Quand progresser rime avec diversité
Combien de coureurs estiment qu’une amélioration des performances passe obligatoirement par un entrainement plus dur et/ou plus volumineux ? Pourtant d’autres options existent, moins coûteuses en temps et en énergie. Grand adepte de la diversité, Sébastien nous conduit sur les chemins du progrès.
Coureur méthodique et curieux de nature, Sébastien aime analyser et comprendre ses entrainements. La tenue d’un carnet d’entrainement lui permet de déchiffrer ses performances au fil des saisons et d’identifier les recettes du succès et les pentes savonneuses qui mènent à l'échec. Ce détricotage méthodique des séances a conduit à un constat déroutant
Des progrès déroutants
Après deux années de pratique du 10 km, Sébastien décide à l’automne 2011, de préparer sérieusement un semi-marathon. Jusqu’alors, son entrainement était on ne peut plus classique. Persuadé que toutes formes de progrès passent par un travail varié à l’entrainement, il s’applique à mixer les séances en portant une attention toute particulière aux footings en endurance fondamentale, au travail de VMA et aux séances à allure spécifique 10 km. Il amène ainsi son record à 42mn30 sur 10 km (avec 3 séances d'entraînement par semaine).
Au moment d’aborder sa préparation pour le semi-marathon, Sébastien décide de reprendre les mêmes bases d'entraînement en l'adaptation au nouvel objectif. Il augmente la durée des sorties longues et remplace les séances 10 km par des sorties à l'allure du semi-marathon. Une nouvelle fois la réussite est au bout du chemin avec un joli temps de 1h35'03" à l'arrivée.
Sur sa lancée, Sébastien s'inscrit à une course de 10 km qui se déroule 3 semaines après le semi-marathon. Il se sent en forme. Cependant un doute subsiste. Réussira-t-il à tenir le rythme endiablé d’un 10km alors que ses dernières séances spécifiques "10km" remontent à l’été 2011 (soit 6 mois auparavant). Sur la ligne de départ, Sébastien est fébrile. Il craint de manquer de "rythme". Son propos traduit son manque d'assurance : "Si j’égale mon record, je serai satisfait". Finalement après un départ prudent (sur les bases de 42mn30), les sensations sont bonnes. Soutenir le rythme de course ne lui pose aucun problème. Le chrono à l’arrivée est au-delà de ses espérances : Record battu de plus d’une minute (41min08)
Toujours soucieux d’analyser ses performances, Sébastien reste perplexe face à ce chrono. "Comment ais-je pu battre aussi largement mon record avec dans les jambes, "deux pauvres séances" de travail à allure spécifique 10 km ? Pour battre mon record sur 10 km, ais-je intérêt à opter pour un plan semi-marathon ? Le travail à allure spécifique 10 km ne sert-il donc à rien ? Pourtant la notion de spécificité de l'entraînement est un principe cardinal de l'entraînement ! Que penser ?" Nous allons tenter de lui répondre.
Progrès ou adaptation ?
Prenez une séance de VMA classique (Vitesse Maximale Aérobie) composée de deux séries de dix fois trente secondes d’effort réalisé à 100%de la VMA et entrecoupées de trente secondes de récupération (bref est séance de "30-30"). Proposez cette séance durant quatre semaines à un coureur, en lui demandant de noter ses sensations et le niveau de difficulté perçu. Généralement, le coureur trouvera la séance plus facile au bout de trois ou quatre semaines. Normal direz-vous, entre temps le potentiel aérobie du coureur a progressé. La même séance est devenue plus facile. Ce n'est pas faux mais ce n'est pas tout juste non plus.
Sur de courtes périodes d’entrainement, il est difficile d'augmenter significativement son potentiel aérobie. La progression provient avant tout d'adaptations difficiles à classer (nerveuses, musculaires…) qui améliore l'adaptation de l'organisme à l'effort consenti. Pour s’en convaincre, il suffit de programmer un nouveau test de VMA et de constater que la performance a peu évolué. Autrement dit on n'arrive pas à montrer que l'organisme du coureur a progressé et pourtant la séance est plus facile.
Cet exemple permet de mettre en lumière la composante spécifique d’un entrainement et de comprendre qu’à potentiel aérobie équivalent, il est tout à fait possible de continuer à améliorer ses performances en course à pied. Ce principe de spécificité est d’ailleurs repris et appliqué dans la plupart des plans d’entrainement à travers la programmation de séances de travail à l'allure spécifique à l'objectif. Rappelons-nous qu'être spécifique c'est préparer un devoir d'anglais pour la semaine prochaine en passant ses soirées à lire Shakespeare dans le texte plutôt que s'évertuer à décrypter la nuit durant, la seconde loi de la thermodynamique. Autrement dit je m'entraîne spécifiquement pour le semi-marathon quand je cours à l'allure attendue le jour J et sur des distances qui approchent 21 km.
