Mais pourquoi tu fais ca???!
- papadje
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Voila la question la plus fréquente à la quelle j'ai été soumis ces deux dernières années depuis que la course à pied est passée du statut de passe temps à celui de plaisir, voire d'addiction. Mes nombreuses heures d'entrainements, mes multiples courses ont d'abord fait sourire, puis amusé, étonné, pour maintenant provoqué de plus en plus l'inquiétude chez mes proches qui craignent autant pour mon intégrité physique que pour ma santé mentale et mon équilibre familial. D'ou cette interrogation: "Mais pourquoi tu fais ca?"
Je vais donc, à mon tour essayer rapidement de vous exposer les raisons qui m'ont amenées du défi incroyable de terminer un semi marathon il y a un peu plus deux ans à ma petite promenade dans les montagnes du 27 Aout.
Tout d'abord cette belle histoire n'a rien d'un coup de foudre, elle est au contraire le fruit d'une longue découverte. Je ne me suis pas réveillé un matin en me disant: "tiens et si je me mettais à courir 5 fois par semaine" ou "ca doit être sympa de faire des séances de 300m autour d'une piste!" ou encore "aller aujourd'hui je me démoli les cuisses dans les descentes". Il s'agit plutôt d'une longue découverte, d'un bel apprentissage de cette discipline, de ses exigences et de ses récompenses. Je passe rapidement sur les satisfactions les plus évidentes et les plus simples à comprendre connaissant le sportif et compétiteur de la première heure que je suis: améliorer son chrono sur un 10km, terminer dans le premier quart des participants d'une course, arriver à accrocher un pote normalement plus fort... ces motivations existent depuis le tout début de ma pratique, mais elles passent maintenant le plus souvent au deuxième voir au troisième plan. Mes records n'intéressent que moi et mes places dans les courses auxquelles je prends part sont on ne peut plus anecdotiques. Il ne s'agit donc pas d'une quête éperdue de performance brute.
La première vraie raison que je trouve est physique. Courir me fait du bien, physiquement. Ma pratique m'a transformé: j'ai changé deux fois de taille de ceinture, mes anciens costumes me sont beaucoup trop grands. Mes pulsations cardiaques au repos sont passées de 64 par minutes à 43. J'ai changé d'hygiène de vie, en phase de préparation je surveille mon alimentation, mon sommeil, mon poids, mon humeur. Je peux rester concentré beaucoup plus longtemps qu'auparavant. Je prends soin de mon corps comme jamais jusqu'à maintenant en veillant à ne pas trop le solliciter, à alterner période d'entrainement intense et de récupération et je suis suivi par un ostéopathe. Depuis que je cours "sérieusement" et que je planifie mes entrainements je n'ai jamais été blessé. Je suis une voie de "développement durable" de ma pratique en préservant au maximum mon intégrité. Le dernier bienfait plus chimique que physique et se nomme endorphine: c'est la meilleure et plus célèbre amie du coureur de fond. La sensation de bien-être que provoque sa libération est grisante, et peut engendrée une réelle addiction. Je le reconnais, j'y suis accro, mais de toutes mes addictions passées ou présentes, elle est de loin celle dont je suis le moins honteux.
On arrive alors à l'aspect psychologique de ma pratique. C'est la partie sur laquelle j'ai l'impression d'avoir subi le plus de transformations. Depuis un peu plus de 2 ans j'ai le sentiment d'avoir énormément progressé, dans mon approche de la course d'abord, mais surtout dans ma façon d'aborder ma vie de façon plus générale. Ma progression (et mes échecs) sur les distances de courses (semi, marathon, 70km, 100km, ultra) ressemble à un long escalier. Chaque palier est une victoire. Je me retrouve complètement dans cette pratique car elle me correspond parfaitement. Elle me permet de me confronter avec mon adversaire préféré: moi même, sans détour.
