h00, complètement exténué, et fermement décidé à abandonner la course à pied à tout jamais !
Plus jamais de marathon, non, plus jamais !...
Epilogue :
Deux jours plus tard, la galère est oubliée. J'ai vécu une expérience assez intense, dont bizarrement je retire de la satisfaction. Un peu comme une grosse séance de VMA où on en chie mais où c'est bon... Vous connaissez tous ça...
Je parle déjà de mon prochain marathon bien sûr, soit Paris soit Barcelone 2013, avec un objectif clair : exploser ce putain de mur des 4h00 ! Vivement le début du plan...
Conclusions :
C'était mon premier marathon. Pour les prochains, il faudra penser à :
-Faire un plan en 4 séances/semaine. Je pense que j'étais léger en kilométrage, c'est les jambes qui n'ont pas tenu. Le cardio est toujours resté en dessous de 160.
-Mieux gérer mon alimentation. J'ai souvent utilisé les gels sur les efforts longs en vélo, pourquoi diable n'ai-je pas essayé en CàP ? J'avais pas envie de me galérer à emporter mes gels avec moi je crois, et rien de solide ne passait en courant... LA prochaine fois, j'emmène des gels !
-Mieux gérer mon hydratation. Je me suis forcé à boire 150/200ml d'eau à chaque ravito, c'était encore insuffisant. Je suis grand et lourd, il y avait du vent et du soleil, j'ai vidé cul-sec en marchant 500ml après le ravito des 35km, et j'ai même fini un ebouteille ramassée par terre... Plus les 2 litres à l'arrivée... Je devais être en gros déficit hydrique !
-Je suis content de n'avoir rencontré aucun souci « mécanique », tous mes choix matériels se sont avérés pertinents (laçage, semelles, chaussettes, Comfeel, cuissard, t-shirts).
-Une fois encore, un énorme MERCI à Gilles (que je n'ai pas l'honneur de connaître) et à ses plans vraiment bien fichus. C'est grâce à lui que j'ai pu sereinement affronter ce challenge. Je pense que je lui dois aussi de pouvoir à nouveau monter les escaliers quatre à quatre seulement 3 jours après cette aventure !
-Merci bien sûr à mes deux "coach", Julien et Pablo (qui ne liront probablement jamais ces lignes, mais c'est important qu'ils y soient)
-Merci aussi à tous ceux de ce forum qui m'ont répondu lors de mes incertitudes de débutant, avec toujours une grande simplicité, ceux qui m'ont rassuré, encouragé, recadré, fait rigoler; et à ceux que j'ai (trop rapidement) aperçu dimanche.
Et bravo à ceux qui ont tout lu!
Je leur enverrai en récompense par la poste ma crème soja à la vanille...
J'ai essayé de faire court et synthétique, mais si vous voulez, je peux vous faire la version plus lyrique, j'ai encore plein de choses à vous dire...
Last Edit:il y a 11 ans 4 mois
par gyom193
Dernière édition: il y a 11 ans 4 mois par gyom193.
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Réponse de Reg sur le sujet Re: Mon calvaire breton (Mont St-Michel inside)
Posted il y a 12 ans 6 mois #169298
Super classe ce compte-rendu !
Bravo pour être arrivé au bout de l'aventure malgré le coup de bambou, parce que c'est vraiment une aventure ces 42 bornes..
C'est effectivement dommage qu'on se soit croisé aussi rapidement, je sais maintenant que nous aurons l'occasion un de ces quatre sur un marathon : moi aussi, bien qu'ayant souffert, je n'ai qu'une envie : ré-attaquer cet Everest (pas tout de suite quand même, d'abord des 10km et semi).
Bravo pour être arrivé au bout de l'aventure malgré le coup de bambou, parce que c'est vraiment une aventure ces 42 bornes..
C'est effectivement dommage qu'on se soit croisé aussi rapidement, je sais maintenant que nous aurons l'occasion un de ces quatre sur un marathon : moi aussi, bien qu'ayant souffert, je n'ai qu'une envie : ré-attaquer cet Everest (pas tout de suite quand même, d'abord des 10km et semi).
par Reg
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Réponse de rycker sur le sujet Re: Mon calvaire breton (Mont St-Michel inside)
Posted il y a 12 ans 6 mois #169299
Bravo d'avoir été au bout , c'est quand même une belle expérience n'est ce pas
La prochaine fois , comme moi , tu feras mieux
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par rycker
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Réponse de Mar2kfait sur le sujet Re: Mon calvaire breton (Mont St-Michel inside)
Posted il y a 12 ans 6 mois #169301
Salut Guillaume,
Bravo pour ton CR ! Et que dire de ta performance....moi qui pensais avoir souffert, j'étais frais comme un gardon par rapport à toi.
A monavis tu as eu une déshydratation. 3 sucres au 5 km ça me parait beaucoup, ça fait 6 à l'heure avec si peu d'eau, ça a pu amplifier le phénomène.
Bonne récup !
Bravo pour ton CR ! Et que dire de ta performance....moi qui pensais avoir souffert, j'étais frais comme un gardon par rapport à toi.
A monavis tu as eu une déshydratation. 3 sucres au 5 km ça me parait beaucoup, ça fait 6 à l'heure avec si peu d'eau, ça a pu amplifier le phénomène.
Bonne récup !
par Mar2kfait
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Réponse de maxantel sur le sujet Re: Mon calvaire breton (Mont St-Michel inside)
Posted il y a 12 ans 6 mois #169302
Ravi de voir que le moral est revenu. Qui plus est de belle manière avec la pointe d'humour de ton CR.
Nous voilà marathonien et fier de l'être !!!
Nous voilà marathonien et fier de l'être !!!
par maxantel
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Réponse de Mar2kfait sur le sujet Re: Mon calvaire breton (Mont St-Michel inside)
Posted il y a 12 ans 6 mois #169314
J'ai cherché et tu m'as éclairé : Soldat louis ! Merci Gyom.
par Mar2kfait
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