Quand la routine nuit aux progrès
Le travail spécifique est nécessaire mais insuffisant pour progresser durablement en course à pied. Sébastien l’a bien compris qui varie remarquablement ses allures à l’entrainement. S’entrainant trois fois par semaine, il est dans l’obligation de faire des choix : 1 séance pour le lent, 1 séance pour la VMA et 1 séance pour l'allure 10 km. Rien de plus logique. Mais après quelques mois de progression, les résultats commencent à stagner. Les chronos sont de plus en plus difficiles à battre. Sébastien s’approche-t-il dangereusement de la performance maximale que son potentiel aérobie lui autorise ? On est en droit de le penser.
Préparer sérieusement un semi-marathon aura des effets très bénéfiques pour Sébastien. A répéter toujours la même préparation, il a fini par s’enfermer dans une routine qui certes lui permet d’exploiter pleinement son potentiel sur 10 km, mais l’empêche aussi de développer harmonieusement l’ensemble de ses capacités aérobies. Or plusieurs travaux –notamment ceux menés par Christian Delerue – ont montré que toute faiblesse au niveau des allures lentes ou modérées a des répercutions directes sur les allures rapides. Solliciter davantage ces allures « intermédiaires » lui fut salutaire. Non seulement il réussit à atteindre l’objectif fixé sur semi-marathon, mais cerise sur le gâteau, le voilà relancé sur 10 km. L’expérience fut renouvelée quelques mois plus tard avec le même succès à la clé (1h29mn42 sur semi et 39min24 sur 10 km). Sébastien, on repart de plus belle à l’automne 2013 ?
Perspectives La trajectoire de Sébastien n’a rien d'unique. Vous vous souvenez sûrement du témoignage de Jérôme publié dans le précédent numéro* de votre magazine préféré. Les allers et retours de Jérôme entre route et trail lui avait permis de progresser davantage que le confinement sur la route. En tant qu’entraineur, je croise régulièrement des coureurs dont les propos ressemblent comme deux gouttes d'eau à ceux de Sébastien et de Jérôme. On finirait par croire que s’entrainer moins vite et plus longtemps procure plus d'avantages que courir dans des conditions (allure – terrain) spécifiques. C’est parfois le cas. Dans les faits, les deux types d’entrainement sont nécessaires. C'est à l’entraineur et/ou à l'athlète de trouver les bons dosages et d'opérer des choix stratégiques – notamment au niveau des courses disputées – permettant d'apprendre au corps les conditions de l'épreuve à venir (spécificité) sans enfermer l'organisme dans une routine trop petite pour permettre son évolution à long terme (diversité).
*Zatopek n°25 – Cahier central – pages 24 et 25
Gilles Dorval
Article publié dans le cahier central "la locomotive" du magazine Zatopek N°26
La tête au carré
Prénom: Sébastien
Sexe : masculin
Age : 38 ans
Ville : Rennes (35)
Etat civil : marié et père de 2 filles
Profession : Ingénieur
Spécialité : la course en nature
Club : Team CCAP
Entraîneur : après 2 ans à suivre les plans du site conseils-courseapied.com, j'ai acquis suffisamment d'autonomie pour devenir mon propre entraîneur.
Taille : 185 cm
Poids : 72 kg
VMA : 17.5 km/h
Kilomètres maxi par semaine : 60
Nombre de séances : 3 à 5
Records
10 km: 39'24", semi-marathon: 1h27'40", marathon 3h19'58"
Débuts en course à pied
Régulièrement depuis l'été 2009
Séance préférée
La sortie longue du dimanche matin surtout quand elle intègre du travail à allure spécifique semi-marathon ou marathon
Séance détestée
Aucune, mais celle où je prends le moins de plaisir est certainement la séance de VMA longue
Meilleur souvenir en course
Le passage de la ligne d'arrivée de mon premier marathon main dans la main avec ma fille !
Moins bon souvenir
Les 5 derniers kilomètres de mon premier marathon
Hobby sportif
Les matchs de foot... à la télévision
Hobby non sportif
Les activités avec la famille.
Diététique
J'adore les pâtes ; la pratique de la course à pied est bon prétexte pour en manger !
Maxime
«Les rêves ne se réalisent pas en restant sans rien faire : il faut leur courir après »
Article écrit par Gilles Dorval
Créateur du site Conseils-courseapied.com
Entraîneur course hors stade 3eme degré FFA
Gilles Dorval
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