Sur le très long, la fatigue, l'effort font ressortir parfois des blessures, ou des regrets. L'isolement devient alors total, les gestes automatiques, et je rentre alors dans des périodes de réflexions personnelles assez intenses et terriblement instructives. La plupart du temps ces périodes correspondent à des creux physiques. Ce sont ces combats la que je préfère, quand je dois reprendre le dessus, quand je me bats vraiment, quand seule la réussite est possible, quand je dois faire des compromis avec moi même, quand les images de mes proches viennent me soutenir, quand je peux m appuyer sur toutes mes victoires passées.
Ici pas question de remettre la faute sur quelqu'un d'autres, je suis maitre de mes choix que je dois adapter en fonction de mes capacités du moment, du terrain, de la météo... Lors des sorties les plus longues je m'immerge complètement dans mon navire intérieur. Je tiens la barre en étant attentif à tous mes indicateurs (faim, soif, douleurs, euphorie...), au chemin à suivre, a la distance avant mon prochain ravitaillement.
Je suis obligé de planifier, parfois des mois a l'avance, mes courses et plans d'entrainement, moi le spécialiste du "tout a l'arrache". Elle m'apprend la prise de risque et la sécurité dans mes choix.
Elle m'apprend surtout l'humilité et le respect, deux valeurs primordiales. Lorsqu'il m'est arrivé de me surestimer, de prendre de haut certaines courses, de passer outre certains principes de base, la punition a été dure, douloureuse au sens physique du terme.
Mais ces souffrances, ces efforts sont récompensés: dans ces moments ou tout va bien, le moral remonte en flèche, quand je cours seul sur un chemin de crête ou je "vole" de nuit dans une descente de foret, je me sens léger, concentré, en parfaite harmonie.
Enfin il y a le shoot... Celui qui arrive a la fin d'une course. Il vient clore de longs mois d'entrainement et d'efforts. Il ne se produit que si on a été patient pendant la course. On le sent monter doucement au fur et à mesure que la ligne d'arrivée se rapproche, par petites vagues dans les 5 dernières minutes. J'adore contenir toutes ses émotions jusqu' au dernier moment, laisser monter la pression, pour tout laisser exploser au dernier moment. Arrive alors le raz-de-marée quand mes veines sont inondées d'adrénaline, que toute mon échine est parcourue de frissons, qu'enfin j'ai atteint mon but.
C'est pour toutes ces raisons que je fais tout ca:
Parce que j'aime l'effort, j'aime me dépasser, aller chercher au fond de moi la motivation et les ressources nécessaires pour continuer, pour aller jusqu'au prochain virage, au prochain sommet, à mon prochain but. Je ne me sens jamais aussi en harmonie avec moi même que dans ces moments ou je suis maitre de mes choix, ou le seul à pouvoir avoir raison ou tord c'est moi.
Parce que j'aime l'idée que ma récompense sera immense et ne durera que quelques minutes à mon arrivée, que ne subsisteront après que des belles images et souvenirs de mon voyage.
Parce que je n'échangerai contre rien au monde les moments ou je vois la fierté dans les yeux de mes fils quand je leur ramène une médaille de ma course alors que j'ai fini dans le ventre mou du classement.
Parce qu'enfin je sens qu'en même temps que je cours, j'avance dans ma vie de tous les jours. Je pense que je suis plus ouvert aux autres, plus à leur écoute, plus indulgent aussi.
Alors dans la nuit de Vendredi à samedi, quelque part dans la région de Chamonix, quand je serai vraiment "dans le dur", et que je me dirai : "Mais pu@#%n qu'est-ce que je fous là???", je vous remercierai de m'avoir posé cette question et de m'avoir permis de prendre un peu de temps et de recul pour y répondre. Je penserai bien à vous et me dirai que finalement le voyage est beau et la magnifique récompense, qui cette fois sera le lever du soleil sur le Mt Blanc, valent bien la peine de courir encore quelques kilomètres.
Après promis, j'en ferai moins... au moins quelques jours .
Je vais donc, à mon tour essayer rapidement de vous exposer les raisons qui m'ont amenées du défi incroyable de terminer un semi marathon il y a un peu plus deux ans à ma petite promenade dans les montagnes du 27 Aout.
Tout d'abord cette belle histoire n'a rien d'un coup de foudre, elle est au contraire le fruit d'une longue découverte. Je ne me suis pas réveillé un matin en me disant: "tiens et si je me mettais à courir 5 fois par semaine" ou "ca doit être sympa de faire des séances de 300m autour d'une piste!" ou encore "aller aujourd'hui je me démoli les cuisses dans les descentes". Il s'agit plutôt d'une longue découverte, d'un bel apprentissage de cette discipline, de ses exigences et de ses récompenses. Je passe rapidement sur les satisfactions les plus évidentes et les plus simples à comprendre connaissant le sportif et compétiteur de la première heure que je suis: améliorer son chrono sur un 10km, terminer dans le premier quart des participants d'une course, arriver à accrocher un pote normalement plus fort... ces motivations existent depuis le tout début de ma pratique, mais elles passent maintenant le plus souvent au deuxième voir au troisième plan. Mes records n'intéressent que moi et mes places dans les courses auxquelles je prends part sont on ne peut plus anecdotiques. Il ne s'agit donc pas d'une quête éperdue de performance brute.
La première vraie raison que je trouve est physique. Courir me fait du bien, physiquement. Ma pratique m'a transformé: j'ai changé deux fois de taille de ceinture, mes anciens costumes me sont beaucoup trop grands. Mes pulsations cardiaques au repos sont passées de 64 par minutes à 43. J'ai changé d'hygiène de vie, en phase de préparation je surveille mon alimentation, mon sommeil, mon poids, mon humeur. Je peux rester concentré beaucoup plus longtemps qu'auparavant. Je prends soin de mon corps comme jamais jusqu'à maintenant en veillant à ne pas trop le solliciter, à alterner période d'entrainement intense et de récupération et je suis suivi par un ostéopathe. Depuis que je cours "sérieusement" et que je planifie mes entrainements je n'ai jamais été blessé. Je suis une voie de "développement durable" de ma pratique en préservant au maximum mon intégrité. Le dernier bienfait plus chimique que physique et se nomme endorphine: c'est la meilleure et plus célèbre amie du coureur de fond. La sensation de bien-être que provoque sa libération est grisante, et peut engendrée une réelle addiction. Je le reconnais, j'y suis accro, mais de toutes mes addictions passées ou présentes, elle est de loin celle dont je suis le moins honteux.
On arrive alors à l'aspect psychologique de ma pratique. C'est la partie sur laquelle j'ai l'impression d'avoir subi le plus de transformations. Depuis un peu plus de 2 ans j'ai le sentiment d'avoir énormément progressé, dans mon approche de la course d'abord, mais surtout dans ma façon d'aborder ma vie de façon plus générale. Ma progression (et mes échecs) sur les distances de courses (semi, marathon, 70km, 100km, ultra) ressemble à un long escalier. Chaque palier est une victoire. Je me retrouve complètement dans cette pratique car elle me correspond parfaitement. Elle me permet de me confronter avec mon adversaire préféré: moi même, sans détour.
Sur le très long, la fatigue, l'effort font ressortir parfois des blessures, ou des regrets. L'isolement devient alors total, les gestes automatiques, et je rentre alors dans des périodes de réflexions personnelles assez intenses et terriblement instructives. La plupart du temps ces périodes correspondent à des creux physiques. Ce sont ces combats la que je préfère, quand je dois reprendre le dessus, quand je me bats vraiment, quand seule la réussite est possible, quand je dois faire des compromis avec moi même, quand les images de mes proches viennent me soutenir, quand je peux m appuyer sur toutes mes victoires passées.
Ici pas question de remettre la faute sur quelqu'un d'autres, je suis maitre de mes choix que je dois adapter en fonction de mes capacités du moment, du terrain, de la météo... Lors des sorties les plus longues je m'immerge complètement dans mon navire intérieur. Je tiens la barre en étant attentif à tous mes indicateurs (faim, soif, douleurs, euphorie...), au chemin à suivre, a la distance avant mon prochain ravitaillement.
Je suis obligé de planifier, parfois des mois a l'avance, mes courses et plans d'entrainement, moi le spécialiste du "tout a l'arrache". Elle m'apprend la prise de risque et la sécurité dans mes choix.
Elle m'apprend surtout l'humilité et le respect, deux valeurs primordiales. Lorsqu'il m'est arrivé de me surestimer, de prendre de haut certaines courses, de passer outre certains principes de base, la punition a été dure, douloureuse au sens physique du terme.
Mais ces souffrances, ces efforts sont récompensés: dans ces moments ou tout va bien, le moral remonte en flèche, quand je cours seul sur un chemin de crête ou je "vole" de nuit dans une descente de foret, je me sens léger, concentré, en parfaite harmonie.
Enfin il y a le shoot... Celui qui arrive a la fin d'une course. Il vient clore de longs mois d'entrainement et d'efforts. Il ne se produit que si on a été patient pendant la course. On le sent monter doucement au fur et à mesure que la ligne d'arrivée se rapproche, par petites vagues dans les 5 dernières minutes. J'adore contenir toutes ses émotions jusqu' au dernier moment, laisser monter la pression, pour tout laisser exploser au dernier moment. Arrive alors le raz-de-marée quand mes veines sont inondées d'adrénaline, que toute mon échine est parcourue de frissons, qu'enfin j'ai atteint mon but.
C'est pour toutes ces raisons que je fais tout ca:
Parce que j'aime l'effort, j'aime me dépasser, aller chercher au fond de moi la motivation et les ressources nécessaires pour continuer, pour aller jusqu'au prochain virage, au prochain sommet, à mon prochain but. Je ne me sens jamais aussi en harmonie avec moi même que dans ces moments ou je suis maitre de mes choix, ou le seul à pouvoir avoir raison ou tord c'est moi.
Parce que j'aime l'idée que ma récompense sera immense et ne durera que quelques minutes à mon arrivée, que ne subsisteront après que des belles images et souvenirs de mon voyage.
Parce que je n'échangerai contre rien au monde les moments ou je vois la fierté dans les yeux de mes fils quand je leur ramène une médaille de ma course alors que j'ai fini dans le ventre mou du classement.
Parce qu'enfin je sens qu'en même temps que je cours, j'avance dans ma vie de tous les jours. Je pense que je suis plus ouvert aux autres, plus à leur écoute, plus indulgent aussi.
Alors dans la nuit de Vendredi à samedi, quelque part dans la région de Chamonix, quand je serai vraiment "dans le dur", et que je me dirai : "Mais pu@#%n qu'est-ce que je fous là???", je vous remercierai de m'avoir posé cette question et de m'avoir permis de prendre un peu de temps et de recul pour y répondre. Je penserai bien à vous et me dirai que finalement le voyage est beau et la magnifique récompense, qui cette fois sera le lever du soleil sur le Mt Blanc, valent bien la peine de courir encore quelques kilomètres.
Après promis, j'en ferai moins... au moins quelques jours .
par papadje
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- Tye
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superbe ! Félicitations pour ce que tu fais. Je te comprends tout à fait.
Bon courage pour quand tu sera "là haut" et éclate toi bien !!!
Bon courage pour quand tu sera "là haut" et éclate toi bien !!!
par Tye
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- adejean
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Bravo, tout est très clair et ca prend les tripes.
On sent la sincérité et l'authenticité dans ton texte !
Avec une telle prose tu devrais écrire des livres
On sent la sincérité et l'authenticité dans ton texte !
Avec une telle prose tu devrais écrire des livres
par adejean
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- finopat
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Superbe !!
bonne course dimanche, prends un max de plaisir !
bonne course dimanche, prends un max de plaisir !
par finopat
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- wilf
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CQFD! ce qu'il fallait dire!
merci d'avoir pris le temps de nous le dire.
merci d'avoir pris le temps de nous le dire.
par wilf
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- rycker
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Superbes explications
Bonnes courses alors
Bonnes courses alors
par rycker
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